Mur de son






Richard Gotainer « Contes de Traviole »
Spécial Chanson Française
(Nouveau & inédit)


Richard Gotainer… Voilà un personnage pas banal. Gotainer commença à travailler dans une agence de pubs pour laquelle il créa de véritables tubes publicitaires ! Gotainer a sans doute été l’artiste le plus diffusé des années 70-80 sans que jamais son nom ne soit mentionné ! Ses ritournelles sont dans le subconscient de chacun ! « Dans Banga y’a de l’eau oui mais pas trop ! » « Oh donne-nous un peu de ton fromage, Belle des champs », « Babydop, pour les bébés Baby dop est doux, pour les mamans et les bouts de chou », « MV mmm comme un maroquinier, vvv comme un voyage MV », « On est tous pour Danette » « Tapons nous sur la bedaine, Saupiquet ‘cré nom de nom », « Il est 4 heures à la bonheur, sortez des placards les BN », « je sais pas ce qui a je suis raplapla.. » « T’es toute molle tu te sens moche, t’es gnangnan et tu te trouve cloche. Buvez, éliminez ! ». Autant de jingles et de gimmicks qui ont marqué la publicité française. Son sens du mot qui fait mouche, Gotainer le transposa donc en chanson pour écrire des tubes imparables « Primitif », « Femme à lunettes », « Le Youki », « Le mambo du décalco » accompagné du musicien Claude Engel ex membre du groupe rock Magma, un gage de qualité donc. Avec « Comtes de traviole » Gotainer nous invite dans son univers loufoque où il marie une certaine tendresse « Le béquillard des bois », Chanson Galipette », « Tout Foufou », l’humour « Halleluya », « Bamboche et Patachon » et le rock décalé « Soupape » et surtout « Saturax ». Des titres que l’on retient immédiatement, qu’on prend plaisir à fredonner et qui nous laisse une sensation de bien être, de joyeuseté. Idéal contre la morosité, Gotainer sous ses airs de rigolard facétieux est un excellent compositeur qui sait s’inspirer des meilleures influences pour nous offrir de véritablement moments de plaisir.







Yves Simon « Respirer, chanter... »
Spécial Chanson Française
(Nouveau & inédit)


« Respirer, chanter » est sans doute l’album le plus connu du chanteur-écrivain Yves Simon. Et pour cause, cet album est simplement parfait. Sorti en 1974, ce disque très « urbain » est largement imprégné des atmosphères électriques des mégapoles américaines parfaitement retranscrites sur les titres « J’ai Rêvé New-York », « Moi je sais un jour tu iras » ou bien sûr « Manhattan ». Une atmosphère qu’on retrouve également sur « Le joueur d’accordéon » ou diluée ça et là sur l’ensemble de l’album. Mais Yves Simon sait aussi être planant notamment sur « Les brumes de la Seine » ou les très poétique « Respirer, chanter ».  Les autres titres sont tout aussi superbes, « Clo Story », « Chaque nuit, tu t’enfuies », « Je t’emmène ». L’ensemble, très cohérent, propose une suite de chansons remarquablement arrangées, sans faute de goût, pour laissait présager un avenir musical des plus glorieux. Malheureusement, si Yves Simon enregistrera encore plusieurs albums avec des titres marquants, aucun n’atteindra la perfection de celui-ci, l’homme préférant s’invertir d’avantage dans sa carrière de romancier plutôt que de musicien. Il reste néanmoins un album fort, plutôt précurseur pour l’époque, rempli d’émotion et d’images électriques.


Boris Vian « chante Boris Vian »
Spécial Chanson Française
(Nouveau & inédit)


Quand on parle du rock français, évoquer Boris Vian peut pour le moins surprendre. Pourtant l’écrivain touche à tout est tout simplement l’auteur français qui a écrit le premier titre rock de l’histoire de la chanson française ! Ce titre ? « Fais-moi mal, Johnny » interprété par Magali Noël. Si Vian est unanimement reconnu pour ses romans, sa poésie, ses pièces de théâtre, il était également un musicien averti fou de jazz. Il devient directeur artistique chez Philips et chroniqueur dans le magazine Jazz Hot. C’est donc naturellement qu’il s’intéresse à la chanson et signe des titres qui marqueront la chanson française et le rock. Sa chanson la plus controversée reste sans aucun doute « Le Déserteur », reprise par les plus grands, mais également « le tango des Joyeux Bouchers », « La java des bombes atomique », « la complainte du progrès », « On n’est pas là pour se faire engueuler ». Si ses textes ont été chantés par d’autres, notamment Henri Salvador avec le désopilant « Blues du dentiste », les Frères Jacques, Magalie Noël, Yves Montant, Reggiani ou plus rock Hgelin, Lavilliers, Jean Louis Aubert, les Amis de ta Femme, Etron Fou Leloublan, Jacno, Catherine Ringer, les Taites Raides et j’en passe des dizaines et des dizaines, Vian n’hésitait pas à pousser lui-même la voix, de fort belle manière. Cet album compile donc certains titres chantés par Vian, ses classiques bien sûr, mais aussi de petites perles inédites comme « La java des chaussettes à clous », « Calypso Blues », « Barcelone ». Intemporel et unique, l’œuvre de Vian traverse les décennies avec la même fraîcheur, le même engagement, la même puissance sans prendre une ride. 




Bourvil « Du rire aux larmes »
Spécial Chanson Française
(Nouveau & inédit)


S’il était connu pour ses rôles inoubliables au cinéma, Bourvil avait plus d’une flèche à son arc. Parmi ses nombreux talents, Bourvil était un chanteur à la sensibilité exacerbée. Aussi à l’aise dans les chansons légères, « A Bicyclette », « La tactique du gendarme », « La rumba du pinceau », « c’est le Piston », il était tout aussi touchant et bouleversant dans un registre plus classique. « La ballade Irlandaise, « C’était bien (le petit bal perdu) », « La Tendresse », « les Crayons », « Ma p’tit’ chanson ». Bourvil a interprété plus de 300 chansons, dont certaines resteront à jamais gravées dans la mémoire collective. Ecouter Bourvil, c’est comme prendre une immense bouffée d’air pur, sans prise de tête, tout en tendresse. Un véritable bonheur, un antidépresseur naturel sans aucune contre-indication.


Albert Marcoeur « Album à colorier »
Spécial Chanson Française
(Nouveau & inédit)



Le monde d’Albert Marcoeur fourmille d’idée toutes bêtes. S’en est presque affligeant. Comment avec trois fois rien, ce type est-il capable de fabriquer des chansons aussi surprenantes ? Car le tour de force de Marcoeur est de transformer une certaine naïveté loufoque,  presqu’enfantine, en titres diaboliquement efficaces. Tout cela dans un univers de prime abord assez éloigné du rock et même de la chanson française. Chez Marcoeur tout n’est que cuivre déjanté, il joue lui-même de pas mal d’instruments à vent (clarinette basse, pipeau, saxophone alto) et instruments hétéroclites rarement utilisés dans le monde de la « variété » (mélodion, bugle, cornemuse, balafon, piccolo, bandonéon, la liste n’est pas exhaustive). Le résultat, plus qu’étonnant est de toute beauté. Entre jazz, rock, chanson française décalée et expérimentations musicales, Marcoeur s’amuse avec sa voix si particulière et ses sonorités venues d’ailleurs. Des titres enlevés comme « Monsieur Lépousse » ou « Le nécessaire à chaussure » sont bluffant d’efficacité et de délires verbaux. « Le fugitif », dramatiquement drôle, part d’un constat des plus stupides, vu qu’il conte le désarroi d’un homme enfermé dans les wc d’un bar.. sans papier toilette ! Mais Marcoeur sait aussi manier la poésie touchante comme « Le père Grimoine », « Elle était belle » ou « La cueillettes des noix » le tout au milieu de textes absurdes, inimaginables en chanson, comme « Le jus d’abricot ». Souvent considéré comme le Franck Zappa, Marcoeur manie cependant bien plus les différentes couleurs de l’émotion que son illustre collègue américain. A la fois solennel, tragique, triste mais aussi joyeux et amusant, le mode de Marcoeur est toujours touchant et candide sans jamais sombrer dans la facilité. Un artiste étrange, inclassable. Un doux rêveur imprévisible qui nous offre là un « album à colorier » tout en nuances émotionnelles.







Pierre Vassiliu « Présentement »
Spécial Chanson Française
(Nouveau & inédit)



Il faut bien le reconnaître, lorsqu’on parle d’artiste français, Pierre Vassiliu n’est pas le premier nom qui vient à l’esprit. Tout au plus, pour les plus vieux d’entre vous, Vassiliu est simplement l’auteur du tube « Qui c'est celui-là ? ». Pour les plus jeunes, cet auteur-compositeur-interprète n’évoque tout simplement absolument rien.  Pourtant l’homme, plutôt discret, a composé de véritables perles comme le sublime « Amour amitié » mais aussi des titres improbables pas toujours du meilleur goût. Vassiliu s’en moque. Il revendique sa liberté et n’a que faire du « qu’en dira-ton ». Trouver un album de Vassiliu relève du parcours du combattant et je dois reconnaître que trouver une image de son album live de 82 « Présentement » n’a pas été sans peine compte tenu qu’il n’a pas fait l’objet d’une réédition en cd. C’est bien dommage car cet album est fabuleux. Subtil mélange de rock et de world-music « Présentement » est un joyau de délire musical. Des titres comme « Izdecol » ou « Tarzan » sont de purs bonheurs où Vassiliu s’en donne à cœur joie dans l’improvisation et la folie verbale. Avec cet album il rejoint d’autres allumés au panthéon des artistes des scènes comme Higelin avec qui il partage le violoncelliste Denis Van Hecque. Si quelqu’un possède cet album dont je ne possède qu’une vieille k7 audio, qu’il pense à moi !



Manset « 2870 »


Très très peu d’interviews, quasiment aucun concert (voire pas du tout), des albums distillés au compte-gouttes, (près d'une vingtaine quand même !) Manset est un homme discret. Très discret, voire même trop discret. A tel point qu’après le succès de son 45 tours « Il voyage en solitaire », vendu à plus de 300 000 exemplaires, l’homme se terre chez lui, refusant toutes formes de médiatisation. Enfermé dans son monde mystérieux et souvent sombre, Manset fait de sa discrétion une véritable marque de fabrique. L’album « 2870 » publié en 78 et jamais réédité depuis sous sa forme initiale (comme un grand nombre d’albums du maître) est de toute beauté. Plus électrique que ses précédents, plus froid aussi, il nous invite à découvrir en 6 titres son univers personnel avec talent et humilité. Les titres sont forts « Jésus », « Le Pont », intimes « Un Homme une femme », « Ami », « Ton âme heureuse », intenses « 2870 » (14 minutes de puissance glaciale). Musicien génial, artiste complet, Manset fuit autant le public que les médias.

Aussi si vous le croisez, ne lui parlez pas, ne le regardez même pas !

Penchez-vous juste sur sa musique, c’est tout ce qu’il demande.

Et sa musique est un enchantement.





Gabriel Yacoub « Bel »




« Bel »… Plutôt énigmatique comme titre non ?

C’est pourtant celui qu’a choisi Gabriel Yacoub pour son album sorti en 1990 chez Boucherie Production. Le choix de ce label peut d’ailleurs surprendre, celui-ci, fondé par Français Hadji-Lazaro des légendaires Garçons Bouchers, étant plutôt connu pour avoir signé des groupes post-punks comme La Mano Negra, 10 Petits Indiens, Sttella ou encore BB Doc. Or dans ce « Bel », tout n’est que mélodie délicate et nostalgie subtile. Habile mélange de compositions personnelles et de chansons traditionnelles, « Bel » est un album envoutant où la poésie de Yacoub flirte avec le folk irlandais ou la pop minimaliste. Il marie les atmosphères raffinées et intimistes associant instruments d’un autre âge et technologie moderne pour une musique simple et profonde. « Bel » est un joyau de titres sublimes comme le poignant « Ma délire » à cappella, le superbe « Les Choses les + Simples » ou encore le splendide « Words ».

De bien « Bel » compositions qui font de Yacoub, un artiste unique à découvrir d’urgence.





Robert Fripp « Exposure »



Robert Fripp est un curieux musicien. Un type à part. Guitariste chevelu et énervé à l’époque du légendaire King Crimson des années 70, en passant par les dentelles atmosphériques créées avec son double Brian Eno, jusqu’aux leçons de guitare avec son quintet à cordes, Fripp est toujours là où l’on ne l’attend pas, prêt à nous surprendre toujours et d’avantage. Lorsqu’en 79 il propose « Exposure », surprise ! On découvre un Robert Fripp, cheveux court, cravate et costume, un look peu ordinaire pour un artiste qui ne l’est pas moins. Difficile d’imaginer à la vue de cette pochette, ce que le disque peut bien contenir. Tout juste peut-on imaginer un album gentillet bien dans l’air du temps. D’ailleurs, Fripp lui-même avait annoncé que ce nouvel album serait commercial et accessible à tous. Seulement il semblerait que Fripp ait une notion du commercial un peu erronée et qu’il maîtrise mal le terme « accessible ». Si le premier titre, enfin le deuxième « You burn me up i'm a cigarette » (le premier « Preface » étant une discussion en guise d’introduction) peut paraître convenir à un album commercial, rapidement l’affaire se corse. « Breathless » semble tout droit sorti de l’album « Red » de King Crimson, « Disengage » taquine le punk. Au milieu de cette frénésie électrique époustouflante quelques perles de délicatesse. La reprise de « Here Comes the Flood » de Peter Gabriel qui vient prêter sa voix ou les très planants « Water music » qui alternent avec les délires avant-gardistes les plus sauvages. Pièce maîtresse de cet album incroyable, le titre qui donne son nom à l’album « Exposure ». Un pur moment de folie musicale expérimentale sublimé par une voix incroyable. Grand album que cet « Exposure » où les fameux Frippertronics (système d’enregistrement/reproduction sonore basé sur deux Revox en ligne imaginé par Fripp) côtoient les talents de musiciens comme, excusez du peu, Brian Eno, Phil Collins, Dary Hall, Peter Hammill, Peter Gabriel et bien d’autres.

