Vu d'un Ange










La préhistoire du groupe se situe à l’aube des années 70.


A cette époque les frères Décamps, Christian et Francis jouent respectivement dans « Les Anges » pour le premier et « Evolution » pour le second. C’est le temps des bals où ils se produisent du côté de Belfort et de
sa région. Courrant 65 Les Anges  sortent un 45 tours 4 titres aux éditions Pyral « Qu'y a-til de plus beau?/Donne-moi ta raison/tais-toi/Je suis ton ami ». Il faut bien avouer que cet enregistrement, devenu introuvable mais dont on peut entendre deux titres sur l'album « En vrac », ne présage en rien ce que Ange deviendra par la suite.

En 1969, les deux frères décident d’associer leur passion commune et de réunir les deux formations. Ange est alors composé de Christian (Chant, Guitare, Claviers), Francis (Claviers, Mellotron), Gérard Jelsch (Batterie, Percussions), Patrick Kachanian (Basse, Flûte) et Jean-Claude Rio ( guitare rythmique). Sous l’impulsion de Christian, ils créent « la Fantastique Epopée
du Général Machin », un opéra-rock de plus de trois heures, une première dans l’histoire du rock français ! Avec cette épopée satirique, ils signent là le premier véritable concert du groupe le 31 janvier 1970 à Belfort. Déjà Ange fait preuve d’un style innovant et radicalement différent des groupes français de l’époque, assez proche des groupes anglo-saxons alors naissants. Cette même année, le 5 avril précisément, ils se produisent au Golf Drouot à Paris qu’ils marquent de leur empreinte indélébile allant jusqu’à remporter la finale annuelle.

Remarqué par Philips le groupe sort rapidement son premier 45 tours « Cauchemar / Israël » puis les singles « Tout feu tout flamme / Docteur Man » et « Le Soleil est Trop Vert / Le Vieux de la Montagne ». Entre temps le line-up a changé. La guitare est revenue à Jean-Michel Brézovar et Daniel Haas a pris en charge la basse.

Avec l’arrivée de ces deux musiciens, le Ange légendaire est enfin né. L’histoire est en marche.






Le premier album du groupe « Caricatures » sort le 7 juin 1972 et celui-ci est loin de passer inaperçu, bien au contraire. A mille lieux de la production phonographique du moment, « Caricatures » s’en démarque de façon radicale, proposant six titres en totale rupture avec la variété française d’alors. L’album débute avec « Biafra 80 », un instrumental surprenant qui assoie une fois pour toute le son si particulier du groupe. Un son que l’on doit notamment à l’orgue « bricolé » de Francis qui sonnera désormais comme la marque de fabrique du groupe. « Tels Quels » étonne tout autant avec son mélange de phases explosives et de passages plus calme. Mais ce qui frappe d’amblé, ce sont les mots scandés par Christian. Des mots qui claquent, qui dérangent, qui explorent des territoires jusqu’alors inexploités. Si Christian revendique des influences allant de Brassens à Brel, il ose des textes particulièrement surprenants, bizarre et pas toujours très explicites. Les titres « Dignité » et « Caricatures » enfoncent d’ailleurs le clou à tel point que Philips trouve bon de se prémunir de tous procès en indiquant sur la pochette que « Les textes n’engagent que leurs auteurs » !!! « Dignité » est une critique acerbe sur les mœurs légères des grands de ce monde transposées dans un passé moyenâgeux. Musicalement le groupe y dévoile toutes ses prétentions musicales et présente de fort belle manière son rock – qu’on nommera plus tard – progressif. De longs passages musicaux dessinent différentes atmosphères où chaque musicien peut exprimer pleinement son talent. « Le soir du diable » est de facture plus classique et pourrait passer pour une gentille chanson à la jolie mélodie. Mais ce serait sans écouter les paroles pour le moins surréalistes ! « Caricatures » débute par un long monologue déconcertant complètement halluciné ! Du jamais entendu auparavant ! Le morceau se poursuit par une fresque musicale subtile comparable aux expérimentations d’un King Crimson ou d’un Genesis avant de finir de la même façon qu’il a débuté mais de façon chantée cette fois. L’album prend fin avec la reprise de « Biafra 80 ». Rétrospectivement ce premier essai est une belle réussite qui n’offre aucun compromis. Un album brut, un ovni musical qui, s’il souffre de quelques erreurs de jeunesse, reste un monument dans le microcosme du rock français. Durant trois mois le groupe se produira un peu partout en France, assurant même la première partie du « Johnny Hallyday Circus » !!!!





Il profite alors de la scène pour rôder son prochain album « le Cimetière des Arlequins » qui sort en 1973. Une tournée qui mènera le groupe jusqu’en Angleterre où il se fera remarquer au festival de Reading aux côtés de Genesis. Avec « Le Cimetière des Arlequins » le groupe semble avoir gagné en maturité. Les titres sont plus aboutis, plus construits moins dispersés. Première surprise, l’album débute par une magistrale reprise de Jacques Brel, « Ces Gens Là ». La chanson de Brel est sublimée par la musique du groupe et le timbre si particulier de Christian qui ne renie en rien l’original. Au contraire. Si beaucoup d’artistes ont souvent tenté d’interpréter Brel, peut y sont parvenus sans paraître de sombres clones. Ange réalise ce tour de force de s’approprier le titre sans l’abîmer et sans singer son créateur. Un hommage superbe devenu un incontournable du groupe. « Aujourd'hui c'est la Fête chez l'Apprenti sorcier » débute la longue série de titres qu’on pourrait qualifier aujourd’hui de Fantasy. L’une des particularités des morceaux de Ange est de mettre en musique des histoires fantastiques, des contes imaginaires. « Le Cimetière des Arlequins » est donc un voyage où le mysticisme est omniprésent. Sans être un concept album, on se promène dans l’imaginaire du groupe au travers de titres aussi différents que « Bivouac », « L'Espionne Lesbienne », « De Temps en Temps » ou « La Route aux Cyprès » où le groupe explore les différentes voies qu’il poursuivra par la suite, entre moments très rocks « Aujourd'hui c'est la Fête chez l'Apprenti sorcier », expérimentation sonores « Bivouac » et douces ballades « La Route aux Cyprès ». Enfin le titre éponyme clôt l’album d’une façon incroyable. Sombre et angoissant, « le Cimetière des Arlequins » va crescendo vers les bas fonds d’un monde obscur. Une pure réussite ! L’album, plusieurs fois disque d’or marquera à tout jamais la carrière du groupe.




Plus de 2000 spectateurs viendront applaudir le groupe le 10 janvier 74 à la Mutualité qui propose alors son prochain album « Au-delà du Délire », premier concept-album du groupe. Même si le concept en question reste assez obscur, il nous compte néanmoins l’histoire de Godevin le Vilain quelque part dans un passé moyenâgeux. D’ailleurs le premier titre du nom du « héros » débute par un duo clavecin-violon qui tranche avec les albums passés même si rapidement on en retrouve les mêmes ingrédients. Le son moins étouffé, explose littéralement. Plus cristallin, plus épuré, il gagne en force et limpidité. La guitare de Brézovar y est magique, la basse de Haas est à tomber, je jeux de batterie de Jelsch explosive, les claviers de Francis lumineux et la voix de Christian toujours mieux maîtrisée. « Les longues nuits D’Isaac » débutent par une guitare rugueuse avant de devenir aérienne pour finir en un véritable déchirement musical. « Si j’étais le Messie » est un texte irrévérencieux comme les aime Christian, mi-chanté, mi-parlé, simplement illustré par de petites touches de musique éparses qui se terminent en une puissante orgie musicale. « Ballade pour une orgie » avec ses faux airs de légèreté est, une fois encore, un texte très tendancieux à la manière de « Dignité ». Succulent ! Le chevaleresque « Exode » après un premier pont musical paraît une autre jolie balade joyeuse avant que le dernier tiers ne se révèle un superbe moment de pure musique amené par la guitare tonitruante de Brézovar. C’est avec un orgue de barbarie que s’ouvre « La Bataille du sucre ». Un titre épique, sorte de tournant de l’album, où chacun des membres interprète un personnage de l’histoire qui nous est contée. Là encore le final laisse place à une guitare déchirante. « Fils de lumière » est construit comme une succession d’envolées musicales ponctuée de deux couplets assez courts. Chaque envolée montant graduellement en intensité jusqu’au final grandiose qui s’achève en fondu sur « Au-delà du délire » sorte de pièce théâtrale pour ménestrels où s’invitent toutes une ménagerie fantastique qui laisse place à un long délire musical avant de revenir clore cette magnifique épopée. Ange est alors à son apogée et s’impose logiquement comme le meilleur groupe français. 12 000 personnes viendront assister à cette orgie sonore au Pavillon de Paris ! 12 000 !!!!!



