Paris-Texas
![]() Travis marchait. Toujours et encore... Au delà de l’épuisement à travers ce désert texan à l’horizon désespérément plat, sous ce soleil écrasant à la recherche de… Qu’importe à la recherche de quoi. Il marchait. Tel un grand échalas à l’allure d’automate, avec, vissé sur sa tête, une ridicule casquette rouge.. Rouge comme une larme sang… Peut être fuyait-il. Peut être. Peut être pas. Qu’importe, il marchait, Travis… Quelque part plus loin, beaucoup plus loin, un enfant vivait sa vie d’enfant, dans son foyer middle class, oubliant un passé déjà trop lointain. A même pas 10 ans, la vie va très vite et le bonheur d’un jour efface momentanément les années d’avant. Les années de grâces, celles qui réunissaient trois êtres autour d’un même amour. Pourtant, grâce à son frère, doucement Travis se reconstruit, recollant les pièces du puzzle de son histoire. Il redécouvre son nom, son fils, sa femme… et une certaine nostalgie du futur. Une nostalgie qui prend naissance à Paris, ce lieu si particulier où ses parents l’ont conçu il y a bien longtemps. Enfin revenu à une existence quasi normale Travis décide alors de retrouver dans ce road movie éblouissant celle qui fût la femme de sa vie. Débute alors un long périple à travers les USA à bord d’un pick-up déglingué avec Hunter, son fils retrouvé, qui n’a plus qu’une seule idée : rejoindre sa mère Jane et se réinventer cette famille qu’il n’a jamais réellement oubliée. ![]() ![]() La lumière y est superbe apportant un éclairage d’une rare intensité à ces paysages sublimes que traversent les protagonistes. Mais elle se veut tout autant intimiste, presque inexistante lorsque Travis fait son introspection auprès de celle qu’il a voulu retrouver. Et là, la magie s’opère encore d’avantage lorsque derrière la glace sans teint de ce peep-show sordide d’une banlieue de Houston, il conte son histoire, leur histoire, et que son image se reflète à travers ce miroir où se dessinent les traits de Jane. Fabuleux jeu de miroir où se répondent ces deux visages séparés par cette vitre, ultime barrière à leur (im)possible réunion. Et toujours en toile de fond cette musique lente, entêtante, magique, qui accentue encore plus la beauté de chaque scène. Et l’on découvre petit à petit ces vies pleines d’amour, ces vies déchirées, ces vies déchirantes. Les yeux fous de Travis se transforment en regard de tendresse, d’admiration, de passion. Travis, homme discret, introverti, est simplement la pièce maîtresse de ce jeu de carte fragile. Il envahi l’écran de son omniprésence contenue. Alors que l’image filme un panorama époustouflant, on ne voit pourtant que lui. Il évolue sans rien dire et pourtant on ne fait que l’écouter. Son magnétisme nous captive, nous envoûte. ![]() ![]() Palme d’Or à Cannes en 1984, Paris-Texas fait partie de ces films qui marquent le spectateur à jamais, sans trop savoir pourquoi. L’histoire écrite par Sam Shepard n’a rien d’extraordinaire, mais les acteurs Harry Dean Stanton (Travis), Nastassja Kinski (Jane), Dean Stockwell (le frère de Travis) et Hunter Carson (Hunter) sous la caméra de Wim Wenders apportent à ce film une beauté et une émotion incroyable, que seules les histoires simples savent nous offrir. ![]() © Alain Dukarski 05/02/2006 ![]() |