« Exposure » n’est pas à mettre entre toutes les mains, c’est un objet d’art réservé aux seuls initiés. Mais quelle claque !











Magma « Live Hhaï »



Aucun album de rock français n’est allé aussi loin que ce live de Magma. Et tout bien réfléchi, aucun groupe, nulle part ailleurs, n’a osé s’aventurer là où Magma est allé. Magma n’est pas un groupe, c’est un concept, un univers, un monde à lui tout seul. Entièrement créé et imaginé par son batteur charismatique, Christian Vander, sorte de gourou dément et talentueux (l’un des tout meilleurs batteurs au monde, tous styles confondus), Magma est une sorte de mythologie musicale basée autour d’un peuple imaginaire, les Kobaïens, censé parti former une nouvelle civilisation sur la planète Kobaïa. A première vue, ça peut prêter à rire mais l’affaire est prise très au sérieux par son géniteur. A tel point que Vander est allé jusqu’à inventer une langue aux accents teutons que seuls lui et ses disciples comprennent. Et parmi ces derniers, on retrouve les plus fines lames des musiciens français. L’immense Klaus Blasquiz au chant (plus de cinq octaves à son actif !), Bernard Paganotti à la basse, Benoît Widemann aux claviers, Didier Lockwood au violon et Stella Vander, sœur de Christian, au chant. Et là, autant dire, qu’on est à des années lumières du petit groupe de rock and roll. La musique de Magma, inclassable, évolue à mi-chemin entre le rock, le jazz et le classique. C’est une déferlante de sonorités brutes et complexes qui écrase tout sur son passage. Une sorte de tsunami électrique puissant et rageur qui nous laisse sans voix. Et ce live de 75 est certainement le meilleur testament de cette tribu de fous furieux totalement dévoués à leur œuvre. Le titre « Köhntark » est l’un des plus puissants qu’il m’ait été possible d’entendre à ce jour. Près de 40 minutes de pure folie explosive ! « Hhaï » et « Kobah » sont magnifiques. Quant à « Mëkanïk Zaïn » il clôt ce voyage vers l’incroyable de façon magistrale. Magma n’est pas un groupe rock, c’est une musique, une philosophie, un postulat. Un monde unique peuplé d’êtres fantasmagoriques et magiques. Du grand, du très grand




The Residents « Commercial Album »



Qui sont les Residents ? Allez savoir… Depuis plus de 30 ans ce groupe atypique gère de façon de maître l’anonymat le plus total. Nul ne sait qui sont ces êtres étranges constamment dissimulés derrière un énorme globe oculaire en guise de visage. Et à la limite, on s’en moque. L’important n’est pas qui ils sont mais ce qu’ils font. Et là, les Residents occupent une place toute particulière dans le paysage musical moderne. Définir la musique des Residents relève de l’impossible. D’ailleurs on devrait parler de musiques et non de musique. Notez la différence. Chacun de leurs albums est un monde à part, une exploration nouvelle, un dépaysement inconnu. Leurs musiques n’a rien de conventionnelle et même lorsqu’ils reprennent de grands classiques « Satisfaction », « It's a Man's Man's Man's World » ou quand ils rendent hommage à Elvis leur démarche est totalement imprévisible et pour le moins surprenante. En 1980 le groupe propose donc le fameux « Commercial album » composé de 40 titres… d’une minute chacun ! Un véritable tour de force car ces morceaux sont de vraies chansons, avec couplets et refrain. Mieux ces compositions réduites au minimum, dépouillées de tout élément superflu, vont directement à l’essentiel pour s’insinuer en nous comme d’infernales ritournelles pour ne plus nous lâcher. Et le but des Residents est atteint : réaliser un album composé de titres d’un durée équivalente à celle d’un spot de pub au USA et marquer les esprits, d’où la dénomination de « Commercial Album ». Musicalement la chose est un mix entre des sons principalement synthétiques et la guitare acerbe de Snakefinger, seul élément à figure humaine du groupe, le tout accompagné de voix pour le moins surprenantes. Pour sa sortie, le groupe (mais est-ce réellement un groupe ?) réalisera des vidéos particulièrement innovantes de certains titres de l’album, lesquelles font partie intégrante du musée d’art moderne de New York ! Enfin cette critique ne saurait être complète sans préciser la présence des fous furieux que sont Fred Frith et Cris Cutler. Les connaisseurs apprécieront ! 







Yo La Tengo « Is Murdering The Classics »
 


Les qualificatifs sont souvent difficiles à trouver pour bien définir la musique de tel ou tel artiste. Et le cas Yo La Tengo ne déroge pas à la règle. Coller une étiquette à ce trio d’américains atypiques n’est pas une mince affaire. En 10 albums Ira Kaplan (chanteur-guitariste), Georgia Hubley sa femme (batteuse) et James McNew à la basse ont exploré à peu près tout ce que la musique peut offrir comme détours insoupçonnés. Country pur jus, rock noisy bien tranchant, pop lumineuse, expérimentation audacieuse, délire incontrôlé, ambiance planante, le groupe a tout osé, sans jamais se renier. Et ce n’est pas ce « Murdering the classics » qui me fera mentir. Bien au contraire, en 30 titres le groupe revisite la courte histoire du rock tous styles confondus. En vrac, Lou Reed, The Stooges, Les Who, Jonathan Richman, Eurythmics, Brian Neo, Billy Joel, Yes et même Petula Clark, les Beach Boys, The Knack ou les Sonic Youth. Disponible sur le site du groupe pour une poignée de chiques, cette compilation regroupe des titres demandés par les auditeurs d’une radio en soutien à cette dernière. Il ne restait plus au groupe qu'à les enregistrer quasiment en direct avant de les diffuser sur les ondes. Le résultat est un joyeux bordel musical enregistré à l’arrache, brut de fonderie, rafraîchissant et souvent très surprenant. Une sorte de récréation musicale interprétée par des écoliers taquins plein de malice et de bonne humeur. Yo La Tengo réalise là un album plein de surprises, de fraîcheur et de spontanéité, loin, très loin des productions aseptisées à gros budget. Le genre de plaisir simple, sans prétention qu’on aime à écouter avec bonheur.



The Locos « Jaula de Grillos »





 Difficile à croire mais le ska est une spécialité espagnole ! Digne du successeur du défunt Ska-P, enfin pas tout à fait car le groupe repart en tournée, The Locos reprend le ska là où ska-P l’avait laissé, c'est-à-dire dans las quartiers populaires de Madrid. Aussi pendant le break que s’était imposé Ska-P pendant quelques années son leader « Pipi » (Ricardo Delgado de la Obra) a eu l’excellente idée de continuer ce qu’il savait faire de mieux, c'est-à-dire du ska-punk festif bourré d’énergie. Autant le préciser de suite, l’univers de The Locos ressemble comme deux goutes d’eau à celui de Ska-P. Guitares tonitruantes, rythmes enlevés, cuivres à gogo... Ajoutez une grosse pincée de discours altermondialistes, une bonne dose d’agressivité positive et vous obtenez un cocktail réjouissant des plus remuants. The Locos transcendent le Ska en une véritable fiesta au fond d’un tapas surchauffé !





Emily Jane White « Dark Undercoat »
 



J’ai découvert la musique d’Emily Jane White par hasard en regardant un reportage télé. De suite son univers m’a envouté. Etait-ce sa voix, sa guitare ou les images que ses compositions illustraient, je ne savais pas trop. Alors j’ai fini par acquérir son « Dark Undercoat » et je ne m’en suis pas remis. La dame a un talent fou. Bien sûr c’est du folk, comme on en entend un peu partout aujourd’hui mais avec un gros plus, le talent. Mélancolique à souhait, Emily nous emporte dans on monde de douceur, parfois triste, parfois gai, mais toujours avec subtilité et délicatesse. Emily possède la fraîcheur de la jeunesse, l’efficacité d’une compositrice talentueuse et l’élégance du bel ouvrage taillé avec minutie et simplicité. Laissez-vous emporter par la beauté de ses petites chansons légères comme un nuage de grâce et solides comme un roc qui roule le long d’une falaise de beauté. 



Allez Allez « Best of »




Bien qu’il s’appelle « Best of », l’album des belges de Allez-Allez est ni plus ni moins qu’une réédition de leur véritable seul LP sorti au début des années 80, agrémenté de quelques remixes. Groupe éclair de la scène belge, il n’aura que deux ans d’existence entre 82 et 83, Allez-Allez n’en a pas moins marqué le monde du rock indépendant en proposant un funk à l’européenne, un peu à la manière d’un Talking Heads en moins sérieux. L’album peut paraître nostalgique à première vue, n’empêche que le groupe proposait à l’époque une recette d’une efficacité redoutable, ne serait-ce que par la voix de Sarah Osborne qui conférait à l’ensemble une ambiance des plus originales. A (re)découvrir….





LKJ « Bass Culture »
 



Linton Kwesi Johnson pour les non-initiés !

Du dub de haut vol, de la poésie brute, un régal.

Mais qu’est-ce que le dub ? Le dub plonge ses racines dans le reggae, mais un reggae minimaliste réduit à sa plus simple expression d’une langueur extrême, sur lequel « prose » une voix posée bien plus récitée que chantée. Et son plus grand représentant est sans aucune doute Linton Kwesi Johnson, artiste discret et pourtant incontournable.

Seul type capable de sortir un album "A cappella Live", sans musique, sans chanson, rien que de la poésie. Tous les grands corps malades peuvent aller se recoucher, ce petit bonhomme et son chapeau les écrase tous !

Découvrez d'urgence "Bass Culture" pour découvrir l'univers dub de LKJ.




Robert Wyatt « Rock Bottom »



« Rock Bottom » n’est pas un album rock. Non, c’est autre chose. « Rock Bottom » c’est la magnificence du malaise, la sublimation de l’émotion, l’apogée de la beauté. Cet album est sombre, comme le plus douloureux de vos cauchemars, mais d’une noirceur somptueuse et magnifique. « Rock Bottom » nous ouvre les portes du coma sensoriel, nous initie à la douleur de son géniteur, qui, comme toutes les douleurs, donne souvent naissance à des chefs d’œuvre. Plonger dans cet album est comme sombrer avec délices dans des méandres tourmentés, c’est se laisser happer par une douce léthargie torturées. Entre jazz et ambiant, « Rock Bottom » est un joyau de non-rock, sublimé par la voix si particulière de Robert Wyatt, ex chanteur-batteur du cultissime groupe Soft machine, avant qu’il ne finisse paraplégique suite à un ridicule accident de beuverie qui le cloua définitivement sur un fauteuil roulant. Mais ce traumatisme définitif n’a en rien écorné le génie créateur de Wyatt et encore moins sa voix. Et quelle voix ! Un organe unique, magique, qui glace le sang autant qu’elle nous émeut. Ce bijou de six titres à peine décline toutes les nuances du vertige, du trouble, du mal être. Un disque profond, intime, douloureux et génial ! Produit par Nick Masson, batteur de Pink Floyd, « Rock Bottom » est une œuvre majeure, unique et incontournable. Attention disque culte !











Aphrodite's Child « 666 »

« 666, le nombre de la Bête » ! Largement influencé par l’Apocalypse, au sens religieux du terme, voilà de prime abord un album qui devrait repousser tout rockeur digne de ce nom. D’autant plus, qu’au départ, et plus encore par la suite, le groupe qui a commis ce concept-album démoniaque, ne correspond en rien aux critères rock habituels. En premier lieu, tous les membres sont grecs, ce qui est déjà en soi un sérieux handicap pour s’imposer dans un milieu dominé par les anglais et les américains. Ensuite, les premiers titres enregistrés par le groupe avaient un sérieux relent de variétoche post baba-cool fadasse. « Rains & Tears », « It's five o'clock », c’étaient gentil mais bon. Plus compliqué encore, l’un des fondateurs du groupe est un certain Vangelis Papathanasisou, pas très rock non plus comme patronyme, tandis que le bassiste et chanteur n’est autre que… Demis Roussos ! Là forcément on craint le pire ! Et pourtant !

Ce disque, censuré dans certains pays dès sa sortie, est tout simplement un monument ! Un truc inouï, jamais entendu auparavant et inégalé depuis. Une folie totale, bourré d’inventivité, de puissance rock. Mieux, « 666 » est une révolution musicale unanimement reconnue par toutes les critiques ! La sortie de ce double album surprend tout le monde tant il va loin, très loin, dans l’innovation, l’audace, l’ambition, la folie et le délire. Subtil mélange de rock-psychédélique, de folklore grec et de mysticisme, « 666 » défriche des terres inconnues, pousse le rock dans ses derniers retranchements, osant aller là où personne n’avait jamais pensé se diriger. Chaque titre est une exploration à lui tout seul où les influences les plus diverses se défient mutuellement sans pour autant se désunir. Une sorte de patchwork sonore tout en harmonie. On y trouve du rock « The four Horsemen » avec la voix de Demis Roussos, hallucinant, de la ballade « Break », du jazz « Altamont » (avec en toile de fond le fameux concert des Rolling Stones marqué par l’assassinat d’un spectateur par des Hells Angels) mais aussi des titres superbes difficilement classifiable comme « The wedding of the lamb » ou encore « loud, loud, loud ». « 666 » n’hésite pas à brouiller les pistes allant même jusqu’à offrir une pièce monstrueuse, l’incroyable « » (oui, oui c’est le titre) où Irene Papas s’adonne à des vocalises entre chant et gémissements. Osé et jouissif au possible ! « 666 » est une explosion de guitares, de percussions, de synthés et de voix partant dans tous les sens. Un sommet du rock qui signera l’arrêt de mort du groupe, Vangelis, la tête pensante, préférant continuer cette aventure musicale seul avec le succès que l’on connaît. Quant aux autres membres, soit ils disparaitront du devant de la scène, soit ils perdront leur âme rock pour se tourner vers d’autres horizons, à l’instar de Demis Roussos. Dommage car cet homme aurait pu être un grand chanteur de rock !