C’est un humble maréchal-ferrant de Franche-Compté qui sera à l’origine du nouvel album d’Ange en 1975, Emile Jacotey. Compteur né, le vieil homme fascine Christian avec ses récit féeriques. Il n‘en faut pas plus pour que Christian prenne se plume pour écrire « Bêle, Bêle Petite Chèvre » ou «  Sur la Trace des Fées », qui ouvrent l’album. Ces titres sont tout simplement sublimes de simplicité et de beauté. « Le Nain de Stanislas » qui conte l’histoire de Nicolas Ferry, bouffon du roi Stanislas, surprend un peu plus de part sa trame moins classique et plus homérique. « Jour après jour » est une nouvelle balade subtile et délicate où l’on entend la voix du vieil Emile nous dévoiler ses souvenirs avant que le groupe ne lui fasse un hommage dans « Ode à Emile ». « Ego et Deus » plus enlevé que le reste de l’album, sonne un peu froid, presque glacial. « J’irai dormir plus loin que ton sommeil » au rythme saccadé est un grand cri d’amour saupoudré par la guitare de Brézovar. « Aurélia » plus aérien est une superbe chanson d’amour, douce, claire, sublime… Grand moment que celui « Des Noces ». Ecrit à la façon d’un « Ces Gens Là », c’est une peinture d’une simple scène de noces. Chacun a vécu ça. Tout le monde s’y retrouve. Les images choisies par Christian sont criantes de vérité. Un grand moment, comme un vieil album photos qu’on se remémorerait avec émotion. « Le marchand de planètes » (clin d’œil au Petit Prince ?) semble un peu hors de propos et arrive un peu comme un cheveux sur la soupe mais reste néanmoins un titre agréable. Plus intimiste que les précédents, plus touchant aussi par la présence de son instigateur involontaire et par le fait qu’il puise sa substance dans l’histoire quotidienne, « Emile Jacotey » est un album qui met en avant les mots de Christian et qui met un peu de côté les grandes fresques instrumentales dont on était habitué. Les morceaux ne manquent cependant pas moins de musicalité, bien au contraire. Les mélodies sont ciselées et l’interprétation irréprochable. Elles accompagnent en fait d’avantage les textes plutôt qu’elles ne les illustrent et le résultat et de toute beauté. Une véritable collection de légendes où l’on croise ça et là la féerie de Tolkien et où l’on entend pour la première fois Guénolé Biger en lieu et place de Gérard Jelsch à la batterie. L’album sera, une fois encore, disque d’or.




Mais Guénolé ne fera qu’un bref séjour au sein d’Ange. Pour le nouvel album de 1976, « Par les Fils de Mandrin » il est remplacé par Jean-Pierre Guichard. Ce changement de personnel n’affecte en rien la créativité du groupe, bien au contraire. « Par les Fils de Mandrin » est une nouvelle fois une réussite totale et sans doute l’album le plus abouti jusqu’alors. Ecrit autours de l’histoire d’une bande de voleurs à la recherche du bonheur dans leur roulotte à travers un monde une nouvelle fois imaginaire et magique « Par les Fils de Mandrin » est construit un peu comme « Au-delà du délire », c’est à dire une face plutôt dédiée au récit et l’autre plus musicale. Bien que l’album débute sur un riff plutôt rock avec le titre qui donne le nom à l’album, la suite est plus intime. « Au café du Colibri », « Ainsi s’en ira la pluie », « Autour du feu », « Saltimbanques » se succèdent comme autant de petites chansons délicates subtilement composées, comme un moment de fragilité avant l’explosion finale. Celle-ci n’arrive qu’en deuxième partie avec « Des yeux couleur d’enfants » que vient ponctuer l’aquatique « Atlantis » avant le moment de grâce qu’est « l’hymne à la vie », l’un des meilleurs titres du groupe. La couleur générale de l’album s’oriente vers un rock moins médiéval que les précédents, délaissant notamment les sonorités d’orgue, sans les renier complètement pour autant, privilégiant la guitare acoustique et l’emploi de « sons » hétéroclites pour illustrer chaque ambiance : un feu qui crépite, la pluie qui tombe, des bruits de bistrot… Disque d’or récompensé par le prix de l’Académie Charles Cros, « Par les Fils de Mandrin » présente le groupe au sommet de son art. Cet album fera, de plus, l’objet d’une curiosité. Afin d’attaquer la marché outre Manche, Ange enregistre « By the Sons of Mandrin » mais le résultat est peu probant et prouve que la musique de Ange est typiquement française et ne prend sa mesure qu’avec des textes en français. Ce disque, devenu une rareté, a récemment été réédité par le label Muséa.





L’énorme tournée qui suit, 10.000 personnes le 12 mai 1977 à Lyon, le Palais des Sports de Versailles complet, est prétexte à l’enregistrement d’un premier double album live « Tome VI ». C’est également l’occasion pour moi d’ouvrir une parenthèse concernant l’un des points forts du groupe, la scène ! Si la musique d’Ange résonne de bien belle manière sur disque, en concert elle est tout simplement magnifiée. Assister à un concert de Ange, est comme assister à une grand-messe, une véritable communion entre le groupe et le public. Si Christian Décamps en est le maître de cérémonie incontesté, véritable caméléon s’habillant des divers personnages qu’il incarne sur scène, les autres membres n’en sont pas pour autant de simples exécutants. La palme de la présence scénique revenant, sans aucun doute possible, à Francis Décamps qui apporte au show une folie incomparable. Sans sombrer dans le grandiloquent, c’est avec trois bouts de ficelle que le groupe transforme la scène en un théâtre musical ou chacun tient son rôle à la perfection. Sans prétention, sans frime ostentatoire, le groupe exprime tout son talent, faisant jouer le public comme personne, n’hésitant pas à explorer leurs compositions au-delà des limites du possible pour le plus grand bonheur de tous. Ce live de 77 apporte donc son lot de titres incontournables « Fils de Lumière », « Les Longues Nuits d'Isaac », « Ballade pour une Orgie », « Ode à Emile », « Dignité », « Sur la Trace des Fées », « Hymne à la Vie » ou encore le superbe « Ces Gens-Là ». Autant de morceaux devenus des classiques toujours joués 30 ans après ! En bonus, le seul titre chanté par Francis Décamps, l’inédit et génial « Le Chien, la Poubelle et la Rose » qui mérite à lui seul qu’on se procure ce CD. La même année sort la compilation « Réimpression » à l’occasion du 100ème anniversaire de l’invention du disque. On y retrouve « Tout Feu Tout Flamme » et « Le Vieux de la Montagne » jusque là uniquement pressés en 45 tours et devenus introuvables. Ces deux seuls titres justifiaient à l’époque l’achat de cette compilation jamais rééditée depuis. Parallèlement sort, contre l’avis du groupe un autre live sobrement intitulé « En Concert 1970-71 ». Il s’agit en fait d’enregistrements datant des premiers concerts d’Ange avec Patrick Kachanian et Jean-Claude Rio où l’on peut découvrir des extraits de « La Fantastique Epopée du Général Machin ». Le son quasi inaudible et la production inexistante de cet album font plus penser à un bootleg, bien que nombre de bootlegs possèdent un meilleur son, qu’à un véritable album. Mais qu’importe, celui-ci ne manque pas d’intérêt, ne serait-ce qu’historique, et se révèle comme le témoignage incontournable d’une époque que beaucoup de fans n’ont jamais connue. Les titres sont tous des inédits « Zup », « Atome », « Opus 69 », « Général Machin », « Assis sur l'Univers », « Professeur Flouze », « Messaline », « Cauchemar » et « Prophétie ». Ils ne seront jamais réenregistrés par la suite.




















