Géant
![]() Ce vendredi 15 août, vers 17 heures, nous sommes donc trois anciens copains à nous retrouver chez moi, comme au bon vieux temps, pour une escapade musicale. Durant le trajet, il faut bien avouer que la fébrilité nous envahissait. Neil Young dans une foire de province, ça sentait la fin de règne. Ce n’est pas la fête de l’andouille à l’Auchan du coin mais pas loin. D’autant plus que le tarif de 45 €, ne présageait rien bon. Arrivé sur place, nos craintes n’en sont que pus justifiées. Sur le parc des expositions de la petite préfecture du Haut-Rhin, une foule bigarrée déambule entre les différents stands agricoles, moissonneuses, charrues et autres motoculteurs flambant neufs. Il ne manque plus que le concours de la meilleure laitière ou de miss bretzel. Bref, après quelques minutes nous arrivons devant l’amphithéâtre. Nous franchissons sans encombre la sécurité, plutôt cool et bon-enfant, et prenons place dans les gradins non sans auparavant être passés par la buvette histoire de manger un morceau et de boire une petite binouze. Je tiens d’ailleurs à saluer l’extrême gentillesse et politesse des nombreuses personnes qu’on a pu croiser. Qu’ils s’occupaient de la tireuse de bière ou du placement sur les parkings, toutes étaient fort aimables, c’est assez rare pour le souligner. Une fois restaurés, nous découvrons la scène plus en détail. Sincèrement la première impression est assez mitigée. Si tous les instruments sont déjà bien en place, voire en double pour certains d’entre eux, la scène ressemble à un véritable capharnaüm et on se demande bien où vont jouer les musiciens ! Ceci dit, au moins il y en aura des musiciens et ce ne sera pas un concert solo, ce qui n’est pas pour me déplaire. Pèle mêle, on devine un énorme ventilateur, des projecteurs disproportionnés genre projo de plateau cinéma, un chevalet vide sur la droite, un piano customisé jaune sur la gauche, un harmonium hors d’âge dans le fond, un vibraphone… Plus étrange, tout au fond à gauche, on distingue de grands panneaux entreposés verticalement, comme on en voit chez Castorama ! Manifestement les organisateurs ont du oublier de débarrasser la scène… Sur le mur du fond, une série de lettres accrochées, sans signification particulière, certainement en place depuis plusieurs années. Probablement 93 d’ailleurs, vu les deux chiffres indiqués. Arrive alors la première partie en la personne de Rodolphe Burger ex Kat Onoma. Et là, catastrophe, on s’aperçoit rapidement que la sono est épouvantable. L’armature d’acier de la salle semi couverte vibre avec les basses et la voix est à peine perceptible. Malgré les qualités de Burger, le courant ne passe pas vraiment, et ce n’est pas la présence à ses cotés d’un Rachid Taha pour le moins à l’ouest (pour rester poli) qui le sauve du naufrage. Mais le plus inquiétant demeure la sonorisation épouvantable qui ne permet pas d’apprécier à leur juste valeur les titres interprétés. Les plus vives inquiétudes apparaissent quant à ce que sera le son du vétéran du rock d’ici quelques minutes. Ceux qui pensaient entendre ce soir l’intégrale de « Harvest » en version acoustique se trouvent un peu décontenancés. Mais Neil a aussi pensé à eux et, au milieu de cet assourdissant torrent de guitares en fusion, dépose son arme chauffée à blanc, pour endosser son habit de folk-singer. La furie électrique retombe pour faire place à la plénitude d’un « Oh, Lonesome Me ». Le groupe se révèle tout autant efficace dans cet exercice de dentelle musicale que dans celui de soufflet de forge. C’est pourtant seul à l’harmonium et à l’harmonica qu’il se lance dans un « Mother Earth » d’anthologie rappelant étrangement le « Like a Hurricane » du live « Umplugged ». De mémoire de rockeur, c’est la première fois que j’entends un titre joué uniquement par ces deux instruments et par le même homme ! Un régal ! La foule se laisse embarquée par cette ambiance intimiste et magique. Dès les premières notes de « The Needle And The Damage Done », interprété seul à la guitare, le public explose, applaudi à tout rompre ! Les fans de la période folk country sont au bord de la jouissance ! Avant de poursuivre avec « Unknown Legend », Neil nous présente ses musiciens. Pendant tout ce temps, les planches stockées au fond de la scène on révélé leur raison d’être. Ce sont autant de tableaux, peints par Eric Johnson, illustrant à tour de rôle chacun des titres interprétés ou presque. Le même Eric Johnson continuera durant tout le concert de peindre ses toiles. Neil rejoint à présent son piano jaune pour « Wrecking Ball » avant de reprendre sa guitare acoustique pour deux titres incontournables, « Heart of Gold » et surtout l’indémodable « Old Man » que les 7500 spectateurs reprennent à tue-tête. La communion est totale. Juste avant, il saluera la présence de la pleine lune qui illumine le ciel du théâtre de plein air. Magique ! Et cette magie va continuer encore un bon moment. Pour le prochain titre, Neil, qui a repris sa Les Paul, nous offre un inédit « Just Singing A Song Won’t Change The World » de fort belle tenue. Généreux, il nous en offre même un second, nouvellement composé « See Change » qu’il interprétera d’ailleurs deux fois de suite non sans nous expliquer que le groupe à besoin de travailler cette chanson ! Personne ne lui en voudra, bien au contraire ! En deux heures et demie, Neil nous a offert un concert de folie, une démonstration de force qui renvoie nombres de jeunes groupes à leurs chères études. Accompagné d’un groupe fabuleux, mention spéciale Pegy qui nous a dévoilé une voix puissante et joliment maîtrisée, bien moins bourrin que le légendaire Crasy Horse mais tout aussi efficace, il a revisité quarante ans de rock avec une passion et un plaisir certain. Intimiste ou explosif, l’homme nous a montré toute sa générosité, sans jamais faillir, avec ses traits de génie et ses habituelles imperfections qui font tout le charme de sa musique. Bravo l’artiste, c’est certain rock’n roll will never die ! Neil Young : Chant, Guitares, Harmonica, Piano, Harmonium Ben Keith : Chœurs, Guitares, Pedal Steel Guitar, Banjo, Orgue Pegi Young : Chœurs, Piano, Xylophone, Percussions Anthony Crawford : Chœurs, Guitares, Piano, Percussions Rick Rosas : Basse Chad Cromwell : Batterie ![]() |