Quoiqu’il en soit, cet unique et ultime album est un monstre à plusieurs têtes, une hydre géniale et gigantesque qui, plus de trente ans après n’a pris aucune ride.

Osez les enfants d’Aphrodite !




Vangelis O. Papathanassiou « Earth »

Après la courte aventure Aphrodite’s Child, le groupe se sépare. Demis choisi la voie(x) de la variété, tandis que Vangelis, Evangelos Odysseas Papathanassiou pour les intimes, opte pour une toute autre direction. Fort de l’expérience de « 666 » dont il était le principal instigateur, il propose alors un album de toute beauté « Earth ». Ceux qui ne connaissent Vangelis que par le biais de ses musiques de film, « Antartica », « Blade Runner », « Les Chariots de Feu » ou encore « 1492 : Christophe Colomb » sans oublier les nombreuses bandes originales des documentaires de Frédéric Rossif, sont loin d’imaginer que « Earth » est un chef d’œuvre absolu. Pour cause, l’album est aujourd’hui quasiment introuvable. Sorti en 1973, Vangelis n’est pas encore le compositeur que l’on connaît. A cette époque, les synthétiseurs ne sont qu’un support secondaire, Vangelis privilégiant d’avantage le mariage d’instruments traditionnels folkloriques à des sonorités plus rock, pour créer un album où se mélangent voix et ambiances acoustiques. Le résultat est époustouflant ! Vangelis défriche, explore, revisite ses racines grecques pour les rendre universelles. On y retrouve les influences qui ont fait le succès de « 666 » mais également les prémices de la musique qui, plus tard, feront sa renommée.  « Earth » n’est pas une musique du terroir mais un melting-pot de sonorités qui défie les frontières. Cet album n’est pas de la world-music mais de la earth-music, magique, envoûtante, mystique, étrange, contemplative, mystérieuse et d’une richesse inouïe.

Vangelis signe là, le plus beau voyage musical qu’il soit.






Miles Davis « Kind of Blue »


Tout a déjà été dit et écrit à propos de ce monument qu’est « Kind Of Blue ». Les puristes vous parleront pendant des heures de son influence sur le jazz et même sur le rock, de l’incroyable talent des musiciens présents sur l’album, John Coltrane, Bill Evans, Jimmy Cobbs, Julian Cannonball Adderley, ou encore de la technique si particulière de Miles Davis. Les plus férus évoqueront le jazz modal en opposition au be-bop jugé trop hermétique aux improvisations. Bref oubliez tout cela. L’essentiel n’est pas là. Installez-vous confortablement dans votre fauteuil préféré, éteignez la lumière et laissez-vous faire.

Laissez la musique entrer en vous. Laissez la trompette de Miles Davis vous envahir. Laissez-la faire. Vous sentirez rapidement ce souffle sensuel monter en vous. Ce n’est plus de la musique, c’est l’expression musical d’un camaïeu d’émotions qui s’insinue au plus profond de vous, c’est la grâce d’une ligne mélodique chaude et généreuse, le groove de cuivres profonds, de claviers précis et délicats, le tout enrobé d’une contrebasse magistrale et d’une batterie subtile. Un pur moment de bonheur et de plaisir. L’un des tous meilleurs albums de musique, tous styles confondus. Un must.




Kristin Hersh « Hips & Makers »
(


Une guitare, une voix.

Un enchantement…

Kristin Hersh distille les émotions comme personne, entre fragilité et violence.

Cristallines, explosives, ses chansons ciselées avec précision revisitent toutes les couleurs de ses humeurs…

L’énergie du punk-rock au service de la délicatesse…







The B-52's « The B-52's »

Historiquement le B-52’s est un légendaire avion bombardier américain. Plus curieusement, le B-52’s est aussi le nom de ces fameuses improbables choucroutes arborées par certaines femmes dans les années 50-60. Et c’est rapport à cet attribue capillaire que le groupe d’Athens a choisi ce nom improbable. Et pour cause, les deux chanteuses porte effectivement cette coiffure là. Pour autant les B-52’s ne sont pas un groupe des sixties mais bien un combo né dans la mouvance new-wave des années 70.

Rapidement leur démarche musicale se démarque de la scène new-wave pour proposer des compositions pour le moins originales. Composées autours de rythmes simples, leurs chansons sont des condensés d’humour d’une efficacité redoutable, dansantes à souhait. Si les membres ne sont pas des musiciens de haut vol, ils parviennent néanmoins à combler ce manque par un subtil jeu de voix et par un esprit festif délirant. Chaque titre semble directement issu d’un cartoon de Tex Avery reprenant un épisode de star Trek ! La musique des B-52’s est une invitation à la fête mêlant rock enlevé, bruitages en tous genres, textes surréalistes, instruments impossibles, cris d’animaux et autres joyeusetés surprenantes. L’album regorge de titres hallucinants comme les hits « Planet Claire », « 52 Girls », « Rock Lobster » ou encore « 6060-842 ». Ce premier album est une véritable bombe dans le monde sombre et morbide de la new-wave d’alors.

Un vrai coup de bonheur !




Philip Glass « Glassworks »



Envoutante, captivante, ensorcelante, fascinante, répétitive, minimaliste...

La musique du philosophe et mathématicien Philip Glass est unique, inclassable, magique.

Une invitation au voyage vers des contrés insoupçonnées…

Superbe...







Devo « Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! »



L’approche musicale du groupe Devo, originaire d’Akron dans l’Ohio est résolument unique en son genre. Même s’ils puisent leurs influences dans le Krautrock et notamment auprès de gens comme Neu ! ou Can, ils se démarquent de leurs ainés teutons par une démarche totalement différente et surprenante. Maniant le paradoxe comme un art à part entière, Devo fustige la société de consommation, le modernisme exacerbé, en utilisant ce que cette société a justement de plus emblématique. Sur scène le groupe se produit dans des « costumes » improbables, post modernistes pour des shows au visuel étonnant. « Q: Are We Not Men? A: We Are Devo ! », le premier album du groupe sorti en 1978, est ni plus ni mois qu’un ovni musical. La reprise de « (I Can't Get No) Satisfaction » des Rolling Stone est à elle seule la démonstration du délire dans lequel le groupe évolue. Soutenu par une solide base rock, le titre s’enrichi de sons électroniques en plus d’un chant syncopé et robotique. Les titres comme « Mongoloïd », « Jocko Homo » deviendront des tubes incontestables. L’univers de Devo est un savant mélange déjanté de guitares acerbes et de synthés déstructurés. Politiquement incorrect et particulièrement cinglant envers l’évolution de la société américaine, Devo ose toutes les critiques, toutes les attaques à travers la fraîcheur de leurs jeunes années. Album intemporel, « Q: Are We Not Men? A: We Are Devo ! » défie les modes grâce notamment à la présence de Brian Eno à la production, le quel, ne l’oublions pas, est certainement l’homme qui a le plus œuvré pour l’explosion des nouvelles musiques ces 30 dernières années.




Scorpions « Lovedrive »

Une année sépare la double tuerie qu’est « Tokyo tapes » du nouvel album des hard-rockers germaniques Scorpions « Lovedrive ». Vous allez penser que j’exagère et que donner tant d’importance à ce vieux groupe de chevelus bardés de cuir et un peu too much. Rassurez-vous c’est la dernière fis que j‘en reparle. Pour remettre les choses en place, je n’aime pas du tout le hard-rock, n’empêche que ce Scorpions là vaut plutôt bien le détour. Tout débute par un titre lourd assez mélodique et typique du groupe « Loving you Sunday morning ». Le son est clair, les instruments sonnent juste. « Another Piece of meet » est netemment plus violent, limite punk ! Ca explose, c’est nerveux, rapide. Les crescendo de guitares sont superbes. Impossible de rester stoïque en écoutant un titre pareil. Ca déboule sans crier gare avec bonheur et rage ! C’est curieux, combien les hard-rockeurs savent être tendres ! Si, si ! Ils sont capable de chose extrêmement fines et délicates, notamment quand ils se mettent à écrire des slows ! Les plus grands slows ont été écrits par ses groupes de hard-rock, et ce « Always Somewhere » ne dément pas ce postulat ! Le titre est de toute beauté, langoureux à souhait, avec ce qu’il faut d’électricité pour ne pas renier ses origines. « Coast to Coast » est un instrumental au tempo assez lent, mais tout est relatif, assez représentatif du hard-rock des années 70 avec une qualité de son irréprochable procurant un climat presqu’envoutant. Quant à « Can't Get Enough » c’est un rock pur jus, avec solos de guitares dans la grande tradition du hard destroy. Curieux titre en revanche que « Is there anybody there », teinté de reggae ! La puissance du heavy-metal à la sauce Kingston ! Il fallait oser, Scorpions l’a fait et de fort belle manière. Avant dernier titre, « Lovedrive », est rutilant comme une Ford Mustang dévorant les kilomètres sur la route 66. Ca ronronne à vive allure, ça carbure… La basse assène un rythme d’enfer un peu à la manière du Led Zep sur certains titres de « Presence ». Pour finir, « Holiday » débute tout en arpèges acoustiques, laissant Klaus Meine poser sa voix cristalline délicate. Une jolie ballade subtile et douce qui fini par un feu d’artifice de fer et d’électricité…Premier album de Scorpions sans son légendaire guitariste Uli Roth, les teutons de Hanovre signent là un album fort, richement produit, indémodable. Le dernier avant un lent déclin vers des voies bien plus commerciales où ils perdront leur âme et leur musique. Enfin une mention toute spéciale à la pochette de l’album, irrespectueuse à souhait !








Peter Cetera

Si le nom de Peter Cetera ne nous dit pas grand chose, en revanche celui du groupe Chicago devrait peut être vous parler d’avantage. Mais si, rappelez-vous le hit « If you leave me now », un slow imparable qui cartonna en 1976 et qui reste un modèle du genre. Bref, Peter Cetera était donc chanteur, musicien et compositeur au sein de Chicago. En 81 il décide de sortir un premier album solo chez Warner Bros qui torpille le projet craignant de voir Cetera quitter son groupe et voir se poule aux œufs d’or décliner sans son chanteur emblématique. Mais Peter n’en a cure et malgré une distribution et une promotion désastreuse sortira son album. Le premier titre « Living in the Limelight » est un rock plutôt musclé à la mélodie accrocheuse, un tube en puissance, avec guitares rageuses et rythme enlevé. « I can feel it » est plus conventionnel mais permet néanmoins à Peter d’explorer tout le talent de sa voix. « How many time », bluesy et chaloupé est de bonne facture, rappelant certains titres de Steve Winwood. « Holy Holy » sonne très californien tandis que « Mona Mona » pulse du côté funk, parfait pour les dance-floors. « One the line » est une jolie ballade dont Cetera a le secret, un titre à la Toto, très influencé 80’s. Même moule pour « Not Afraid to love », loin d’être révolutionnaire mais sympathique. « Evil Eye » renoue avec un rock propret tandis que « Pratical Man » poursuit la veine rock-FM un peu insipide bien que superbement produit. Dernier titre, « Ivy covered Walls » conclue cet album, loin d’être un incontournable, mais néanmoins fort agréable à écouter pour bouffer du kilomètre d’autoroute. La suite de la carrière Cetera, si elle rencontrera plus de succès, sera sommes toutes moins intéressante. Ce premier opus solo, n’est pas l’album du siècle, loin de là, c’est juste une jolie récréation sans prétention, une voix absolument magique et un compositeur de talent.




Sonic Youth « Dirty »


L’univers des Sonic Youth n’est pas ce qui est des plus faciles d’accès. Ces quatre musiciens ne sont pas particulièrement connus pour faire dans la dentelle. Loin de là. Chacun de leurs albums est un concentré de bruits judicieusement bricolés pour en faire une œuvre d’art. Groupe qualifié tour à tour de no-wave, hard-core ou même grunge, les Sonic Youth ne portent en fait aucune de ces étiquettes. Leur musique, faite de distorsions, de dissonances enveloppant des mélodies pop, est unique dans son genre et se veut avant tout libre. Car telle est le leitmotiv du groupe, la liberté de création. Bricoleur talentueux, ils n’hésitent pas à modifier leurs instruments de façon tout particulière pour créer un son unique. Véritables laboratoires d’expérimentations musicales, leurs albums peuvent bien souvent heurter l’auditeur non habitué à ce genre de sonorités. N’empêche, le rock des Sonic Youth est d’une efficacité redoutable et ce « Dirty » en est l’exemple même. Plus accessible que leurs autres productions, il associe à merveille compositions rock et délires créatifs à tel point que les fans considéreront cet album de « facile ». Mais son efficacité n’en est pas moins redoutable. « 100% » est un rock pur jus, « Theresa’s Sound-world » paraît presque calme et reposé. « Drunken Butterfly » explosif à souhait avec la voix si particulière de la bassiste Kim Gordon. « Sugar Kane » aurait mérité d’être un tube. « Nic fit » est incroyable de furie électrique. En quinze titres, « Dirty » fait le tour de toute la palette sonore du groupe qui transforme de simples titres rock en d’incroyables déluges de folie musicale.