Cependant, malgré le succès, tout n‘est pas au beau fixe dans le ciel angevin et son horizon commence à s’assombrir. Deux des membres, et pas des moindres, Brezovar et Haas, influencés par quelques mauvais conseilleurs, décident de quitter le groupe. Nul doute que Ange aura du mal à s’en remettre et rares sont ceux qui auraient misé un kopeck quant à l’avenir du groupe. Mais il en faut plus pour abattre la fratrie Décamps qui décide, malgré l’avènement du punk et les mauvaises langues, de poursuivre l’aventure. Arrivent alors Claude Demet à la guitare et Mick Piellard à la basse pour signer le nouvel album du groupe « Guet-Apens » qui sort en 1978. Comme souvent, lorsqu’il est enfanté dans la douleur, l’album s’affirme de suite comme un chef d’œuvre absolu ! Mieux même, la musique du groupe, sans renier ce qu’elle a toujours été, prend une dimension toute nouvelle, gagne en profondeur. Autre révolution, et pas des moindres, les textes tranchent radicalement avec les thèmes habituels. Exit les références médiévales, les histoires du temps jadis, « Guet-Apen » se veut plus moderne, plus rock et plus froid. C’est d’ailleurs l’album le plus glacial que le groupe ait composé.  « A Colin-Maillard » ouvre le bal avec une première phase tout en douceur engourdie avant de s’achever sur un rythme bien plus dynamique. « Dans les Poches du Berger », « Un Trou dans la Case » et « Virgule » s’enchaînent de bien belle manière même si, sans être des titres particulièrement marquants, s’affirment comme de très bons moments. Le choc arrive avec la deuxième face, en tout point magistrale, et notamment avec le sublime et dramatique « Réveille-toi ». A lui seul, ce titre révolutionne l’univers habituel dans lequel le groupe évoluait jusqu’alors. Loin des comptines féeriques et autres légendes fantastiques « Réveille-toi » nous conte le récit d’un homme qui se rend sur la tombe de sa femme. Cet épisode qu’on imagine fort douloureux, atteint le paroxysme du morbide lorsque le veuf éploré en plein délire s’adonne à un coït port mortem !!! Bien que le sujet peut sembler particulièrement malsain, il n‘en demeure que ce titre déchirant reste une preuve (un acte ?) d’amour ultime fort bien écrit qui ne sombre ni dans le graveleux ni dans l’ignoble. Un tour de force qui témoigne de la justesse de la plume de Christian Décamps. Après ce monument incontournable, Ange clôt ce « Guet-Apens », dans lequel il ne tombe pas, par un long titre tout aussi poignant « Capitaine Cœur de Miel ». Quatorze minutes de folie qui nous relate le désespoir d’un capitaine qui sombre inexorablement dans l’alcool. Lors de la sortie de l’album, Christian avoue dans le magazine rock « Best », que pour coller parfaitement au personnage il s’est réellement saoulé durant l’enregistrement de ce titre. Et la résultat n’en est que plus bouleversant. Au fur et à mesure que le Capitaine Cœur de Miel décline, le chant de Christian vacille jusqu’au naufrage. Quant à la musique plus progressive que jamais grâce notamment à la guitare de Demet qui lui apporte une dimension plus « floydienne », elle confère à l’album un climat envoûtant et dramatique du plus bel effet. De leur coté Daniel Haas et Jean-Michel Brézovar enregistre chacun un album solo.




L’ambiance au sein du groupe, notamment entre les deux frères Décamps n’est pourtant plus ce qu’elle était. C’est le temps des remises en question et me mettre Ange en sommeil. Christian tente alors une escapade solo en sortant en 79 sous le nom de Christian Décamps et Fils son album « Le Mal d’Adam ». Francis, quant à lui, sort la même année « Histoire de fou ». Forts de cette expérience, les deux frères reprennent pourtant le chemin du studio avec deux nouveaux musiciens Didier Viseux à la basse et Robert Defer à la guitare. « Vu d’un chien » se retrouve dans las bacs courrant 1980. Dès les premières mesures le ton est donné. Ange entre dans les années 80 d’une manière fracassante et, pour beaucoup, déconcertante. Si « Guet-Apens » présentait un nouveau visage, « Vu d’un chien » enfonce le clou proposant un virage radical dans la musique du groupe. Le nouvel opus met un terme aux voyages d’antan pour nous offrir un rock plus brut, aux limites du hard rock à travers 8 titres courts loin des longues compositions fleuves habituelles. « Les Temps Modernes » donne le ton avec une guitare rageuse pour un hommage à Chaplin et aussi pour, peut-être, affirmer la nouvelle direction musicale du groupe.. Suivent « Les Lorgnons », titre plutôt enlevé mais peu convainquant, « Foutez-moi la Paix » plutôt réussi et « Je travaille sans Filet », sorte de « Capitaine Cœur de Miel » transposé dans le milieu du cirque, qui est une belle surprise. « Personne au Bout du Fil » et surtout « La Suisse »  ne resteront pas dans las annales, plus à cause des textes que de la musique. Manifestement, cette fois, la magie des mots de Christian n’opère pas et on ne se sent aucunement concerné par le propos. « Pour un rien », seul titre calme, marque une petite pause  sympathique. Reste le titre qui donne le nom à l’album, lequel renoue un peu avec le passé, même si musicalement, l’heure est à l’énergie plutôt qu’à la dentelle. Au final, les fans auront un peu de mal à retrouver leurs marques dans ce nouvel Ange et ce n’est malheureusement qu’un début. Toujours est-il que le groupe repart en tournée avec toujours la même foi et le même plaisir.




La même formation se retrouve l’année suivante pour enregistrer « Moteur » qui sort en 81. Autant le dire tout de suite cet album n’a plus grand chose à voir avec le Ange légendaire. Il semblerait que le groupe ait subi, à l’image des autres groupes progressifs de l’époque comme Yes avec son « 90125 » ou encore Genesis avec « Abacab » et tant d’autres, un lifting rock-FM pas franchement réussi. Typiquement estampillé année 80, la production de l’album dénature complètement l’âme initiale du groupe et les titres s’engluent dans des compositions fades et sans relief. Sans parler de certains textes où l’on ne retrouve plus du tout le style de Christian et qui nous laissent bien souvent pantois. « Tant Pis l'Indien » démarre ce « Moteur » avec un refrain qui frise le ridicule, autant coté musique que coté paroles. « Saga » , titre dédié à John Lennon suite à son assassinat, (mais faut le savoir !!!!) n’arrange rien et sombre un peu plus vers la face sombre de Ange. « Touchez pas à mon ciné » rend hommage au cinéma d’une bien triste façon tant le morceau sonne comme un groupe de balôche et les paroles sentent « l’à peu près »… On est pas loin du n’importe quoi. Par charité chrétienne, on passera sur « Détective privé ». Dans « Moi, pas idiot », Ange brocarde Lavilliers sans arriver à la cheville de ce dernier ! « Chatte, chatte » reste acceptable, sans plus. « Un autre Jazz » part d’un bon sentiment mais ne parvient pas à convaincre. Idem pour « Mourir, souffrir » qui malgré son rock bien enlevé souffre d’une écriture approximative et d’un chant qui démontre que le registre rock-FM n’est pas du tout fait pour la voix de Christian Décamps. Restent deux titres « Assis ! » et surtout « Rien n'est trop beau pour toi », deux titres plutôt calmes, bien plus en adéquation avec les standards du groupe. Au final l’album déçoit, même si, des années plus tard, le recul aidant, il se laisse écouter malgré tout car en fait le pire reste à venir ! La tournée qui suit célébrera les 10 ans d’existence du groupe, notamment au Palais des Sports de Paris et au Printemps de Bourges. Un succès scénique qui ne se dément pas malgré le piètre intérêt des albums récents.






« A propos de » en 1982 aurait pu être une bonne idée. Malheureusement le résultat est loin d’atteindre le but premier qui était de rendre hommage à ceux qui avaient inspiré le groupe. Entre autres,  Brel, Brassens, Aznavour, Nougaro ou Dutronc. On se souvient de la reprise de « Ces gens là » aussi reprendre les classiques de ces grands de la chansons française ne pouvait être qu’une réussite. Hélas, mille fois hélas, on n'est pas loin de la catastrophe ! « Le moribond » (titre prémonitoire ?) sonne un peu flonflon mais ça passe encore. « Les copains d'abord » frise le naufrage notamment avec ses accents new-wave à la Taxi-Girl surtout à la fin du morceau. « Tu te laisses aller » est tout simplement massacré, de même que « Il est cinq heures Paris s'éveille ». « A jeun » et sa version blues se laisse écouter si on n'est pas trop exigeant. Reste « Le rouge et le noir » qui sort du lot sans crier au génie pour autant. Enregistré avec de nouveaux musiciens, Serge Cuenot à la guitare, Jean-Claude Potin à la batterie et Laurent Sigrist à la basse, l’album ne possède en rien les qualités de « ces gens là » et n’offre qu’une pâle copie de titres par ailleurs somptueux. A oublier rapidement. Enfin presque. Car au milieu, ou plus exactement à la fin, vu qu’il s’agit du dernier titre se cache une perle, un truc inouï, un morceau qui écrase tous les autres, sans aucun doute le meilleur titre que Ange ait enregistré depuis Guet-Apens. Un titre par ailleurs, magnifié sur scène depuis par Tristan Décamps lors des dernières tournés du groupe. Ce titre n’est autre que « le Bal des Lazes » de Polnareff, une merveille, une pépite incontournable, un must !