John Hackett & Steve Hackett « Sketches of Satie »


J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour Erik Satie. Ses compositions pour piano sont parmi les plus touchantes qu’il soit. Compositeur avant-gardiste, son phrasé musical est unique, transformant, en quelques petites minutes, le silence en un monde magique et profond. Bien qu’il ait créé des pièces pour orchestre, le piano reste son instrument de prédilection. Aussi l’album des frères Hackett paraît de prime abord improbable. Adapter les titres de Satie à la guitare et à la flute n’est pas forcément la première idée qui vient à l’esprit. Et pourtant les deux musiciens réussissent à merveille ce tour de force. Mieux même, ils parviennent à nous faire oublier les compositions originales sans les dénaturer. C'est-à-dire qu’on a réellement l’impression que ces titres ont été écrits pour un duo guitare-piano ! Steve, le guitariste, s’occupe principalement de la partie « accompagnement » des compositions de Satie pendant que John, le flutiste s’occupe de la partie « solo ». En résumé, pour faire plus simple, Steve est la main gauche sur le clavier tandis que John est la main droite. Et le résultat est absolument bouleversant. Les « Gnossienne » sont claires, fluides, mystérieuses. Les « Gymnopédie » profondes et sensuelles. Les « Pièces Froides » hypnotisent. Les « Avant-dernières pensées » sautillent, dansent, s’envolent. Quant aux « Nocturne » elles sont magnifiques de délicatesse, de calme… John et Steve égrainent leurs notes en fines volutes musicales subtiles et fragiles. Un album de toute beauté, qui prouve tout le génie créateur de Satie et les qualités d’interprètes des frères Hackett. 



Klimt « Jesienne Odcienie Melancholii »





Cet album n’est aucunement la bande originale d’un reportage consacré à Gustav Klimt mais il pourrait l’être, tant certaines toiles du Maître, je pense notamment à « l’Attersee », auraient très bien pu inspirer l’auteur de ce Jesienne Odcienie Melancholii, un certain Antoni Budziński. De cet homme je ne sais rien, si ce n’est qu’il serait un guitariste polonais œuvrant au sein d’un groupe appelé Saluminesia. Mais qu’importe qui il est et d’où il vient, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est dans cette galette où prédominent le calme et la beauté. Musique atmosphérique, aérienne, mystérieuse, angélique, limpide, subtile, délicate…
Un enchantement sonore idéal pour la méditation, le repli sur soi tout en nuances d’automne mélancoliques….






The Heads « No Talking, Just Head »




Au milieu des années 70, au cœur de New-York, les groupes de new-wave faisaient les beaux jours du fameux club de Manhattan le CBGB’s. Parmi eux, le Patti Smith Group, Suicide, Television, les Ramones, Mink de Ville, Blondie ou encore les Talking Heads. Ce dernier composé de David Byrne, Jerry Harrison, Tina Weymouth et Chris Frantz sort un premier album en 77 dans lequel il se démarque déjà de la mouvance new-wave en proposant des compositions originales éclectiques radicalement différentes de la furie électrique de leurs congénères du CBGB’s. Sa démarche musicale est si personnelle et innovante que le groupe ne tarde pas à attirer l’attention d’un certain Brian Eno qui se propose alors de produire leur futur album. De cette association sortiront en fait trois albums dont le classique « Fear of Music » et l’incroyable « Remain in Light ». Véritable chaudron d’électronique, d’instruments acoustiques, de percussions africaines, d’ambiances aériennes avec la trompette hallucinante de Jon Hassell, de textes politico-philosophiques, de rythmes funk, rock ou hypnotiques, la musique des Talking Heads gagne en épaisseur et en profondeur. Si le groupe présente une unité certaine, l’association David Byrne - Brian Eno semble cependant dominer les autres membres à tel point que le couple Tina Weymouth - Chris Frantz s’offrira une petite récréation en créant le groupe Tom Tom Club où ils donnent libre court à leur création artistique. Néanmoins, les Talking Heads poursuivront leur route jusqu’en 88, date à laquelle David Byrne privilégiera sa carrière solo pendant que le Tom Tom Club étoffera sa discographie. Il faudra attendre 1996 pour voir les Talking Heads réunis à nouveau, ou tout du moins, les ¾ des Talking Heads, David Byrne n’étant pas de la partie. C’est donc sous le nom de The Heads que le groupe sort « No Talking Just Head ». Si le titre choisi est une référence évidente à l’absence du chanteur et leader original, c’est également un jeu de mot avec l’expression « giving head » qui signifie « fellation ». Privé de sa voix, le groupe opte pour une solution originale, faire appel à des invités, et pas des moindres ! Ainsi se succèdent au micro d’anciens du CBGB’s comme Debbie Harry, Richard Hell ou d’autres personnalités du rock comme Michael Hutchence, Maria McKee ou encore Andy Partridge. Au final « No Talking Just Head » présente une collection de chansons dignes du Talking Heads original avec néanmoins quelques excursions chez Tom Tom Club. Mais le tout reste fort cohérent prouvant, s’il en était besoin, que les Talking Heads ne se résumaient pas au génie indéniable de David Byrne mais bien à la cohésion de l’ensemble du groupe. Pour preuve, jamais ni Byrne ni Tom Tom Club ne connaîtront la réussite du Talking Heads. A travers « No Talking Just Head » les trois rescapés renouent avec un passé lointain, subtil mélange de rock, de new-wave, de world-music et de funk torride. La présence des nombreux invités apporte curieusement une certaine homogénéité à l’ensemble alors que la diversité des morceaux, des atmosphères et des parties vocales pourrait laisser penser que l’album part dans tous les sens. Jerry Harrison, Tina Weymouth et Chris Frantz signent là un album soigné et puissant comme ils en ont le secret, comme ils savaient le faire bien des années auparavant. Ecoutez le glacial « Damage I’ve done », le dramatique « The king is gone », le superbe et lancinant « No more lonely nights » ou encore le profond « blue blue moon » pour vous en convaincre.



Orchestre Rouge « Yellow Laughter / More Passion Fodder »




Belle surprise que cette réédition des deux albums du mythique groupe Orchestre Rouge. Fondé en 1980 par Théo Hakola, américain d’origine finlandaise mais français de cœur et de plume, Orchestre Rouge s’inscrit dans la mouvance new-wave-punk initiée en France par des groupes comme Marquis de Sade. Cependant la musique du groupe, notamment sur « Yellow Laughter » le premier album de 1982, se rapproche d’avantage du légendaire groupe hollandais Meccano mâtinée des noirceurs des anglais de Joy Division osant quelques échappées vers le dub ou le punk New-yorkais. Alternant textes en français et en anglais Orchestre Rouge à l’image des Clash par le biais de son fondateur révèlera une certaine prise de conscience politique. « More Passion Fodder » sorti en 1983 poursuit l’aventure avec un visage un peu plus difficile et rugueux que son prédécesseur. Le groupe se séparera en 1984, Hakola poursuivant l’aventure musicale avec son nouveau groupe, Passion Fodder. Restent deux albums testamentaires témoins d’une époque révolue emplis de romantisme urbain et de poésie noire. A redécouvrir pour qui avait 20 ans en 1980 et à découvrir pour tous les autres !





Steve Lukather « Candyman »



Steve Lukather est le guitariste du groupe Toto. Toto, pour ceux qui l’ignoreraient, est un groupe californien composé de musiciens de studio lesquels ont notamment enregistré au début des années 80 quelques tubes comme Rosanna ou Africa avec leur album « Toto IV » six fois récompensé au Grammy Awards. Un album qui malheureusement leur collera une étiquette de rock-FM gentillet dont le groupe aura du mal à se défaire. Mais fort heureusement cette réputation n’entrave en rien les qualités musicales des musiciens composant le groupe. Pour preuve, on retrouve Steve Lukather sur plus de 900 albums ! Sur son CV on peut lire les noms de Clapton, Cocker ou encore McCartney !

Son album solo de 1994 « Candyman » est un savoureux mélange de balades et de titres rock où la guitare tient le premier rôle. Certes pas l’album du siècle, ni de l’année, mais une belle collection de morceaux rondement menés, riches et superbement interprétés. Lukather promène sa guitare avec brio sur des compositions taillées sur mesure pour cet instrument sur lesquelles il pose sa voix avec une maîtrise certaine.

Album sans prise de tête, sans prétention, « Candyman » ravivera tous les amateurs de bonnes guitares et de groove électrique léché.




Bernard Lavilliers « Samedi soir à Beyrouth »






Un Lavilliers fidèle à lui-même, plutôt teinté reggae, sans grande surprise certes, mais de bonne facture qui se laisse écouter sans couac. Ceux qui n’aime pas l’homme ne l’aimeront pas d’avantage et ceux qui l’apprécient, ne seront pas déçus. A 61 ans, Lavilliers semble traverser les décennies sans prendre une ride avec toujours le même plaisir de nous concocter ses petites histoires de marins, de voyage, d’amour et ses cris de révoltes. Lavilliers séduit ou frape, c’est selon, mais n’écrit jamais à la légère. Le stéphanois, éternel bourlingueur, nous emmène donc à travers le monde à bord de son cargo musical aux multiples couleurs. Vous embarquez ?









Pink Floyd « Animals »


Pour les puristes « Animals » est l’un des albums de Pink Floyd les moins intéressants. Les plus vieux lui préfèreront « A saucerful of secret », les classiques opteront pour « Dark Side of The Moon » et les plus jeunes choisiront « The Wall ». Ben moi non. « Animals » est une merveille. Tout débute par « Pigs on the Wing 1 » petite chanson à la guitare acoustique 1,25 mn à peine. Puis arrive « Dogs » au son plus froid avec ce rythme à la guitare qui va s’amplifiant auréolé d’un synthé léger avant que ne viennent batterie, basse, orgue puis un premier solo de Gilmour, typique, limpide avant le couplet suivant. Un titre faussement calme, faussement lent. Puis retour à un deuxième solo de Gilmour, finement taillé dans le cristal qui soudain replonge le titre dans une plénitude lancinante pour mieux repartir de plus belle, grinçante et profonde. La six cordes déraille, tranche, taille dans le vif et s’assagi de nouveau. Retour au chant qui s’achève sur un écho infini porté par un des claviers aériens et de lointains aboiements étouffés. Et le rythme insufflé par la guitare acoustique revient, hypnotique avec ce chant presque plaintif pour un final foisonnant électrique à souhait. Le troisième titre « Pigs (Three Different Ones) », débute par une sorte de cri de cochon prolongé par l’orgue et la basse de Water, tout juste ponctués par quelques accords de guitare. Et Water lance ses vocalises sur un rythme soutenu. Intervient alors un pont musical, mélange de sonorités porcines sur fond de guitare et de bruits étranges, le tout dans une succulente harmonie. Après un ultime couplet, C’est un déferlement de guitares acérées qui clôt ce chapitre au son de quelques moutons. Et ce sont quelques notes de piano électrique qui inaugurent le nouveau titre « Sheep », soutenu par un ronronnement de basse jusqu’à ce que tout s’emballe lorsque le chant de Water prend place. Le refrain est des plus enlevés jusqu’au tiers du morceau où ce dernier prend toute sa substance, avec une explosion de haut vole qui soudain sombre vers les abysses du glacial avec toujours cette basse assommante, véritable métronome entêtant qui ne s’arrête que pour redonner la parole à Water, le temps du dernier couplet que vient imploser la guitare très rock de Gilmour ! « Pigs on the Wing 2 » achève ce voyage musical exceptionnel comme il a commencé. Moins prétentieux que « Dark Side », moins froid que « Wish you were here », « Animals » laisse la part belle aux atmosphères, aux sous-entendus, aux alternances de moments rugueux et de phases plus planantes. Dernier album 100% Pink Floyd, il présente les quatre musiciens du groupe au sommet de leur art, tout en finesse, en totale osmose. « Animal » est un album riche, profond, intemporel qui présente de multiples facettes sans jamais se désunir. Un Must tout simplement



Tuxedomoon « 30th Anniversary Box »


Un 30ème anniversaire...... qui pour la plupart des gens passera complètement inaperçu. Et c'est bien dommage

En revanche pour Crammed Disc c'est l'occasion de sortir un luxueux coffret (à moins de 30 ?) comprenant un CD-DVD ""Unearthed", le CD comprenant des inédits, des lives et autres petites surprises, le DVD offrant quant à lui l'intégrale de la vidéo "Ghost Sonata" (plutôt discutable), l'intégralité des clips de la période 82-85, plus divers enregistrements vidéos le tout pour 160 mn d'images la plupart inédites, le live "160207 - 39°n 7°w" enregistré en 2007, ainsi que le dernier album "Vapour Trails". Soit 3 Cd et un DVD au total. L'intérêt de ce coffret est donc triple. Redécouvrir les premières heures du groupe, voir ce qu'il offre aujourd'hui en concert et enfin et surtout écouter le dernier album.

De prime abord dès l'ouverture de ce  "Vapour Trails" on se retrouve en terrain connu. La basse de Peter Principal, les cuivres de Steven Brown et de Luc Van Lieshout, le violon et la guitare de Blaine L. Reininger, tout y est, ne manque que la voix de Winston Tong. Musicalement on retrouve cette ambiance si particulière, mélange de new-wave, de jazz, de classique et d'expérimentations tout azimut. Enregistré en Grèce, cet album comme d'habitude, n'a pas de frontière. Il faut dire que ces américains ont toujours eu à cœur de voyager de part le monde et de s'inspirer de toutes les cultures rencontrées, plutôt que de s'enfermer dans un studio californien cossu. La preuve la plus flagrante est d'être fidèle à Crammed Disc, le plus avant-gardiste des labels.. belge !

Bref cet album marrie, comme c'est une habitude depuis 30 ans, clarinette, saxophone, trompette, piano, orgue, violon, guitare, percussion et bricolages électroniques sans oublier la basse incontournable, véritable colonne vertébrale de la musique du groupe. Considéré comme des plasticiens du son, les membres du groupe explorent, défrichent, déconcertent sans se soucier des modes et des plans marketings. Passer à coté de ses gens là et un manquement certain à toute culture musicale qui se respecte.

Alors je voulais souhaiter un bon anniversaire à ce groupe trentenaire.

Happy birthday Tuxedomoon !!!!






     



« Berlin - Musik Der 20er Jahre »
Spécial Allemagne


L’avant-garde musicale allemande n’est pas née avec la révolution rock’n’roll des sixties, loin de là. Tous les grands compositeurs classiques l’ont prouvé au fil des siècles. Il est pourtant une époque, plus précisément entre les deux guères mondiales, où cet avant-gardisme s’est exprimé de façon plus radicale et plus marquante. En témoigne cette série d’enregistrements de compositeurs berlinois des années 20. Tous ou presque plus inconnus les uns que les autres, enfin en ce qui me concerne, les quatorze compositeurs réunis dans cet album par un fou de musiques d’avant-garde osent des compositions magistrales de toute beauté. La sublime dramaturgie de Tiessen avec sa pièce pour violon et piano est à pleurer. Von Zieritz marche sur les pas de Satie. Krenek est sa symphonie syncopée nous plonge dans les premiers soubresauts de la future apocalypse du troisième Reich. Eisler explore des « voix » inédites sur des mélodies déstructurées libérées d’un carcan métronomique. Karol Rathaus dessine une sonate pour clarinette et piano sombre et lumineuse à la fois, pendant que Kurt Weil (enfin en voilà un que je connais !) nous offre une « chanson » a capella à plusieurs voix, étrange messe intemporelle. Le piano épileptique de Arnold Schonberg, surprend, dérange, sautille et revient plus apaisé pour mieux s’envoler. Paul Hindemith achève cette superbe collection avec une musique qui en 1935 préfigure déjà ce que sera des années bien plus tard la musique dite ambiant voire la musique électronique en général. Un grand moment à savourer, à découvrir, dans toute sa modernité futuriste. Etonnant !



Guru Guru  « Der Elektrolurch »
Spécial Allemagne


Guru Guru est un groupe de rock & roll. Heu, non. Guru Guru est un groupe de boogie. Non plus, non c’est pas ça. Un groupe psychédélique alors. Pas vraiment non plus. De jazz ? Difficile à dire… En fait Guru Guru est tout à la fois. Sans jamais perdre son identité propre le groupe évolue dans les différents styles musicaux qui l’inspirent pour recréer sa propre galaxie d’une richesse étonnante et unique. Le groupe plonge au milieu de multiples références pour en extirper l’ADN qu’il manipule avec une dextérité sans pareille. Entre généticiens musicologues et alchimistes de l’acoustique, les musiciens de Guru Guru explorent, sondent, cherchent, fouillent et publient leurs précis d’ethnologie musicale sous forme de galettes sonores d’une précision exquise. Aussi le choix de « Der Elektroluch » s’impose car il est la réunion de leurs deux albums précédents "Känguru" et "Guru Guru" et offre donc un panorama assez vaste de la production du groupe. On y retrouve l’essentiel des voies qu’ils emprunteront jusqu’à aujourd’hui. Expérimentations indus, pur rock’n’roll estampillé 60’s, longues séquences jazz de haut vol, errances planantes, délires électroniques, le tout enveloppé par des guitares hendrixiennes explosives. Atypique et imprévisible, Guru Guru aura traversé les décennies fidèle à sa liberté créatrice sans se soucier des modes. Un must.



Klaus Schulze  « Dune »
Spécial Allemagne



Imaginez. Arrakis… La planète des sables. La planète de l’Epice. L’objet de toutes les convoitises…

C’est dans cet univers que Klaus Schulze en véritable messie de Dune nous fait voyager au milieu des Fremens à la rencontre du monde imaginaire de Frank Herbert. Juste deux titres sur cet album, "Dune" et "Shadows of Ignorance". Deux titres radicalement différents. Le premier dans la pure tradition du maestro allemand, nous entraîne dans ses sphères vaporeuses et envoûtantes. Un océan de son où le ressac de la mélodie cadence l’absence de rythme. Le deuxième est une longue litanie, entre chant et prière, récitée par la voix captivante et magique d’Arthur Brown posée sur le long ruban sonore des machines de Schulze. Dune n’est pas la bande originale du film inspiré de l’œuvre de Herbert, laquelle a été confiée au groupe… Toto !

Mais cette Dune là est le digne prolongement musical d’une épopée unique et grandiose.



Neu !  « Neu! 75 »
Spécial Allemagne



Si les Allemands n’ont pas inventé le rock’n’roll, ils ont sans nul doute été les grands précurseurs de différents mouvements artistiques en général et musicaux en particulier. S’inscrivant dès leur premier album comme les chefs de file de l’avant-gardisme rock, les membres du groupe Neu! (nouveau en allemand) proposent des 72 une musique, mariant dans le même chaudron, mélodies planantes, rythmes industriels et puissance punk à une époque où celui-ci n’existait même pas. Issu d’une première mouture du groupe Kraftwerk, Neu! prit une direction radicalement différente de ses collègues de Düsseldorf, délaissant le coté robotique de ses derniers pour insuffler à ses compositions un climat plus humain tout en restant très urbain. Préfigurant le design des années de consommation des 80’s, les pochettes des albums de Neu! sont très minimalistes aux antipodes de leurs musiques riches et bouillonnantes de créativité. Entre calme et furie « Neu! 75 » restera une des références majeures pour bien des musiciens tels que Brian Eno, David Bowie ou encore Tohm Yorke (Radiohead). Aussi de la scène « grunge » jusqu’aux groupes « noisy », nombreux sont ceux qui aujourd’hui marchent sur les pas de ces défricheurs de son. Sans même souvent en être conscient d’ailleurs. Demandez autour de vous si quelqu’un à déjà entendu parler de Neu! !




Liaisons Dangereuses  « Los Niños Del Parque »
Spécial Allemagne



Ne vous y trompez pas, malgré son nom et le titre de son album sorti en octobre 1981 « Los niños del parque » le groupe Liaisons Dangereuses est bel et bien d’origine allemande mais pour moitié seulement, vu qu’un de ses fondateurs Beate Bartel est allemand alors que son compère Chris Haas est américain. Quoiqu’il en soit le groupe a élu domicile de l’autre côté du Rhin. Bien que le titre générique soit en espagnol, l’album est chanté majoritairement en… français ! Ce qui pour un groupe allemand est déjà peu commun. De fait le choix de la langue confère à l‘album un romantisme assez particulier contrecarré par la dureté de quelques morceaux en allemand et par le coté festifs de titres en espagnol, le tout saupoudré d’un peu d’anglais. Album plein de contradiction, « Los niños del parque » alterne entre joie et noirceur. Musicalement parlant, Liaisons Dangereuses ouvre avec cet album la voie de l’EBM (Electronic Body Music), mélangeant beats électroniques puissants et basses explosives à une voix particulière, celle de Krishna Goineau, tantôt martelée, tantôt criarde. Source d’inspiration pour bien des groupes et D.J de musique électronique, Liaisons Dangereuses, de part sa démarche novatrice et hors du commun, n’a jamais réellement connu le succès populaire qu’il méritait, alors qu’il fut sans nul doute le précurseur du meilleur de la New Wave des eighties, loin devant leurs camarades de la scène anglaise. Voilà cet oubli réparé.



The Can « Monster Movie »
Spécial Allemagne


Un peu partout dans le monde, les jeunes musiciens de rock ont souvent été considérés comme de petits morveux voyous sortis trop tôt de l’école, catapultés en autant d’icônes éphémères et violentes. Il faut dire qu’il y avait de quoi se poser des questions. Les scènes de destructions massives des Who, le meurtre perpétré lors du concert des Stones à Altamont, les errances psychotropes des Floyd, rien n’allait dans le sens d’une reconnaissance artistique de ces pionniers du rock. Sans parler du doute relatif à leur qualité de musicien. De fait, l’arrivée de Can sur la scène rock était plutôt improbable. Un prof de musique, contrebassiste de jazz formé chez Stockhausen, un batteur de jazz spécialiste de musiques ethniques, un compositeur touche-à-tout formé à la direction d’orchestre et primé au conservatoire, ces gens là, qui accusent déjà la trentaine en 1968, n’avaient donc manifestement pas le CV idéal pour faire du rock. Seul le guitariste-violoniste Michael Karoli semblait avoir le profil adéquat. Nul doute que ces musiciens chevronnés allaient donner une image bien plus acceptable et policée à la déferlantz rock. Oui mais voilà, au lieu de cela, les Allemands de Can choisirent d’opter pour un rock novateur, extrémiste et bougrement efficace dont les influences perdurent encore aujourd’hui. Véritable laboratoire musical, la « boîte conserve » offre son premier enregistrement en 69. Accompagné par Malcolm Mooney, un chanteur black américain, également sculpteur, « Monster Movie » est une véritable claque ! En quatre titres à peine - mais quels titres ! – Can révolutionne le rock de la plus belle façon qu’il soit. Can applique à sa musique la technicité de chacun sans s’encombrer de considérations académiques. Ici la musique est réduite à sa plus simple expression, brute de fonderie, sans aucune tentation symphonique, mais avec brio et efficacité. Rythmes tribaux, improvisations, guitares puissantes et la voix de Mooney aussi chaude et posée « Mary, Mary So Contrary » que totalement hallucinée « Yoo Doo Right » donnent à l’ensemble une cohésion superbe. Enregistré en direct, l’album bénéficie d’un son particulier, épuré, sans la lourdeur d’une production extérieure non maîtrisée. Can en fera d’ailleurs sa marque de fabrique, privilégiant son autonomie artistique à la présence envahissante d’un producteur, d’où une qualité de son souvent assez approximative. Mais qu’importe, « Monster Movie » étonne, dérange et installe Can comme l’un des groupes majeurs de la scène rock mondiale. Des quatre titres, les vingt minutes de « Yoo Doo Right » sont les plus extrémistes, offrant un panel savoureux des futures prétentions du groupe. Une longue transe musicale, à la fois martiale et minimaliste où s’égraine le chant plaintif de Mooney, lequel quittera le groupe dans la foulé pour le rejoindre… 30 après !








Naked Lunch « This Atom Heart Of Ours »
Spécial Allemagne


Bon, autant vous le dire de suite, Naked Lunch n’est pas allemand. Ces gens là sont Autrichiens. Mais on va pas chipoter pour si peu, d’autant plus que le site officiel du groupe est basé en Allemagne et qu’historiquement l’Allemagne et l’Autriche sont quand même assez liées. De toute façon dès le premier titre, cela n’a plus aucune importance car ici on est très loin du Tyrol ou des valses viennoises. Rien dans leur musique ne rappelle leurs origines ou celles de leurs cousins germains ! Préalablement estampillé grunge dans une première vie, Naked Lunch revient sur la pointe des pieds nous offrir de somptueuses perles mélodiques dans un écrin de douceur apaisée. Cet album respire la sérénité, le calme, la tendresse, la simplicité, l’amour. Il n’en est pas pour autant un album léger, superficiel et fleur bleue ! Non, non, les compositions sont remarquables, habilement ciselées et magnifiquement composées par trois vrais musiciens chevronnés revenus du cirque rock’n’rollien. Une sorte de long souffle de soulagement bien mérité après des années de débauches électriques saturées. Magnifique sans être grandiloquant cet « Atom Heart Of Ours » est l’album idéal pour se ressourcer, pour retrouver une paix intérieure, bien au chaud dans la solitude d’une nuit d’automne. Un beau, très beau disque sorti en début d'année qui nous aide à oublier un moment les affres du quotidien.





Amon Düül II « Yeti »
Spécial Allemagne


Chroniquer un album n’est pas chose aisée. Il faut trouver le bon angle d’attaque, le petit quelque chose qui mettra en haleine le lecteur. Et croyez-moi ce n’est pas toujours simple. D’autant plus que les Munichois d’Amon Düül II ne me rendent pas forcément la tâche facile. Déjà pourquoi un nom pareil ? Simple, Amon Düül II est une émanation de feu Amon Düül, groupe allemand lui aussi. Après la dissolution de ce premier groupe, son successeur déboule sans crier gare avec un premier album sobrement appelé « Phallus Dei » ! Après le succès de celui-ci ils reviennent en 1972 nous proposer « Yeti », un double album hallucinant ! Musicalement, on pourrait les rapprocher des freaks de la côte Ouest des USA, pour le côté psychotrope de la chose, mais avec une démarche radicalement différente. Ici les plénitudes béates des fumeurs de "ionjs" et autres absorbeurs de substances illicites sont remplacées par un mauvais trip fait de cauchemars sonores démoniaques. Le premier disque s’ouvre sur le morceau «  Soap Shop Rock » décomposé en 4 sous-titres aux noms improbables  « Burning Sister », « Halluzination Guillotine », « Gulp A Sontata » et « Flesh-Coloured Anti-Aircraft Alarm » ! Ca ne s’invente pas ! Le tout baignant dans un magma de rythmes fracassants, de guitares tantôt planantes, tantôt acerbes, de cordes distendues et de claviers fous. Sans oublier, la voix de Chris Karrer et surtout de Renate Knaup au timbre si particulier. « She Cames Through The Chimney » avec ses sonorités indouïsantes, époque baba-cool oblige, flirte avec les intonations folks de « Cerberus » ou la rage sans compromis de « Archangels Thunderbids » véritable électrochoc d’une violence inouïe. Ainsi va le monde d’Amon Düül II, toujours plein de surprises, entre le lourd et le léger, jamais là où on l’attend, en ébullition constante. Déconcertant, souvent hermétique mais réellement novateur. Dans ce monde aucune place à de simples bluettes, tout est dans l’excessif, rien n’est sobre. C’est un foisonnement de tortures sonores et de caresses électriques enfumées. Et le combat se poursuit sur le deuxième disque de l’album, où là, le groupe ose trois longues improvisations diaboliques au possible qui virent au traumatisme acoustique ou à la jouissance sonore, c’est selon. Pour le néophyte cet espace de liberté peut certainement dérouter, tant l’ambiance générale est lourde et dérangeante, mais pour qui arrive à faire abstraction de ses habitudes musicales et désire s’ouvrir à d’autres couleurs mélodiques, ce champ d’expérimentation est un vivier de créativité, une overdose de délire. Reconnu comme l’une des influences majeures du néo-psychédélisme des années 90, ce « Yeti » permit au groupe de connaître une notoriété internationale et de faire découvrir au monde entier les nombreuses couleurs du rock allemand.
