Retour à un format classique en 83 avec « La gare de Troyes ». Si certains y voient un retour aux sources il faut tout de même reconnaître qu’un monde sépare cet arrêt en gare et le début du voyage, ne serait-ce que de part les sonorités très synthétiques de l’ensemble. Même la batterie semble synthétique, tant elle manque de relief ! Enfin bon. Le titre générique qui ouvre l’album surprend et fini par séduire avec son rythme ferroviaire. Le funkisant « À saute-mouton » se veut timidement sensuel. « Questions d'générations » et sa batterie métronomique ne parvient pas à décoller. « Va-t'en » n’est guère plus mordant. « Les moments bizarres » aurait mérité une meilleure écriture musicale. « Sheherazade » relève un peu la tête mais n’aura jamais le charme d’une « Aurelia ». « Les jardins »
sont bien jolis mais ils leur manquent cruellement cet aspect bucolique de la « Route aux cyprès ». « Neuf heures » est déjà nettement plus en concordance avec ce qu’on est en droit d’attendre du groupe avec son climat profond et dramatique. Enfin, et ça tombe bien vu qu’il faut toujours garder le meilleur pour la fin, « Tout bleu ! » remet le groupe sur les rails de la réussite avec un titre aux succulents accents progressifs. Un régal ! Vous l’aurez compris si « La gare de Troyes » ne signe pas la résurrection du groupe, il offre néanmoins de bons moments qui laissent espérer un futur un peu moins sombre que les récentes années passées. A noter que « La gare de Troyes » sera lié sur scène à une troupe de théâtre le Grenier de Bourgogne pour une comédie musicale qui sera saluée par 5000 personnes. La même année Christian Décamps enregistre un 45 tours 2 titres sous le nom de Mr Dé  « Loïa/ Le temps d'avant les larmes ». Un objet curieux qu'on peut redécouvrir sur « Pêle Même ».




Le groupe semble à présent conserver une certaine stabilité et ce sont les mêmes membres qui proposent en 1984 l’album « Fou ! ». Cette fois encore, guère d‘évolution coté production même si l’ensemble paraît mieux maîtrisé et plus cohérent, notamment au niveau du travail de la batterie qui retrouve plus de vie. Musicalement, l’esprit est toujours au rock-FM mais avec plus de subtilités que précédemment et moins de clichés 80’s. Premier titre « Les yeux d’un fou » est plutôt percutant. Passons sur « (Je n'suis) Là pour personne » qui n’apporte rien de neuf. « Piège à cœur » est une jolie chanson légère soutenue par un rythme solide qui pourrait presque passer en radio ! « Harmonie » a déjà nettement plus de tenue, comme beaucoup de titres calmes du groupe. « (Hé !) Cobaye » même si dégoulinant de gimmicks eighties est curieusement assez sympathique. Peut être qu’on s’habitue à force ! Avec « Les fous demandent un roi » débute une longue suite épique, comme on en n’avait plus croisé depuis… « Par les fils de Mandrin » ! Attention, soyons clairs, ce qui suit n’est pas comparable au chef d’œuvre sus-nommé mais le groupe renoue avec le plaisir des compositions alambiquées et retrouve le goût de nous conter des histoires extraordinaires. S’en suit donc l’étrange composition « Guignols » suivi de l’instrumental « Guignols (la chasse) » de bonne facture et bien dans l’air du temps. « Fou » est tout aussi étrange, mélangeant une foultitude de sons électroniques qui pour une fois sied à merveille la musique de Ange. « Crever d’amour (prélude) » est comme son nom l’indique un superbe prélude à la pièce maîtresse qui suivra plus tard. Un prélude de toute beauté, tout en crescendo et délicatesse avant l’ultime coït qu’est « Crever d’amour ». Et le mot coït n’est nullement usurpé ! Bien au contraire. Les quatre minutes vingt de ce titre sont une lente montée du plaisir charnel associé à la musique. Un plaisir qui se traduit par de véritables cris de jouissance féminine comme un sublime solo de plaisir ciselé par celui d’une guitare brandie en phallus électrique ! Une réussite totale, un pur bonheur qui nous prouve que les frangins Décamps ont encore de belles surprises à nous concocter ! Sur scène, le délire n’en est que d’avantage démesuré, le Zénith de Paris en tremble encore !






L’enthousiasme retrouvé est malheureusement de courte durée. L’album de 86 baptisé « Egna » (Ange à l’envers) tombe à plat et ne propose rien de bien croustillant. On flirte même avec le pire, tant les compositions sont limite nunuches et manquent cruellement d’inspiration. « C'est après coup que ça fait mal » débute de la pire façon qu’il soit. Un rythme disco, un cri stupide, une voix féminine (quelle horreur une fille au sein du groupe ?????), un break crétin en milieu de chanson, une guitare à la Shadows… Sans commentaire. « Fais pas la gueule » commence comme « docteur Renaud, mister Renard » et malgré son rock très typé FM reste écoutable. « Revoir les sorcières de Salem » débute d’assez belle façon mais ne tient pas la distance. La déception monte d’un cran avec « Les dessins animés » et ce n’est pas « Coeur de paille coeur de pierre » qui relève le niveau, loin de là. Pas plus que le « Le dernier romantique » ou « Tout comme dans un livre ». Il n’y a guère que « Le cul qui jazze » qui offre une frêle esquisse d’intérêt pour qui n’est pas trop exigeant. Dieu qu’il est loin notre Ange, celui qui nous faisait rêver, celui qui nous faisait vibrer. Il n’est plus que l’ombre de lui-même, juste sa propre… Caricature !!!!!!! Daniel, Jean-Michel, mais où êtes vous donc ? Ange se meurt ! Revenez !!!








Suffit de demander voyons ! Et hop, qui revoilà en 1987 sur le nouvel album « Tout Feu Tout Flamme - c'est pour de rire »  ? Ni plus ni moins que Jean-Michel Brézovar et Daniel Haas ! Rien que ça ! Ceci dit ne nous réjouissons pas trop vite, ce retour inespéré n’est que ponctuel et on ne retrouve les anciens compagnons de route des frères Décamps que sur un seul et unique titre, la reprise du fameux « Tout Feu Tout Flamme » réenregistré pour l’occasion dans une version, disons, modernisée par forcément du meilleur goût. Un coup pour rien. Concernant le reste de l’album, on note l’arrivée de Francis Meyer qui remplace Jean-Claude Potin à la batterie et la présence de Martine Kesselburg et Eva Santi aux chœurs. Le changement de batteur se ressent dès le premier titre « Tout contre tout ». Le titre pulse à merveille et renoue avec un son plus épais moins artificiel. Sans pour autant être un incontournable, il nous rassure quant à la couleur de l’album. Perdu ! Le saxophone qui ouvre « Coquille d’œuf » semble nous dire qu’on est en 87 et qu’il ne faut pas compter retrouver les élans d’antan. Mais le titre est tout de même une jolie réussite, plaisante et agréable. Les premières mesures de « C’est pour de rire » avec guitare acoustique et claviers aux sonorités de clavecin nous rappellent de vieux souvenirs enfouis. La suite s’en éloigne quelque peu mais reste de bonne facture. Un titre néanmoins assez touchant dédié au père des deux frères, récemment décédé. Belle surprise en revanche que « Sur les grands espaces bleus ». On y retrouve avec plaisir ce lyrisme si particulier sur une mélodie délicate et aérienne comme on aime en entendre. Un bien beau moment que ce titre là. Je n’en dirai pas autant de « 3x1=Nous » qu’il vaut mieux zapper au plus vite. Concernant « J’suis pas d’ici » je dois avouer que je reste perplexe. Musicalement le titre décoiffe, rien à redire. En revanche le sujet est assez surprenant vu qu’il aurait pu s’appeler tout simplement « Qui a tué Gregory ? ». C’est à ma connaissance la première fois que Christian s’aventure sur un thème d’actualité. Oh bien sûr, c’est traité avec beaucoup de finesse et de respect, mais quelque part ça me dérange qu’on puisse écrire une chanson sur cette histoire. L’album prend fin avec « Il est le Soleil » décomposé en trois parties, « Rituel », « Un taxi pour l’éternité » et « Perpétuel ». Le début est assez mou, musicalement pas très inspiré. La suite est déjà plus enlevée sans toutefois convaincre totalement quant au final, on ne sait même pas qu’il existe ! Bref, un album en demi-teinte, pas franchement mauvais mais pas bouleversant non plus qui nous laisse un goût d’inachevé. Il serait temps de se réveiller messieurs !

Une nouvelle compilation « Vagabondage » voit le jour en 89 signant pour l’occasion l’entrée de Ange dans le monde du compact disque. Les titres proposés font la part belle aux albums antérieurs à « Guet-Apens », seule « La gare de Troyes » est sauvée du naufrage des années 80. En prime, on redécouvre les versions originales remasterisées de « Tout feu tout flamme » et surtout de « Le soleil est trop vert » qui pour beaucoup est une découverte, tout comme la version anglaise de « Par les Fils de Mandrin ».




Si la ville de Belfort n’est pas encore connue pour ses Eurockéennes balbutiantes, elle doit néanmoins sa notoriété à son maire, l’indomptable Jean-Pierre Chevènement. Vous allez me dire, « quel rapport avec la musique ? ». J’y viens. En cette année du bicentenaire de la Révolution Française Jean-Pierre Chevènement commande un projet de spectacle pour cet anniversaire. Christian Décamps imagine alors une histoire qui devient un roman, lui-même transposé en ballet par Mari-Do Haas avant de devenir tout simplement le nouvel album d’Ange ! Ainsi voit le jour « Sève qui peut » en 1989. De part l’histoire qu’il nous conte, celle d’un chêne tricentenaire témoin privilégier de cette époque lointaine qui nous en relate les péripéties, on se réjouit à l’idée qu’Ange retrouve son inspiration dans les nimbes du passé. On pense déjà à un nouvel « Emile Jacotey » ! Mais nous restons méfiants. La production des dix dernières années nous a montré que la musique du groupe avait évolué vers d’autres horizons et réentendre des compositions dignes du Ange d’antan semble illusoire et pure spéculation. C’est alors qu’à la surprise générale et contre toute attente, un miracle se produit. Un miracle chez les Anges ? Normal après tout ! Quoi de plus naturel ! Oui mais là, ça frôle l’impensable, car si  on salue le retour d’Ange, on salue surtout le retour de messieurs Jean-Michel Brezovar, Jean-Pierre Guichard et Daniel Haas, c’est à dire l’âme originelle du groupe avec en bonus un Robert Defer en prime ! Que du bonheur ! En fait « Sève qui peut » n’est que la conclusion des retrouvailles de 87 lesquelles ont été suivies d’une série de concerts, mais qu’importe. Après une brève introduction récitée par le chêne, qui viendra ponctuer chaque intertitre, « Aimer/Haïr » nous met de suite dans l’ambiance. Le son Ange est de retour ! On y retrouve les bonnes recettes d’autrefois avec malgré tout un petit quelque chose qui a changé dans la voix de Christian. Celle-ci est de plus en plus grave, mieux maîtrisée, ce qui paradoxalement n’est peut être pas la meilleure chose qu’il soit. Mais bon, on s’y fait très vite. Musicalement, on est loin des derniers albums et c’est avec bonheur qu’on retrouve ce style si particulier, mélange de modernité et de référence à leurs anciennes influences, avec quelques délicieux instrumentaux bien enlevés. « Vivre avec le cœur » convainc déjà un peu moins avec son rythme chaloupé. L’ouverture « des plaisirs faciles » bien plus rock, se démarque surtout par le texte et le chant de Christian qui tente différents registres. « L’or, l’argent et la lumière », plus classique alterne phases calmes, envolées lyriques et musicales dans le pur esprit progressif, le final rappelle d’ailleurs certains titres de Camel. « Briser la glace » quant à lui sonne à la manière de Marillion. Un joli titre à l’atmosphère confiné qui offre un bon moment de guitare. « Les amours-lumière », très aérien, est une belle chanson sans pour autant s’affirmer un titre majeur. Avec « Non !! » qui nous fait irrémédiablement penser par moment à « Incomunicado » de Marillion, se distingue principalement par les propos assez crus. « Les grands sentiments » sont sympathiques mais ne parvient pas réellement à décoller, ne serait ce la fin qui propose une mélodie qu’on aurait aimée voir durer. Le final avec « Sève qui peut » déçoit un peu. Les diverses influences déjà citées sont trop marquantes et le titre manque de fait un peu de cohésion. Bref si cet album marque le retour du Ange mythique il n’en possède cependant pas toute la sève espérée. Si la production est irréprochable, l’ensemble fait surtout la place belle au texte et au chant de Christian, pas toujours facile à suivre d’ailleurs. Musicalement, on sent que le groupe cherche à retrouver ses marques mais cherche un peu trop à vouloir suivre le mouvement progressif renaissant outre atlantique. On en ressort un peu déconcerté même si on perçoit par ailleurs les prémices que le pire est désormais derrière nous et que l’avenir risque de nous réserver de belles surprises.




Malgré ce retour inespéré, le groupe replonge en léthargie, ce qui offre à Christian l’occasion de faire ses premiers pas avec le théâtre du Nain Jaune. En 1990 il propose « Juste une ligne bleue » son deuxième album solo sous le nom de Christian Décamps et Fils, justifié par la présence de son fils Tristan aux claviers. Il part seul faire découvrir son nouveau spectacle « Mes Vers Solitaires » puis retourne au théâtre jouer dans la pièce « La Locandiera ». Francis de son coté enregistre durant la même période « Vie en positif » qui sort en 1991. Il faudra attendre 1992 pour que la même formation nous revienne avec un monument « Les Larmes du Dalaï-Lama ». Le titre générique nous fait faire un bond de 20 ans arrière ! Tout est là ! Le son, la mélodie, la construction, Ange est de retour et frappe un grand coup ! Un titre sublime, époustouflant, puissant, d’une force incroyable ! Magique ! La production est magistrale, chaque instrument claque et pulse comme jamais. « Le ballon de Billy »  déchirant à souhait s’achève en une frénésie musicale rarement égalée. Retour à plus de sérénité avec « Tout oublier » qui ne manque pas de charme même s’il n’est pas un moment majeur de l’album. La suite est une toute autre histoire. Après un début sombre et lancinant, « La bête » grandie, évolue lentement vers un climat nettement moins apaisant qui dévoile la véritable nature de la bête en question. Magistralement effrayant ! Rien à voir avec « Bonnet Rouge », dédié au commandant Cousteau qui prouve que parmi les bêtes précédemment citées demeurent des hommes dignes de ce nom. L’arabisante ouverture de « None Assistance à Personne à Tanger » ne laisse en rien prévoir la suite de ce titre tout à fait exceptionnel. Les 3 premières minutes plantent le décor dans un rock dynamique avant que le fin ne décroît en une dramaturgie hallucinante où Christian joue avec les mots de façon incomparable « Un nuage de sauterelles sulfatées d’amertume, entourloupe de parfums cirrhosés à l’arnaque » « Héroïne à cheval sur un avion-seringue, qui passe le mur du sang, et puis c’est la déveine…La sorcière des artères entame un long ballet… ». Oui Christian, « Il faut tuer la bête qui fait peur à l’amour » ! « Couleurs en Colère » dénonce le racisme avec justesse. Un ton en dessous « Les Herbes Folles » offre toutefois un bon moment de musique rock. Enfin « Les Enfants du Hasard » referme la dernière page de ce voyage angélique. Un fabuleux voyage, riche, ciselé avec minutie, en adéquation parfaite avec les meilleures productions du groupe. Une tournée triomphale passant par l’Olympia saluera comme il se doit cette « ré-union » tant attendue. Parallèlement Christian enregistre un curieux CD « Merlin et les Dragons » dans lequel sur une musique de Michel Rubini il nous raconte la légende du fameux enchanteur.







Pas grand chose à signaler jusqu’en 93 au rayon musical, si ce n’est la parution de « Décamps-Lajoie : Epicier Marchand D'Rock » de Francis Décamps. Le nouvel opus de Christian Décamps & Fils « Nu » sort quant à lui courrant 94 sur le label messin indépendant Muséa. Un album remarquable avec des titres de toute beauté comme « L'héritage », « Le chauffeur », « Ame d'homme » ou le fantastique « Pierrot, la lune a soif ! » à l’esprit très angélique qui ravira les fans. Pour avoir des nouvelles d’Ange il faudra attendre 94 et la compilation « Mémo » sortie chez Philips/Phonogram comme l’avait été « Les Larmes du Dalaï-Lama ». En plus de classiques incontournables, « Mémo » propose 4 inédits « Les vieux livres », « Carnaval » enregistrés en début de carrière mais jamais publiés,  « The night of the Devil » (version anglaise du « Soir du Diable » sortie on ne sait d’où) ainsi que « Un Jésus cloué main en calvaire véritable » initialement composé pour « Guet-Apens » mais qui par chance n’a pas été retenu sur ce dernier tant il n’en a pas l’esprit.

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Tandis que Christian Décamps & Fils publie chez Muséa en 95 le live « V'soul », ADN Music sort de son coté un double live de Ange « Un P'tit Tour et puis s'en vont » enregistré dans sa formation historique à Lille et Mulhouse les 17 et 24 mai 95. Distribué par correspondance l’album sera vite épuisé mais, heureusement, ressortira sous la forme de deux CD distincts « Rideau ! » en 95 et « A…Dieu ! » en 96. Mais qu’importe le titre, le constat est là. Ange tire un trait sur 25 ans de carrière et tourne la dernière page de son histoire mouvementée. Et c’est au Zénith de Paris, le 6 décembre 95 après une tournée de 50 dates que le groupe raccroche les gants. Malgré leur désarroi, les fans se consoleront donc avec ce live de haute facture qui prouve que le groupe tire sa révérence en pleine possession de ses moyens et non au creux de la vague. Cependant, contre toute attente, Christian Décamps crie haut et fort que si le Ange originel est dissout, Ange existe toujours bel et bien mais avec une nouvelle génération de musiciens ! Si l’histoire du groupe nous a prouvé qu’il avait su traverser les décennies en dépit des nombreux changement de personnel pour la première fois un problème de taille se pose, celui du départ de Francis Décamps ! Comment diable, Ange pourrait exister sans celui qui a construit le son Ange, sans celui qui a composé la grande majorité des titres depuis ses débuts ? Certes il reste les mots de Christian, mais la musique ? Pour répondre à cette équation impossible et rassurer les fans, l’association « Un Pied Dans La Marge » voit le jour en 96 avec pour but la promotion du Ange nouvelle génération. Parallèlement Christian étoffe le Christian Décamps & Fils avec la venu du guitariste Hassan Hajdi. Il publie également « les Mots d’Emile », un album réservé aux membres de l’association, composé de nouveaux morceaux et de versions inédites de titres déjà connus. On y découvre en prime toute l’interview d’Emile Jacotey faite en 1975.





