Nico « The Marble Index »
Spécial Allemagne


Attention chef d’œuvre !
J’imagine que pour la plupart d’entre vous le nom de Nico n’évoque pas grand chose. Et pourtant … Née en 1938 à Cologne, Christa Päffgen fut, dans les 50/60, mannequin pour les plus grandes revues de mode avant de travailler pourr Coco Chanel. Le cinéma lui ouvre ses portes et la voilà aux cotés de Fellini dans « la Dolce Vita ». Elle rencontre alors Alain Delon qu’il lui donnera un fils. Puis elle part en 66 aux USA où elle sera remarquée par Andy Warhol qui l’impose comme chanteuse au sein du « cultissime » groupe Velvet Underground. Groupe qu’elle quittera dès 1967 non sans avoir signé, de sa voix si particulière, le classique premier album de la bande à Lou Reed, avec qui elle aura une courte relation. Ses amours sont d’ailleurs particulièrement tumultueuses et on lui reconnaît des relations avec, excusez du peu, John Cale, Jim Morrison, Iggy Pop, Jackson Browne, Brian Jones ou encore Tim Buckley. Dire que Nico a vécu avec les plus grandes légendes du rock sixties est une évidence. Curieusement, jamais elle n’aura profité de la célébrité de ses illustres amants, loin de là. Elle préfèrera rester dans l’ombre et ciseler son œuvre anti-commerciale et indépendante.
« The Marble Index », sorti en 1969, est une pure merveille de désespoir. Glacial, effrayant, chaotique. Seule à l’harmonium électrique, Nico, déchirante d’émotion, psalmodie ses textes de sa voix grave et ténébreuse. Dès les premières notes on se sent transporté dans un autre monde hanté par d’étranges créatures fantasmagoriques… Un lieu insoupçonné, irréel, peuplé de fantômes impalpables. La musique de Nico est à des années lumières, blafardes forcément, de tout ce que le rock a produit. Aujourd’hui encore, personne n’est allé aussi loin dans cette démarche musicale déstructurée et envoûtante. D’un coup d’un seul elle a brisé les bases fondamentales du rock pour peaufiner une musique intemporelle, un long souffle déchirant, énigmatique, unique. Une oeuvre d’art inclassable, difficile, presque hermétique, mais si belle et puissante lorsqu’on parvient à en trouver la clef. Nico n’est pas une grande chanteuse, au contraire son chant est monocorde, monolithique même. Mais aucune autre voix ne saurait mieux interpréter ses compositions avec la gravité et la profondeur qui la caractérise. « The Marble Index » est un album fragile, déconcertant, magique, composé de parcelles d’âme tourmentée. Artiste atypique et attachante, Nico, décédée en 1988, nous a laissés en deux ou trois albums une œuvre majeure.



Nektar  «  A Tab in the Ocean »
Spécial Allemagne



Nektar ne devrait pas avoir lieu de citer dans ce voyage au cœur du rock allemand. La raison en est simple, ce groupe est anglais ! Néanmoins c’est bel et bien en Allemagne que le groupe a décidé d‘élire domicile, d’y construire son histoire choisissant un label et un producteur allemands. Bien que bénéficiant d’une notoriété plutôt confidentielle, le groupe a longtemps rivalisé outre-Atlantique avec Pink Floyd ou Yes, rien que ça ! Cependant la musique de Nektar, tout en étant assimilable à un rock progressif, s’en éloigne quelque peu à partir de leur deuxième album « A Tab in the Ocean » et plus encore par la suite. Cet album de 1972 illustre à merveille les différentes options musicales que choisira le groupe dans la première partie de sa carrière. Le titre éponyme, un long morceau épique d’une quinzaine de minutes, alterne phases planantes aquatiques et torpilles de guitares insubmersibles. « Desolation Valley » nous enfonce dans les profondeurs d’un océan de guitares fluides tandis que la fin de « Crying in the Dark » ou plus encore le titre  « King of Twilight » dévoilent un rock bien plus soutenu et musclé aux limites du hard-rock. Allez savoir pourquoi, la version CD remasterisée propose, en bonus, une version du même album sortie en 1976 pour le marché américain ! Celle-ci se distingue principalement par l’ajout de percussions, de nombreux overdubs aux synthés et par un son plus épais. Sans doute les Américains n’ont-ils pas le même sens auditif que les Européens ! Quoiqu’il en soit, on préfèrera donc la version originale, malgré un son moins abouti mais plus direct. Toujours en activité aujourd’hui le groupe n’aura cependant pas su prendre le virage des années 80 et se sera perdu dans des albums fades et sans éclat. Demeure un océan bouillonnant et quelques albums remarquables, tous estampillés 70’s.











Peter Gabriel « Ein deutches Album »
Spécial Allemagne



Nombreux sont les artistes qui, désireux de voir leur popularité dépasser les frontières de leur pays natal, décident d’enregistrer dans une langue qui ne leur est pas naturelle quelques chansons censées leur ouvrir de nouveaux horizons et bien entendu de nouveaux marchés. Les exemples sont nombreux et bien souvent peu convaincants. Le cas de Peter Gabriel est quelque peu atypique. L’homme, connu depuis des années comme l’ex-leader de Genesis, reconnu mondialement comme un artiste majeur depuis qu’il a entamé une carrière solo, n’a nul besoin de devoir se plier à de telles démarches purement commerciales pour asseoir sa notoriété. Pourtant en 1980 il décide de sortir sur le marché allemand une version teutonne de son 3ème album. Une démarche surprenante, compte tenu qu’il est déjà une star outre Rhin et que cet album destiné au seul marché allemand ne lui apportera guère de royalties. Enregistrer en chinois aurait été plus rémunérateur si telle était le but de cet exercice. Bref qu’importe ses motivations, le résultat est là. « Ein deutches Album » est donc le frère jumeau de son alter ego anglais, avec en prime un mixage légèrement adapté pour la circonstance. Et le choix de cet album s’avère gagnant. Le rythme martial de la version originale, notamment insufflé par une batterie tribale dépouillée de toute cymbale se prête à merveille. Les titres prennent une dimension plus grave, plus dure, plus brute. Sans rien renier à l’original, « Ein deutches Album » en est son prolongement idéal, une sorte de une vision plus radicale comme si Peter Gabriel avait voulu durcir son propos contre toutes les formes de répression qu’il dénonce. Comme dans le superbe « Biko », hommage au militant noir d'Afrique du Sud Stephen Biko, grande figure de la lutte anti-apartheid décédé en 1977. « Biko » en allemand, tout un symbole.



Neonbabies  « Neonbabies »
Spécial Allemagne


La musique des Berlinois de Neonbabies est assez peu commune. Après la déferlante Krautrock et tous ses avatars et juste avant la main mise teutonnes sur la musique électronique, ces allemands se situent, en cette année 1981, à la charnière de ces deux mondes sans pour autant opter pour le radicalisme des uns ou l’expérimentation forcenée des autres. Ceci dit, leur démarche musicale n’en est pas moins aventure et novatrice voire quelque peu déconcertante pour les non initiés ou les obtus des esgourdes. On pense au B52’s en plus martial pour les jeux de voix féminines ou aux Talking Heads pour l’audace des compositions, le tout judicieusement cuivrés par un saxophone omniprésent, solidement mené par une section rythmique basse-batterie solide, bien qu’un peu étouffée par un mixage en deçà de leur prétention et une guitare aux multiples couleurs nuancées. Les titres ultra courts condensent en 2 minutes toute la folie de l’écriture du groupe. Leur reprise de « Jumpin’ Jack » des Stones illustre d’ailleurs assez bien l’orientation déstructurée et concise de leurs compositions. Aller rapidement à l’essentiel avec le maximum de délire sans sombrer dans quelques démonstrations prétentieuses. Musique urbaine mais néanmoins pleine de vie et d’entrain, leur new wave version bonne humeur a tout pour réveiller en nous donnant une frénétique envie de bouger jusqu’au petit matin.





Scorpions « Tokyo Tapes »
Spécial Allemagne



Evoquer Scorpions peut surprendre tant j’ai l’habitude de vous proposer de découvrir des artistes nettement moins populaires. Pour beaucoup et à juste titre, Scorpions est un groupe de hard rock cul-cul sans grand intérêt. Il faut avouer que depuis le single "Still Loving You", le groupe s’est mis à dos une grande partie de ses fans d’alors et moi le premier. Mais avant qu’il ne devienne un groupe de hard FM sans âme mondialement connu, le combo de Hambourg était l’un des fleurons du hard-rock allemand.

Et ce Tokyo Tapes est l’un des meilleurs albums live de rock jamais produit. Rien que ça ! Le son est immense, les guitares fusent, la batterie martèle en tout sens, la basse vrombi à tout va et la voix de Klaus Meine est parfaite. Ce double live sorti en 78 offre un pur moment de rock, brut et direct, efficace et rageur, sans faute de goût. Les compositions explosent feu et sang sans aucun temps mort avec une puissance inouïe rarement atteinte dans un album live pour l’époque. Une époque malheureusement révolue aujourd’hui. Trente années se sont passées et Scorpions n’est plus que l’ombre de lui-même.

Mais ce Tokyo Tapes, quelle claque !



Lou Reed « Berlin »
Spécial Allemagne



Bien évidemment Lou Reed n’est pas allemand. Lou Reed est un pur produit new-yorkais. Il est même certainement l’icône de la musique made in « Big Apple » ! Qu’importe ! L’album « Berlin » qui sort en 1973 est de toute beauté. Bien qu’ayant été un échec commercial à sa sortie, sans doute trop déprimant pour l’époque, « Berlin » dévoila sa déprime envahissante avec grâce et subtilité. Tout débute par le brouhaha d’un anniversaire au travers d'un prisme alcoolisé. Puis un piano d’une lenteur extrême prend le devant laissant Reed réciter ses mots : « In berlin by the wall, You were five foot ten inches tall, It was very nice, Candlelight and dubonnet on ice.. ». Le décor est posé. C’est d’ailleurs la seule image de la ville. Car « Berlin » ne parle ni de son mur, ni de son histoire torturée. « Berlin » est une lente descente aux enfers vers les bas fonds de quartiers lugubres, vers les noirceurs de l’existence, entre cauchemars, sang, larmes, amour et drogue. « Berlin » nous conte l'histoire de Jim et Caroline, un couple confronté à la violence conjugale, à la prostitution, au suicide. La voix de Lou Reed déchirante, plaintive, à peine chantée, dessine l’univers glauque de Caroline sur "Lady day". Dans "The kids", au milieu des cris des enfants de Caroline qu’on vient de lui arracher, dans "The Bed" où elle se donne la mort ou encore dans "Sad song" où Jim pleure son amour perdu, le chant de Lou Reed nous arrache des émotions comme rarement le rock peu en procurer. Les mélodies s’enchaînent chaotiques, tortueuses et magistrales. « Berlin » est une perle noire, une œuvre unique et marquante qui distille les angoisses et les psychoses de son créateur. Glacial à souhait, « Berlin » nous laisse étourdis, sans voix, avec un goût amer au fond de la gorge.

Superbe.







Nina Hagen « Nina Hagen Band »
Spécial Allemagne


 
Nul besoin de vous présenter Nina Hagen. Tout le monde connaît la dame en question ne serait-ce par ses frasques et ses grimaces inimitables, un peu moins pour sa musique. Et c’est bien dommage...

En cette année 78, le monde musical est confronté à une révolution sans précédent : l’explosion punk. Si en France, les nouveaux groupes ne sortent pas vraiment du lot, de l’autre côté du Rhin et plus particulièrement à Berlin les choses sont toutes différentes.

Et c’est notamment une jeune ex-petite fille de RDA qui crée l’événement de la plus belle façon qu’il soit. Accompagnée du groupe Spliff, Nina Hagen enregistre un album inattendu aux compositions parfaites, imparables. Ses musiciens distillent une musique puissante à la production sans faille. Nina égraine ses textes avec sa voix si particulière mélangeant à merveille chant guttural, vocalise d’opéra et éructation punk. L’album est un joyau rock, toujours aussi moderne et efficace 30 ans après. Par la suite, Nina Hagen, perdue dans ses délires mystiques, n’arrivera jamais à réitérer ce coup de maître où l’on se promène entre hymne punk « TV Glotzer (White Punks on Dope) » et lyrisme improbable « Fisch Im Wasser » le tout avec beaucoup d’amour comme elle le souligne dans «  Auf'm Bahnhof Zoo » : "Ob blond ob schwarz ob braun Ich liebe alle Frau'n".

« Nina Hagen Band » est sans conteste l'album testamentaire d'un jeunesse berlinoise acculée au mur de la révolte et de la décadence.