On imagine fort bien que trouver une maison de disque prête à investir dans un nouvel album d’Ange, avec pour seule garantie la présence de son chanteur charismatique, devait en 1996 relever de l’impossible. C’est l’époque du Grunge et le rock progressif de papa ne fait plus trop recette. Christian imagine alors une solution géniale ! Sortir un album au couleur d’Ange avec son propre groupe Christian Décamps et Fils ! C’est ainsi que sort en 97 « 3ème étoile à gauche » qui se révèle comme le meilleur album d’Ange depuis des lustres ! Accompagné de son fils Tristan aux claviers, Hassan Hajdi à la guitare, Thierry Sidhoum à la basse et Hervé Rouyer à la batterie, l’album est une parfaite réussite. Une question néanmoins subsiste. Est-ce un véritable album d’Ange ou un album de Christian Décamps et Fils ? Aussi dois-je chroniquer ou non ? « A Capella » qui ouvre le bal nous en donne une première indication. Manifestement cet album ne marche pas dans les plates bandes de Christian Décamps et Fils. Le suivant « Narcisse » est un titre de Ange pur jus ! Musicalement il aurait très bien pu dater d’il y a 20 ans ! « Le vieux sous son tilleul », plus moderne ne dément pas cette impression. Idem pour « Entre jeux », superbe avec son gimmick entêtant sublimé par les envolées d’Hassan. « Quand un oiseau se meurt » est quant à lui un poème musical plutôt orienté Christian Décamps et Fils, tout comme le rock enlevé « des Piranhas » ou de « Approximatif univers ». « Opéra cosmique » rappelle incontestablement la grande époque et s’inscrit dans un registre purement progressif avec ses sonorités proche de Camel. Un grand moment de musique. Et la suite avec ce qui deviendra un incontournable des concerts de Ange, enfonce le clou. « Quasimodo » est une pure merveille sublimée sur scène par Hassan et surtout par Tristan. Mais j’y reviendrai plus tard. On accroche un peu moins au titre suivant « Les nénuphars » mais on se délecte du « Quatuor » qui le succède. « Le sexe des Anges » se laisse écouter avec plaisir. « Que deviennent les Héros », plus posé, est une chanson délicate et fragile à déguster sans modération. « Selon Socrate et Copernic » est une explosion musicale, un foisonnement sonore époustouflant ! Un grand titre ! « Devine »  surprend mais sait rapidement nous séduire avec son piano à la Supertramp et sa guitare stridente. Mention spéciale pour « A bientôt sur la vie » avec son début tonitruant et son orgue encré en plein dans les seventies. Enfin « Coda » clôt cet album dense en reprenant le thème musicale de « A Capella ». Au final on peut considérer cette « 3ème étoile à gauche » comme un album de Ange à part entière et sans doute comme l’un des tout meilleurs du groupe. Peut-être Christian a-t-il voulu tester le nouveau groupe sous l’appellation Christian Décamps et Fils enfin de voir si il était digne de porter le fameux nom légendaire et de continuer l’aventure. En tout cas, les fans ne s’y tromperont pas et malgré une très mauvaise distribution, cet album deviendra un must incontournable.






La même année, via le fan club, sort un CD hors commerce « Plouc » qui propose une foule d’inédits ( « Flatulences » par le Duo des Nonnes est à découvrir d’urgence !) ou de versions de travail permettant d’apprécier la genèse d’un titre, en l’occurrence « Harmonie ». Toujours à destination des « imbibés » (les membres du Fan-Cub), Christian offre en cadeau en 98 « Les Poèmes de la Noiseraie » dont je ne peux malheureusement pas parler, n’en ayant jamais entendu le moindre extrait. Si j’ai ben compris, il s’agit de textes récités par Christian où la musique n’est qu’un support sonore néanmoins intimement lié. Deux compilations de Ange « Master Séries 1 & Master Séries 2 » voient également le jour la même année sans cette fois offrir le moindre inédit.







Ce n’est qu’en 99 que le « Nouvel » Ange, inaugure cette Nouvelle Génération avec « La voiture à eau ». On y retrouve bien évidemment l’ensemble des musiciens présent sur « 3ème étoile à gauche » qui deviennent donc officiellement membres à part entière du groupe. Dès le premier titre « Le rêve est à rêver » le ton est donné. Cette « voiture » là sera rock ou ne sera pas. Et le titre tient toutes ses promesses. Un son parfait, une guitare rageuse, une batterie lourde, une basse sautillante et des claviers limpides, l’harmonie est au rendez-vous. « Pshychosomagique génie » moins exubérant demeure un titre intéressant. L’instrumental « Eurekâ » s’inscrit dans la grande tradition des instrumentaux du groupe. « Bilboquet » surprend par son texte curieusement écrit mais s’avère être musicalement superbement composé. « Elle fait mes rides » est une petit chanson calme et forte, un petit joyaux comme Christian en a le secret. Deuxième instrumental avec « Eurekâ in extenso » époustouflant de bout en bout. Petit relâchement avec « L’eau qui dort » avant un « Archimède » chanté par Tristan, qui par ailleurs poussait déjà la vocalise sur « 3ème étoile à gauche », sur un fond d’orgue ténébreux que vient titiller la guitare limpide de Hassan. Un régal ! « Coma des mortels » est d’inspiration plus habituelle et « Quelquefois » déçoit un peu. Rien à voir avec « Ethnies », diablement efficace, qui explose de toutes parts. Une des grandes réussites de cet album. Jolie petite chose que « Patisonges et mentisseries », une chansonnette toute simple à la guitare, comme un petit bonbon acidulé. On passera sur les « Mémoires de Jacob Delafon » qui n’apporte pas grand chose. La longue suite « Les voleurs de clés » avec ses titres « Et Gandhi l’hindou dit tout doux », « La serrure et la clé » et « Jardin secret » est nettement plus intéressante avec son alternance de moments forts et de phases plus apaisées où le groupe explore les divers voies qu’il aime à suivre. L’album prend fin avec le titre générique, calme, comme un au revoir avant le prochain voyage à bord de cette voiture qui ne tombe nullement à l’eau. Ange est donc bel et bien de retour de la meilleure façon qu’il soit avec un album où l’on sent une osmose totale entre les différents musiciens qui, plutôt que de proposer un copier-coller des anciennes recettes, en prend le meilleur pour y joindre leur propre créativité. Pari gagné ! Dans la foulée, Christian publiera un roman portant le même titre.




Une nouvelle compilation « Talents » qui résume les 4 premiers albums du groupe voit le jour en 1999. Celle-ci n'apporte rien de particulier et reste de ce fait largement dispensable.

En revanche, un luxueux coffret de 3 CD « ad libitum » accompagnés d’un livret largement illustré, marquera la passage d’Ange à l’an 2000. Bien plus qu’une compilation de plus, l’objet propose un nombre conséquent de versions inédites qui fera les bonheur des imbibés et autres collectionneurs. Pendant ce temps, le groupe parcourt la France de long en large pour une série de concerts qui attirent toujours un public aussi nombreux. Le double live « Rêves Parties » sera le témoin de ce succès immortel qui se poursuit depuis 30 ans ! Un double qui fait la part belle à « La voiture à eau » ainsi qu'à « 3ème étoile à gauche » ce qui prouve bien que cette étoile là était réellement un album d'Ange à par entière.





Cependant une question reste en suspend. Malgré la qualité des derniers opus, peut-on raisonnablement imaginer que Ange, en cette année 2001, soit capable de frapper un grand coup avec un album majeur, soit capable de nous surprendre encore, soit capable de ne pas sombrer dans une certaine facilité ? La réponse nous est donnée avec l’incroyable « Culinaire lingus ». Bien plus qu’un simple album de plus, cette ode aux treize pêchés capitaux est une véritable révolution pour le groupe. Même si Ange nous a souvent prouvé qu’il pouvait se remettre en question, pas toujours avec brio, personne n’avait imaginé qu’il serait capable d’aller aussi loin dans l’imprévu et l’innovation. Première surprise de taille, le groupe compte un membre de plus. Dorénavant ce sont six personnes qui composent Ange et cette sixième personne n’est autre… qu’une chanteuse ! Comme quoi le rock progressif n’est pas qu’une histoire de mecs ! Passées les premiers doutes, on réalise bien vite que la présence d’une femme, Caroline Crosat, n’est en aucun point incongrue et que la dame à toute sa place. Comment diantre Christian n’y a pas pensé avant ? Seconde surprise, la présence à la production de Steven Wilson, le magicien du groupe Porcupine Tree, sans doute le plus aventureux des groupes progs actuels, qui marque de son sceau l’angoissant ténébreux et non moins sublime « Jusqu’où iront-ils » véritable déferlement de fer et de feu. Avec « Cueillir les fruits du sérail » commence ce long voyage initiatique au pays des délices charnels, tout doucement, petit à petit comme une longue montée du plaisir. La coquine « Adrénaline » avec sa couleur folk accentuée par le violon et la cornemuse de Gilles Pequinot explore d’avantage le sujet. A contre courrant des titres précités « Farces & attrapes » aux faux airs des années folles ressemble à une curieuse récréation pleine d’humour avant le déferlante qu’est « Culinaire Lingus ».  Sur un rythme infernal, Christian s’en donne à cœur joie avec ses jeux de mots décapants. Et il en rajoute, encore et encore, jusqu’à l’overdose dans un foisonnement de délires érotico-gastronomique de haut vol ! Un titre incroyable qui sonne comme une évidence tant la gouaille de Christian est ciselée aux petits oignons. Un must où l’on découvre pour la première fois l’organe femelle du groupe ! Une véritable tuerie vocale en jouissance majeure superbement illustrée par une musique parfaite en tout point ! Oufffff ! Quelle claque ! Retour au calme, mais toujours aussi subversif, avec le délicieux et planant « Les odeurs de cousine » et son final de toute beauté où la batterie d’Hervé nous transcende au milieu des claviers de Tristan digne de Vangelis. Et Tristan nous revient en solo (ou presque) pour ce qui est à mon sens, l’une des plus belles chansons de Ange. Un pur bijou, profond, délicat, frisson garanti ! Cet « Intérieur nuit » est une perle, un joyau d’émotion. Rien à voir avec la bombe qu’est « Univers & Nirvana » chantée par Hassan. Un titre rock, puissant, où les guitares écrasent tout sur leur passage. A noter que Christian ne joue pas sur ce titre, sans doute pour mieux se préparer à l’orgie qui va suivre. Et l’orgie en question est de taille ! Avec « Gargantua », Christian rend hommage au plus épicurien de nos écrivains, Rabelais ! Et c’est un véritable régal, un mets succulent cuisiné avec finesse à la sauce rock. Grand ! C’est avec un étonnant rythme techno que débute une autre incroyable pièce majeure de cet album « On sexe » ! Aucun besoin d’être plus explicite, le titre parle de lui-même ! Et là, on en prend plein les oreilles ! Musicalement c’est une explosion de guitares criardes, puissantes comme jamais… Quant au texte, scandé par Christian et Caroline, ben c’est du 100% sexe, écrit avec dextérité, jamais vulgaire mais ô combien explicite ! Incontournable et superbe ! On en ressort tout retourné ! Retour à de plus calmes rivages avec « Cadavre exquis » qui retrouve la patte de Steven Wilson. Christian, Caroline puis Tristan se succèdent au chant dans ce titre qui va crescendo comme un boléro vers un feu d’artifice entêtant. Magique et… exquis ! Dernière surprise, de taille, l’album offre en bonus, un instrumental de 11,30 minutes bâti « Autour d’un cadavre exquis » où se succèdent huit guitaristes invités pour l’occasion parmi lesquels Claude Demet, Dan Ar Bras, Norbert Krief (le Nono de Trust), Serge Cuenot, Paul Personne, Jean-Pascal Boffo et le grand Jan Akkerman himself ! Un seul regret, l’absence de Steven Wilson et de sa guitare. Il aurait pu faire un effort merde !! Bref au final, un album de haut vol, remarquable à tout point de vue, qui prouve que Ange sans renier ses origines sait parfaitement nous surprendre et concocter des albums lumineux bien dans son époque. A découvrir d’urgence !



Est-ce la nostalgie qui a frappé, l’approche des 60 ans de Christian, allez savoir… Toujours est-il qu’en 2002 Ange revient sous sa forme originale pour un nouveau live. Ne vous y trompez pas, il ne s’agit aucunement d’une nouvelle réunion d’anciens combattants. Ce « Tome 87  » est en fait un concert enregistré au Zénith de Paris le 25 octobre 87 par le Ange « canal » historique ! Uniquement composé de titres antérieur à « Guet-apens », ce « Tome 87 » prouve que si en 87 Ange souffrait d’un manque de créativité musicale, il n‘en était pas moins un groupe de scène de tout premier plan, puissant et généreux ! Toujours au rayon nostalgie, 2003 salue la réédition chez Muséa de la version anglaise de « Par les fils de Mandrin » et de « Par les fils de Mandrin – Millésimé 1977 », un live de 77 donc, qui reprend l’intégralité de l’album mythique avec deux titres en bonus « Exode » et surtout pour la première fois en live « Le Vieux De La Montagne ».




Il faudra attendre 2004 pour recevoir des nouvelles fraîches du patriarche avec la sortie du nouvel album de Christian Décamps & Fils « Murmures » et 2005 pour découvrir le successeur de « Culinaire lingus ». Inutile de préciser que l’imbibé moyen attend beaucoup de cet album qui se doit d’être sinon meilleur au moins aussi bon que son prédécesseur. Curieusement ce nouvel opus n’a pas de titre, ou plutôt il a le titre qu’on veut bien lui donner ! La pochette arbore un simple point d’interrogation et en lieu et place du titre de l’album il y a un cadre vide avec en dessous l’inscription « n’importe lequel de préférence » ! En plus de cette curiosité, le groupe à encore une fois changé de personnel avec l’arrivé à la batterie de Benoît Cazzulini. Tout débute avec le très électronique « Couteau suisse » et sa musique étrange, froid et envoûtante. Puis « Ricochet » chanté par Tristan, vient délicieusement nous emporter avec son atmosphère calme et planante. Retour aux sonorités bizarres avec le début de « Histoires d’outre rêve » qui rappelle néanmoins « Le cimetière des Arlequins » avant de bifurquer vers un rock-prog plus classique de plus de 9 minutes avec son pont musical irréprochable et ses superbes envolés lyriques. « J’aurais aimé ne pas t’aimer » sonne du coup un peu fade malgré une basse au groove impressionnant. Caroline rejoint Christian sur « Cœur à corps » un étonnant titre qui mélange piano jazzy, bruitages technos, refrain survitaminé et rythme tribal ! Un véritable melting-pot d’influences diverses et variées ! Bien plus apaisées sont « Les eaux du Gange » où se mêlent sonorités ethniques (ahhh le son du didjeriddoo !) et brouillard de claviers bien tempérés. Tout le contraire de « Naufragé du Zoodiaque (inclus « Thème astral) » avec Hassan à la composition et au lead vocal, qui n’est pas sans rappeler Porcupine Tree, toutes guitares en avant donc au final somptueux où Benoît exprime tout son talent. Caroline revient en formation réduite pour « Entre foutre et foot », un texte très sexe assez bien vu, même si on se demande ce que ce titre vient faire là, tant il dénote de l’ensemble. On écoute avec plaisir les « Ombres chinoises » et on se laisse séduire « Sous hypnose » même si ces deux derniers sont un ton en dessous du reste de l’album. On prend alors un « Passeport pour nulle part (reflux d’aubes tempérées) »  à la construction alambiquée où le groupe ose des mélanges tout à fait étonnants comme l’apport d’un trombone à coulisse du plus bel effet. Surprenant et hypnotique ! Tout aussi curieux est « Quand est-ce qu’on viendra d’ailleurs » avec son gimmick électronique que vient appuyer une guitare acoustique avant de partir vers une base funky où se greffent des nappes de synthé estampillées Ange des grands jours. « Jazzouillis » clôt cette aventure langoureusement. Moins rentre dedans que « Culinaires Lingus », « ? » marie les genres les plus divers, rock, prog et même jazz tout en gardant sa propre personnalité. Un album moins immédiat que le précédent mais qui dévoile toutes ses beautés et sa finesse avec le temps comme un bon vin. Ange ne cesse d’explorer, de nous prendre à rebrousse poil pour mieux nous séduire. Une belle réussite.