Tangerine Dream « Cyclone »
Spécial Allemagne



Logiquement les intégristes du genre devraient me sauter dessus à pieds joints. Chroniquer « Cyclone » pour illustrer la carrière de Tangerine Dream relève du crime de lèse-majesté !
Pourtant cet album atypique, trop souvent critiqué, est pour moi une des pierres angulaires de la longue carrière du groupe. J’irai même jusqu’à dire qu’il est l’album qui aurait pu révolutionner la musique rock. Rien que ça. Pour faire court, Tangerine Dream est la référence en terme de musique dite « planante». Durant les années 70, ses années de gloire, le groupe écrivit les plus belles pages de la musique électronique. « Ricochet », « Rubycon », « Stratosfear » sont quelques-uns uns des sublimes albums conçus à cette époque. 100% musicaux, ces chefs d’œuvres mariaient à merveilles guitares électriques planantes et claviers vaporeux sur une trame répétitive. Allez savoir pourquoi, en 1978 le groupe emmené par Edgar Froese, au détour d’un changement de personnel, décide de bouleverser ses habitudes. L’album qu’il propose alors brise un tabou, incorporant un véritable batteur et chose impensable, un chanteur ! Et là tout change. Si la structure musicale reste intrinsèquement la même, celle-ci explose littéralement sur deux titres qui deviennent de vraies chansons rocks. Tangerine Dream réalise là la parfaite adéquation entre le monde hermétique de la musique planante et le rock musclé y incorporant nombre d’instruments à vent. La deuxième face, entièrement instrumentale, plus conventionnelle, offre un seul titre magnifique qui clôt une décennie d’expérience musicale. Nul doute que TD a sorti cet album avec 20 ans d’avance. D’ailleurs personne à ce jour n’est allé aussi loin dans le mariage des genres. Le choc est si rude, qu’il ne s’en remettra jamais réellement et les albums sortis ces trente dernières années resteront fades et sans âme. Et ce n’est pas le deuxième album du groupe proposant des chansons « Madcap's flaming duty », sorti en début d’année et dédié au défunt Sid Barrett, qui me fera mentir. (Re) Découvrez ce « Cyclone » là et son univers si particulier, un régal !






Grobschnitt  « Solar Music Live »
Spécial Allemagne


 
Il faut bien l’avouer Grobschnitt n’a jamais trop brillé par la qualité de ses albums studios, et plus particulièrement à partir des années 80. En fait c’est sur scène que le groupe s’est forgé sa réputation et ce « Solar Music Live » de 1978 en est la preuve irréfutable. Loin de vouloir jouer note pour note leurs titres enregistrés en vinyl, Grobschnitt réinventait constamment sa musique et lui conférant en lieu et place d’un rock mélodique bien propret, un brûlot énergique empli d’improvisations de toutes sortes. Album quasiment entièrement instrumental, seul le curieux premier titre, assez court, ressemble à une chanson classique, les morceaux soutenus pas une basse assommante s’enchaînent sans temps mort, juste parfois ponctués par des éructations gutturales en pur teuton, tranchant radicalement avec l’atmosphère générale. Les guitares omniprésentes sont gigantesques faisant feu de tout bois, comme un long solo de plus de 50 minutes. Ce disque foisonne de puissance tribale et d’inventivité, vous prend dès le deuxième morceau pour ne plus vous lâcher jusqu’à la fin. Hypnotique et entêtant « Solar Music Live » est un de ces lives intemporels qui grave à tout jamais les lettres de noblesse du rock. Groupe de scène avant tout donc - la durée de leurs concerts atteignaient souvent plus de 4 heures - Grobschnitt offrait de véritables spectacles, n’hésitant pas à s’affubler de masques ridicules et à faire participer leur roadies en tant que véritables acteurs. « Solar Music Live » nous entraîne dans un monde de féerie et de délires musicaux  époustouflants dignes des plus grands groupes.



Novalis  « Banished Bridge »
Spécial Allemagne



 
Pas très loin de Grobschnitt, Novalis, du nom d’un poète romantique allemand du 18ème siècle, propose en 1973 son premier album « Banished Bridge ». Sans être une référence indiscutable ni un groupe incontournable de la scène rock, Novalis possédait de bons atouts pour aller très loin. Et ce « Banished Bridge » est un bon éventail de ce que ce groupe aurait pu devenir. Savoureux mélange de rock mélodique où l’orgue prédomine, on y voit les influences de groupes comme Jethro Tull sans sombrer dans la caricature avec cette touche de romantisme allemand. Entièrement chanté en anglais, le groupe poursuivra plus tard sa carrière dans la langue de Goethe, mettant notamment en musique des poèmes de celui qui leur inspira leur nom. Malheureusement les prétentions de Novalis sombrèrent rapidement corps et âme et les années 80 furent une succession d'albums vides où le groupe se contenta d'enregistrer sans grande conviction des titres d'une banalité à faire fuir les fans les plus tenaces.







David Bowie - "Christiane F.  Wir kinder vom bahnhof zoo
original soundtrack"
Spécial Allemagne


A la lecture du livre « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée et prostituée... », outre la violence et la déchéance qui en parsèment ses pages - lesquelles m’ont troublé à tout jamais - j’y ai de suite retrouvé de troublantes similitudes avec deux albums chroniqués ci-dessus. Le premier est celui de Nina Hagen et plus particulièrement la chanson « Auf’m Bahnhof Zoo » et son univers désespérant. Le deuxième est le « Berlin » de Lou Reed et son atmosphère faite de drogue et de prostitution. Ces deux albums auraient pu très bien servir de support musical au film inspiré par cette histoire. Pourtant, c’est à un tout autre artiste qu’est revenue la lourde tâche d’en écrire la bande originale. Logique, l’homme en question est souvent cité dans le livre ; l’héroïne - mot judicieusement choisi pour son double sens - étant une fan de la star en question. Une star qui nous ramène directement à Lou Reed, puisqu’il s’agit de David Bowie avec qui Reed a lié de sérieux liens d’amitié. L’album en question n’est certes pas le meilleur du beau blond et peut manquer d’intérêt pour les puristes. Les titres proposés ont tous déjà été publiés sur différents albums de Bowie. Ceci-dit, le choix proposé colle parfaitement au décor glauque, urbain et autodestructeur du film/livre. La froideur mécanique de "V-2 schneider", "Warszawa" et "Sense of doubt" issus de ce qu’on appelle la trilogie berlinoise de Bowie, illustre bien le malaise ambiant. On retrouve tout de même une curiosité, le titre « Heroes » interprété pour moitié en allemand et qui devient pour l’occasion « Helden ». (Titre qui sera repris plus tard pour tout un album) ainsi qu’une version live de « Station to Station » issue de l’album « Stage » quasiment introuvable à l’époque. Musicalement, cette fausse compilation composée de titres majeurs, offre une approche intéressante de cette riche période de Bowie en plus de nous replonger dans d’adolescence tragique de Christiane .F. Puisse cet album vous donner envie de (re)découvrir ce film poignant et surtout de (re)lire ce livre absolument bouleversant.




Cluster & Eno "Cluster & Eno"
Spécial Allemagne



Quoi de plus normal après Bowie que d’évoquer Brian Eno ? Les deux hommes ayant à maintes fois travaillé ensemble, toujours pour le meilleur, la transition est des plus logiques. Et comme Eno est un artiste prolixe qui n’hésite pas à tenter toutes sortes d’expériences musicales, c’est avec bonheur qu’on le retrouve avec le groupe allemand Cluster pour un album lumineux.

Spécialiste de « l’ambiant music », Eno a trouvé chez les Teutons Dieter Moebius et Hans-Joachim Roedelius un duo l’électro-musiciens à la hauteur de ses aspirations musicales. Savoureux mélange de musique électronique et de climat ambient, Cluster & Eno offre une collection délicate d’expérimentations bizarres et de mélodies aériennes. Le mariage des trois hommes est des plus réussis chacun apportant ses propres sensibilités sans faire ombrage à celles des autres. La musique coule lentement comme un long filet cristallin et apaisant qui s’insinue au plus profond de nos émotions pour un voyage fait de plénitude et de calme.

Un grand moment de relaxation à écouter dans la solitude d’une longue méditation rafraîchissante. 





Der Moderne Man  "Unmodern"
Spécial Allemagne



Originaire de Hanovre, Der Moderne Man n’a pas grand chose en commun avec la scène krautrock. Pour cause, ces gens là font du punk. Mais comme les Allemands ne font rien comme les autres, le punk de ces derniers est forcément atypique et se démarque de ses homologues anglais. S’il en possède l’urgence et la rugosité, il révèle des couleurs qui lui sont bien propres. De prime abord la structure des compositions reste basique mais bien vite s’insèrent des bribes d’originalité, sous formes de gimmicks électroniques ou de rythmes venus d’ailleurs qui propulsent littéralement les titres vers des dimensions avant-gardistes reléguant la trame punk à l’arrière plan, un peu à la manière de Joy Division. « Unmodern » sorti en 82 foisonne d’inventivité et s’éloigne plus encore des préceptes musicaux punks, invitant ça et là quelques repères new-wave, quelques touches de cuivre, notamment sur « Nur Die » aux accents ska du 28ème siècle ! « Nicht Warten » mixe solos de guitares volubiles, presque hawaïennes, et rythmes lourds. Le titre «  Unmodern » va plus loin encore explosant les barrières du genre pour un résulta d’une maturité étonnante plus moderne que jamais ! Malgré sa courte carrière, de 1980 à 1983, Der Moderne Man a su réécrire le punk, lui offrant des horizons insoupçonnés. 



Faust  "71 minutes Of"
Spécial Allemagne



71 minutes, pas une seconde de plus. C’est que je vous propose de découvrir pour clore cet inventaire non exhaustif de la musique d’origine allemande ou inspirée par l’Allemagne. Et comme il est de bon ton de garder le meilleur pour la fin, je ne peux résister au plaisir vicieux de vous parler de Faust. Pourquoi vicieux ? Parce que pour le non initié, Faust est tout simplement inécoutable ! Pour les autres c’est une toute autre histoire. Faust n’est pas un groupe comme les autres. C’est plus un mouvement artistique et philosophique qu’un groupe rock. L’art de la créativité, de l’expression libre et la philosophie du chaos, de l’improbable. Chez Faust, rien n’est gratuit, rien n’est simple, rien n’est prévisible. Capable de jolies ballades, d’improvisations électro-acoustiques, de free-jazz décalé, d’enregistrements sonores de toutes sortes triturés dans tous les sens, voire même de purs chefs d’œuvre de chansons pop, Faust ose tout et n’importe quoi même l’impensable. Sa démarche est radicalement imprévisible, anti-commerciale, expérimentale et bourrée d’humour. Faust transforme des textes crétins « J’ai mal aux dents, j’ai mal aux pieds aussi… » en un foisonnement de folie électrique entêtante. Faust magnifie la sérénité avec une douceur aérienne comme dans le sublime « Das Meer ». Faust mélange les rythmes tribaux à d’étranges chants invraisemblables « Baby ». Faust bricoles les boucles musicales, comme autant de bouts de ficelles sonores « Party 8 ». Faust déconcerte avec de petites bluettes aux fausses allures bien innocentes « Psalter ». Faust bouleverse tout, nous prend à rebrousse poil pour une lente descente vers l’impossible « 25 yellow doors ». Faust bricole, expérimente « Party 6 », « Lieber Herr Deutschland ». Faust s’amuse. Faust est un laboratoire d’idée où se fabrique la musique de demain, sans concession, sans se plier aux sirènes du show biz pour nous surprendre toujours et encore. Faust est libre. Faust est Faust et rien d‘autre.





Chris Letcher "Frieze"



C'est un bien bel album que ce "Frieze" sorti en début d'année.

Des chansons très bien écrites, des climats intimistes où l'on se plonge avec délectation.
 
Il est même difficile d'en parler, tant l'album est limpide, clair, sans faute de goût. On imagine fort bien quelques inspirations floydiennes, époque Atom Heart Mother, dans le traitement des mélodies, mais rien de pompeux, juste des sonorités disséminées par-ci par-là. Le monde de Letcher est à mille lieux des Floyd. Il règne un calme une sérénité dans ces chansons comme on aime en entendre chez Surjan Stevens par exemple. Le piano tient une place prépondérante sans être envahissant, tout en subtilité. Et la guitare, bien souvent acoustique, distille ses notes avec grâce et légèreté. Quelques cuivres s'imposent ça et là, quelques violons discrets et une voix puissante diablement maîtrisée.

Une grande réussite, un grand moment de bonheur simple à découvrir d'urgence...





T
inariwen "Aman Iman"



Du blues Touareg, je ne savais même pas que ça pouvait exister !
Et bien c'est vachement bien. Et c'est de toute beauté.

Un tour de force magistralement mené par ces musiciens ivres de liberté qui, si j'ai bien tout compris, se sont retrouvés à une époque et bien malgré eux, embarqués dans l'armée libyenne, d'où un album où ils affirment leur résistance à cette armée, où ils dénoncent la répression des touaregs au Mali, leur expulsion d'Algérie, j'en passe et des bien pires.

Bref un groupe marqué par les aléas de leur existence à errer sans frontière.

Le disque d'un combat permanent, qui, tout en faisant référence à un blues typique (on croirait même entendre du Robert Johnson par moment) conserve toutes ses racines. On est loin d'un Gnawa Diffusion ou tout autre groupe du même acabit, non, non là o
n est en plein désert touareg et c'est franchement un grand moment.






Boredoms "Soul Discharge '99"



Complètement déjanté !

Je croyais avoir tout entendu avec les Residents, et bien non. J'ai trouvé plus barge encore ! Mais barge de chez barge.

Le genre complètement inclassable, capable du pire comme du pire (non y'a pas de faute) mais avec ce qu'il faut de folie pour que ce soit bourré d'inventivité. Ca sonne, selon les morceaux, electro-acoustique, hardcore déstructuré, indus, enfin tout ce qu'on veut, même ce qu'on ne veut pas. Ca part dans tous les sens, ça décolle les tympans, ça n'est absolument pas musical, à se demander ce qu'ils utilisent comme instruments. Parfois on reconnaît de la guitare, de la basse, des chiens qui aboient, des trucs, des cris, des borgorythmes (?), des hurlements et parfois un semblant de rythme. Une sorte de dessins animés destroyed pour les zoreilles.

C'est une horreur totale, insupportable de bout en bout, donc complètement indispensable !

Votre petite amie ne l'aimera pas... Votre frère non plus. Pas plus que vos voisins.

Quant à vous, z'êtes plus à une expérience près ! Mais je décline toute responsabilité concernant les possibles conséquences sur votre état psychique après avoir écouté, heu, cette chose made in Japan !





Rio En Medio
"The bride of dynamite"


Dans ma recherche de musiques différentes, je vous invite à découvrir Rio En Medio.

C'est faussement simple, c'est frais, léger comme un matin de printemps.

Une musique pleine de sérénité, profondément acoustique, emplie de bruit d'oiseaux, de nature, de petites touches de bidouilleries électroniques du meilleur effet comme des petites étincelles multicolores qui pétillent dans un firmament d'étoiles.

Une voix magique, presque susurrée, une véritable magie musicale apaisante, une invitation à la douceur, à la plénitude.

Pas de solo de guitare tonitruant, pas de batterie, rien qu'une atmosphère douce et calme.

En prime et en français, une mise en musique très poignante du fameux poème de Paul Eluard "Liberté".

Une bien joli moment à découvrir pour un voyage sublime et reposant....








Of Montreal "Rissing Fauna, Are You the Destroyer?"



Ne vous fiez pas à leur nom, ces gens là ne sont pas des cousins québécois, ils viennent d'Athens. Mais bon, ils pourraient être de n'importe où ailleurs qu'on s'en foutrait un peu. Alors voilà, ces gens là, qui en fait se résument principalement à un certain Kevin Barnes qui joue la plupart des instruments, vient de sortir "Rissing Fauna, Are You the Destroyer?". A priori, un album de plus dans la jungle musicale américaine. Seulement cet album là est un véritable ovni. Le genre de truc improbable, délirant, bourré d'idées jusqu'à raz bord. Barnes est un malade, un allumé de première qui mélange tout et n'importe quoi dans son cerveau transformé en mixeur pour en sortir des compositions absolument étonnantes. Après une entrée en matière toutes guitares rageuses en avant, surviennent les premières surprises. Des breaks improbables, des bizarreries sorties on ne sait d'où. Dès qu'on croit bien s'installer dans le rythme, voilà qu'il nous balance un revers de derrière les fagots qui nous cloue sur place. Cet album ne laisse aucun moment de répit. Chaque titre possède son lot de surprises, de bricolages sonores, de collages musicaux comme un patchwork infernal dont chaque carré ne laisse en rien supposer celui qui le jouxte.

Le résultat est un album absolument jouissif, plein de petites bulles de folie qui explosent dans toutes les directions sans jamais s'enliser. On y trouve tout ce qu'on veut : une pincée de funk par-ci, un poil de punk par-là, mais juste d'infimes extraits, rien que l'essence comme pour donner quelques repères tangibles à ceux qui en auraient besoin. Pour les autres, c'est un plongeon en apnée dans un univers fait de bric et de broc, une sorte de vide grenier artistique, un fourre tout, mené de mains de maître par un type qui doit avoir douze mille idées à la minute !

Ecoutez ce "Hissing Fauna, Are You the Destroyer?" C'est foutrement bon et joyeusement récréatif. Un vrai bonheur quoi.





Electrelane "The power out"


Pour tous ceux qui aiment les choses décalées, surprenantes, tout en restant rock & roll, Electrelane est fait pour vous. Que dire ? Difficile d'en définir le style précis tant les influences viennent de tout horizon. On pense au Velvet Underground, à Brian Eno (époque Taking tiger mountain), aux Talking Heads, mais aussi aux folies furieuses des premiers Floyd en live, avec en bonus, en plein milieu, des choses complètement loufdingues à contre courant de tout ce qu'on pouvait s'attendre à découvrir. Le tout avec une énergie punk made in  Brighton.

Une musique qui oscille entre un minimaliste presque étouffant et une débauche d'énergie électrique. La couleur générale est plutôt sombre, mais de ces noirceurs délicieuses parsemées de douces vocalises aériennes qui se transforment en cris de rages tétanisants. De nombreuses escapades musicales martelées à la Moe Tucker, secondées par une basse assommante, une guitare taillée en biseau qui sait aussi bien nous transpercer les tympans que nous caresser dans le sens du poil. Le tout baignant dans des atmosphères aussi lourdes qu'éthérées  en fonction de l'humeur du groupe,
atmosphères distillées par des claviers qui sentent bon les vieux orgues électriques d'antan. Entre ukulélé et guitares rebelles, on se perd dans les compositions limpides ou tourmentées, entre rage et apaisement, entre tempêtes et zéphyr...

Un petit détail en passant, les membres d'Electrelane se nomment Emma Gaze, Ros Murray, Mia Clarke et Verity Susman, quatre jeunes femmes qui semblent partager la même joie de vivre que Lou Reed ou Low. C'est dire !










Aleks and the Ramps "Pisces vs Aquarius"



De prime abord Aleks and the Ramps nous offre un décor bucolique, banjo, mélodie cuivrée, choeurs angéliques. Mais là déjà on se doute qu'il y a comme un bug, un truc qui va nous tomber dessus sans savoir quoi. Puis la voix du chanteur prend le relais dans des intonations plutôt aiguës mais toujours à la limite de la chute. Puis l'impression bizarre se confirme. Les guitares s'emballent, le rythme devient chaotique puis épileptique. Tout se mélange rapidement en magma explosif parsemé de ce putain de banjo qui devient, petit à petit, complètement fou. Puis retour au calme... relatif ! Là on se croirait dans un vieux western qui sombrerait vers une sorte de Mad Max musical. La voix se veut plus profonde, plus blues. Mais là encore tout n'est qu'illusion. Derrière, le rythme rappellerait plutôt un Tom Waits joyeux, au milieu d'un bordel électrique digne du meilleur de Yo La Tengo.

Arrive alors ce qui ressemble à une chanson "classique", tout du moins jusqu'à la moitié du morceau. Après, on ne sait plus très bien où on se trouve. On navigue au milieu d'un casse-tête électronique saupoudré de sauce 80's, mais juste ce qu'il faut, tout en gardant un coté épicé arrosé de tequila. Et tout l'album défile visitant quelques tribus indiennes investies par des extraterrestres, des bayous verdoyants remplis de tags urbains, des chansonnettes à trois balles amusantes comme tout lesquelles, irrémédiablement,
sombrent vers un cauchemar de débauches de sons....

Aleks and the Ramps et son "Pisces vs Aquarius" nous fait voyager dans une bonne humeur torturée de cauchemars effrayants.

Un pur plaisir à découvrir d'urgence.





21st Century Schizoid Band "In The Wake Of  Schizoïd Men"



J'écoute à l'instant même l'album "In The Wake Of  Schizoid Men" du groupe 21st Century Schizoïd Band.

C'est quoi donc vont me rétorquer les plus perspicaces d'entre vous ? Un groupe qui reprend des titres du King Crimson ? Oui et non. Tous les titres sont du King Crimson de la première époque et certains membres aussi. C'est donc KC qui a changé de nom ? Oui et non. En fait c'est KC sans être réellement KC.

Le 21st Century Schizoïd Band est composé, excusé du peu, de Mel Colins, Peter Giles, de Ian Mc Donald, Ian Wallace, soit ni plus ni moins que 4 des membres fondateurs du King Crimson légendaire. Un gage de qualité donc. A ce quatuor d'exception vient s'ajouter, et c'est là que le bas blesse, un certain Jakko M Jakszyk (inconnu de moi) qui tient le rôle de lead guitar et de chanteur. Et là, on ressent comme un furieux manque. La voix de Greg Lake manque cruellement sur les subtils titres que sont "I Talk To The Wind", "Epitaph"ou "In The Court Of The Crimson King". Il n'y a guère que sur "21th Century Schizoid Man" qu'il fait illusion. Musicalement, forcément, ça tient très bien la route, même si Wallace sonne un peu bourrin. Mais là encore si Jakszyk se démène comme il peut, il n'a pas le doigté du maître et l'absence de ce dernier se fait cruellement sentir, même si sur "Starless" on retrouve un peu son jeu. Bref un album, sommes toutes, plutôt sympathique, bien que parfois imparfait, qui nous fait replonger dans un passé très lointain. Il nous fait redécouvrir combien les titres du premier album de Crimson étaient puissants, bougrement efficaces et de toute beauté.

"Epitaph" est certainement un des titres les plus émouvants qu'il m'ait été possible d'écouter à ce jour.
Quant à Robert Fripp, l'âme éternelle de King Crimson, qui a donné son aval pour cette (re)formation, il est ailleurs, bien encré dans le présent, voire dans le futur... On ne sait plus trop !

Mel Collins - Baritone, Tenor and Alto Sax, Flute, Keys and Backing Vocals
Peter Giles - Bass Guitar and Backing Vocals
Jakko M Jakszyk - Guitar, Vocals, Flute and Mellotron
Ian McDonald - Keyboard, Flute, Alto Sax and Vocals
Ian Wallace - Drums, Percussion and Vocal













Azevedo Silva "Tartaruga"





Encore un bien bel objet que cet album lumineux.


Une guitare acoustique omniprésente, un rythme envoûtant, mélancolique, tout juste ponctué par quelques sonorités subtiles à peine perceptibles. Et cette voix lancinante, simple et prenante.

Une intimité qui nous est offerte comme un secret bien gardé. Un jardin sauvage où l'on se promène croisant ça et là des elfes graciles, des anges aériens.

C'est triste et beau.... Très beau....

Parfois les mots sont bien inutiles, voire même indécents. Il faut savoir se taire et écouter...




Franck Zappa "Trance-fusion"



Un album posthume, live, forcément...

Le 392 ème enregistrement d'une longue série d'un artiste unique ! J'exagère à peine tant l'homme a été prolixe.

En fait une compilation de solos, aux transitions certes un peu approximatives, mais la six cordes du maître fait feu de tous bois.

Et probablement de loin, la plus jolie pochette de l'ensemble de son oeuvre.

Énigmatique et à double sens ! Rien que pour ça, "Trance-Fusion" vaut le détour !






Maher Shalal Hash Baz "L'Autre Cap"



Voilà un truc surprenant !

Alors comment dire ce dont il s'agit ?... Hum, ça oscille entre des bricolages à la Albert Marcoeur, des rafraîchissements dignes Sufjan Stevens le tout mâtiné d'un esprit festif à la Mardi Gras.BB.

Tout cuivré donc, mais complètement déstructuré, comme si un big band avait décidé de reprendre du Tom Waits le tout drivé par Zappa.

Ca reste assez cool dans l'ensemble, assez lent mais réellement original et complètement allumé.

Rien à voir avec Boredoms cependant, pas du tout le même registre !




The Leather Nun "Force of habit"


Encore un groupe auquel j'ai failli échapper. C'aurait été dommage !

Bon en gros c'est du rock qui sonne très actuel bien que ça date des années 80 (enfin pour schématiser)
Plutôt du genre prolifique d'ailleurs que ce groupe suédois qui n'a jamais dépassé les frontières de son pays natal. Allez savoir pourquoi...

Musicalement, ils proposent un mix entre Lou Reed et Iggy Pop. Le premier pour le timbre de voix et le deuxième pour l'urgence des compositions. C'est donc étonnamment profondément new-yorkais avec ce petit quelque chose d'européen qu'on retrouve chez les artistes de chez PIAS par exemple.

L'album "Force Of Habit", le seul que je connaisse pour l'instant est assez curieux. Le premier titre peut carrément rebuter par son atmosphère vraiment heigties. Pourtant une guitare nous intrigue, et cette voix.... Ensuite tout doucement on se sent envoûté par je-ne-sais-quoi, une espèce de gimmick entêtant.... Le 3ème morceau nous plonge dans une sorte de chaînon manquant entre Lou Reed et... U2 ! Puis ça s'enchaîne sans temps mort et on se sent comme emporté par cette musique entre brume et tempête... Une surprise en plein milieu nous révèle que ces gens ne manquent pas d'humour. Voyez plutôt : une reprise du "Gimme Gimme Gimme" de... Abba !!! Mais attention, pas un cover ridicule, mais bien une réorchestration totale avec grosses guitares, basse assommante qui transforment ce hit on ne peut plus kitch, en un véritable rock que plus d'un groupe aimerait composer. La fin de l'album alterne entre  punk-rock (No Rule) et rock-funky genre Talking Heads comme sur le titre "F.F.A".

Bref si vous croisez un de leurs albums, jetez-y une oreille attentive, ça vaut franchement le détour.










Michael Brook "Live at the aquarium"




Vous avez dit ambiant ? Alors Michael Brook est pour vous..

Michael Brook contrairement aux habituels musiciens qui oeuvrent dans l'ambiant est un guitariste !

Et sa musique est un ravissement. Aérienne comme il se doit, elle se promène parmi une multitude d'atmosphères toutes différentes mais toujours envoûtantes. On pense à Rypdal en moins glacial, mais aussi à Fripp et son String Quintet, voire carrément Hawkwind dans leurs délires planants, ou encore Manuel Göttsching et ses Inventions for Electric Guitar ou même les transes électroniques de System7, le groupe de Steve Hillage.

Bref tout un univers de guitares subtiles finement ciselées, qui pétillent comme des petites bulles de couleurs ou qui glissent comme une perle de nacre sur un ventre de femme... De la dentelle métallique sur une peau de velours....

Juste une guitare...

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