La tournée qui suit est prétexte à un double album live « Le tour de la question » composé d’un CD et d’un DVD. C’est l’occasion pour ceux qui n’ont pas eu la chance de voir le groupe de découvrir les titres mythiques revisités par les petits jeunes. Tout commence par « Aujourd’hui c’est le fête chez l’apprenti sorcier » qui retrouve une deuxième jeunesse. « Vu d’un chien » subit le même sort après « Le couteau suisse » où Caroline s’en donne à cœur joie et « Histoire d’Outre rêve ». C’est au tour de « Si j’étais le messie » véritable prêche impressionnant de puissance ! Les arrangements de « Jour après jour » surprennent puis séduisent avant un « Entre foutre et foot » scandé par une Caroline bien en verve, un délice ! Seul, Tristan dépoussière « Harmonie » de ses accents eighties et le transcende avec classe et profondeur. « Le cœur à corps » est prétexte à une joute verbale jouissive entre Christian et Caroline. Ressorti du fond de la cave aux souvenirs, « Le Chien , la poubelle et la Rose » est l’occasion pour chaque musicien d’exprimer son talent et c’est un véritable plaisir de redécouvrir ce titre uniquement entendu sur « Tome VI », il y a… 30 ans ! Le lifting orchestré par la jeune génération est de toute beauté ! Hassan y est magistral, Tristan impeccable, Benoît impressionnant et Thierry étourdissant. Le CD se termine par une version a capella de « Ces Gens là » qui rapidement s’envole vers des sommets de puissance rock époustouflante. Le DVD nous gratifie en plus de « Caricatures », « Ricochet », « Le Ballon de Billy », « Jazzouillis », « Fils de Lumière » et surtout le démentiel « Quasimodo » véritable combat rock entre Hassan et Tristan et le grand très grand « Capitaine Cœur de Miel » qui confirme, s’il en était besoin, que Ange est toujours Ange et qu’on peut compter sur la nouvelle génération d’angelots aussi généreuse et efficace que leurs ancêtres.

Toujours du côté DVD, le groupe nous propose un « Par les fils de Mandrin - revisité » qui outre les titres de l’album historique contient de belles surprises comme « Le bal des Laze » interprété d’une façon exceptionnelle par Tristan ou encore une relique « Docteur man » qui n’a pas prit une ride. Enregistré en 2003, ce DVD fait la part belle à « Culinaire Lingus » mais revisite également les années 80-90 avec « Touchez pas à mon ciné » ou « Les grand espaces bleus ».

Grande année décidément que 2007 qui voit également la parution du live « Zénith An II » et du tout dernier bébé du groupe « Souffleur de Vers ». Le premier est la quasi intégralité du concert donné au Zénith de Paris le 13 octobre 2002. Quasi-intégralité car, ce soir là, le concert avait duré pas moins de 3h30 ! L’intérêt majeur de cet album est la présence d’invités de marque comme Claude Demet sur « Virgule », Daniel Haas et Guénolé Biger pour un retour aux sources avec « Ode à Emile », « Sur la trace des fées » et « Au-delà du délire ». Petite faute goût sur « Shéhérazade » où l’on est surpris d’entendre… Francis Lalanne !!!! Enfin bon tout se termine de la meilleure façon qu’il soit « Autour d’un cadavre exquis » prétexte à la réunion de talentueux guitaristes comme Claude Demet, Norbert Krief, Serge Cuenot et Jean-Pascal Boffo qui viennent se confronter aux cordes acérées de Hassan. Un grand moment !



« Souffleur de vers » est donc la toute dernière livraison du groupe à ce jour. Les hostilités débutent avec « Tous les boomerangs du monde », un rock bien carré qui malheureusement souffre d’un son quelque peu brouillon. Un titre aux propos très « actualité » qui manque tout de même d’un peu de consistance au niveau du texte, dommage. Plus poétique se veut « Les écluses », calme et tranquille, une jolie chanson délicate pleine de questions existentielles. Un bruitage électro sonne les premières mesures de « Dieu est un escroc » qui puise son sujet là aussi dans l’actualité. Un morceau puissant tant au niveau du texte que de la musique où la guitare assure un train d’enfer où la basse ronronne comme un gros diesel. Les voix de Caroline, Christian et Tristan trouve un bel équilibre et les musiciens s’en donnent à cœur joie sans pour autant sombrer dans le démonstratif dans ce long titre de plus de 8 minutes. Une fois encore Tristan fait preuve d’une maîtrise vocale insolente sur le mélancolique et sublime « Nouvelles des étoiles ». Petit « Interlude » poétique pour Christian toujours bien dans l’air du temps et politiquement incorrect ! Une question fondamentale est posée avec « Où vont les escargots » prétexte à une foultitude de jeux de mots sur une musique plutôt légère. Bien plus sensuelle est la  coquine et libertine Caroline avec « La Femme coupée en deux ». Chaud et sublime ! Le final est des plus grandioses ! Retour au rock avec « Les beaux restes » où Christian et Tristan se partagent les vocaux pour un titre fort et sombre tout en violence contenue. Caroline revient alors pour l’avant propos de « Souffleur de vers (synopsis) » qui plante le décor du titre éponyme. Un long monologue explicatif sur ce qui suit, « Souffleur de vers (le film) ». Composé comme un opéra en plusieurs actes « Souffleur de vers (le film) » est un long titre épique de plus de 16 minutes qui alterne envolés symphoniques, moments plus calmes et petits instants de grâce. « Souffleur de vers (le film) » fait bien entendu la part belle au texte qui, à mon sens, aurait mérité d’avantage de poésie. Musicalement le titre puise dans tous les registres et rappelle les grandes compositions du passé tout en conservant une modernité certaine. Le jeu d’Hassan fait toujours autant pensé à celui d’Andrew Latimer de Camel. Les claviers sont somptueux (Tristan a composé la musique) quant à la batterie et la basse, elles assument avec justesse et brio leurs parties, dévoilant la puissance de la base rythmique du groupe. Caroline se fait même cantatrice dans le deuxième tiers du titre poussant la vocalise avec force et gravité. Un peu à contre courrant de ce titre fleuve, le délicat « Journal intime »  referme ce livre d’histoire. Sans doute aurait-il mieux fallu le caser en milieu d’album, tant il paraît arriver en bout de course. Au final « Souffleur de vers » n’est sans doute pas l’album le plus facilement accessible du nouvel Ange, il peut même déconcerter par moment, mais propose néanmoins une belle collection de titres pertinents où les musiciens font un véritable travail de groupe, dans le sens où aucun ne tire la couverture à lui. Hassan y est moins démonstratif qu’à l’accoutumé. Les claviers de Tristan bien fondus dans l’ensemble, la basse de Thierry toujours aussi groove voire funky mais tout en subtilité discrète, la batterie de Benoît distille ses toms et ses cymbales avec une assise certaine. Restent la gouaille de Christian, impériale, et la voix de Caroline à la fois sensuelle et puissante. Enfin j’invite tous ceux qui auraient encore des doutes quant l’efficacité du groupe, d’aller sans tarder, comme je l’ai fait ce 23 novembre 2007 à « L’autre Canal » à Nancy, voir la tournée « Souffleur de vers ». Le nouveau show est toujours aussi puissant et réserve de bien belles surprises.



Je ne saurais clore cette histoire du plus grand et du plus vieux groupe de rock français sans mentionner une personne, fidèle parmi les fidèles, qui a façonné « l’image » du groupe. Cette personne c’est Phil Umbdenstock qui a illustré la majorité des pochettes du groupe depuis 75 jusqu’au riche livret de « Souffleur de vers ». Un grand merci à ce monsieur pour la qualité de ses dessins. Enfin, chaque année, à l’attention des imbibés membres du fan club « Un pied dans la marge » est proposé un CD, comme « Plouc » , « Les Poèmes de la Noiseraie » ou encore « les Mots d’Emile ». Ainsi ont été publiés « Grands Crus » en 98, « Instantanés » en 2000, « Brocantes » en 2002, « En vrac » (2003), « Bonus » (2004) et « Colla(n)ges » en 2005 ou encore « Pêle-mêle ».

Les collectors d'Un Pied Dans La Marge

« Brocantes » (Hors commerce)
« Grands Crus » (Hors commerce) « Instantanés » (Hors commerce) « les Mots d’Emile » (Hors commerce)

« Plouc » (Hors commerce) « En Vrac » (Hors commerce) « Pêle-mêle » (Hors commerce) « Bonus » (Hors commerce)



Les albums de Christian Décamps et Fils


« Le mal d'Adam » Christian  Décamps & Fils « Juste une ligne bleue » Christian  Décamps & Fils « Nu » Christian  Décamps & Fils
« Les Poèmes de la Noiseraie » Christian  Décamps & Fils
(Hors commerce)
« V'soul V'soul V'soul » Christian  Décamps & Fils « Murmures » Christian  Décamps & Fils





Christian Décamps, Tristan Décamps, Francis Décamps, Jean-Michel Brézovar, Daniel Hass et autres




« Merlin et les dragons » C.Décamps « Colla(n)ge » (Collectif) (Hors commerce) « Le jouet » T.Décamps





« Histoire de Fou » F.Décamps « Vie en positif » F.Décamps « Hommage à Roger Comte » F.Décamps « A vous mes voyageurs » F.Décamps




« Décamps la Joie - Epicier marchand d'Rock » F.Décamps « Rue du Salbert... » J.M Brezovar
« Couleurs du temps » D.Haas


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So Sad 10/02/2008 21h57

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