Vu d'un Ange

La préhistoire du
groupe se situe à l’aube des
années 70.
A cette époque les frères
Décamps, Christian et Francis jouent respectivement dans «
Les Anges »
pour le premier et « Evolution
» pour le
second. C’est le temps des bals où ils se produisent du
côté de Belfort et de sa région. Courrant 65 Les
Anges sortent un 45 tours 4 titres aux éditions
Pyral « Qu'y
a-til de plus beau?/Donne-moi ta raison/tais-toi/Je suis ton ami ».
Il faut bien avouer que cet enregistrement, devenu introuvable mais
dont on peut entendre deux titres sur l'album « En vrac »,
ne présage en rien ce que Ange
deviendra par la suite.
En 1969, les deux
frères décident d’associer leur passion commune et de
réunir les deux formations. Ange est alors composé de
Christian (Chant, Guitare, Claviers), Francis (Claviers, Mellotron),
Gérard Jelsch (Batterie, Percussions), Patrick Kachanian (Basse,
Flûte) et Jean-Claude Rio ( guitare rythmique). Sous l’impulsion
de Christian, ils créent « la Fantastique
Epopée du
Général Machin », un opéra-rock de
plus de
trois heures, une première dans l’histoire du rock
français ! Avec cette épopée satirique, ils
signent là le premier véritable concert du groupe le 31
janvier 1970 à Belfort. Déjà Ange fait preuve d’un
style innovant et radicalement différent des groupes français de l’époque,
assez proche des groupes
anglo-saxons alors naissants. Cette même année, le 5 avril
précisément, ils se produisent au Golf Drouot à
Paris qu’ils marquent de leur empreinte indélébile allant
jusqu’à remporter la finale annuelle.
Remarqué par
Philips le groupe sort rapidement son premier 45 tours « Cauchemar / Israël
» puis les singles « Tout
feu tout
flamme / Docteur Man » et « Le Soleil est Trop Vert / Le
Vieux de la Montagne ». Entre temps le line-up a
changé.
La guitare est revenue à Jean-Michel Brézovar et Daniel
Haas a pris en charge la basse.
Avec l’arrivée de ces deux
musiciens, le Ange
légendaire est enfin né. L’histoire
est en marche.
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 Le
premier album du
groupe « Caricatures
» sort le 7 juin 1972 et celui-ci est
loin de passer inaperçu, bien au contraire. A mille lieux de la
production phonographique du moment, « Caricatures
» s’en
démarque de façon radicale, proposant six titres en
totale rupture avec la variété française d’alors.
L’album débute avec « Biafra
80 », un instrumental
surprenant qui assoie une fois pour toute le son si particulier du
groupe. Un son que l’on doit notamment à l’orgue «
bricolé » de Francis qui sonnera désormais comme la
marque de fabrique du groupe. « Tels
Quels » étonne
tout autant avec son mélange de phases explosives et de passages
plus calme. Mais ce qui frappe d’amblé, ce sont les mots
scandés par Christian. Des mots qui claquent, qui
dérangent, qui explorent des territoires jusqu’alors
inexploités. Si Christian revendique des influences allant de Brassens à Brel, il ose des textes
particulièrement
surprenants, bizarre et pas toujours très explicites. Les titres
« Dignité
» et « Caricatures
» enfoncent
d’ailleurs le clou à tel point que Philips trouve bon de se
prémunir de tous procès en indiquant sur la pochette que
« Les textes n’engagent que leurs auteurs » !!! « Dignité
» est une critique acerbe sur les mœurs
légères des grands de ce monde transposées dans un
passé moyenâgeux. Musicalement le groupe y dévoile
toutes ses prétentions musicales et présente de fort
belle manière son rock – qu’on nommera plus tard – progressif.
De longs passages musicaux dessinent différentes
atmosphères où chaque musicien peut exprimer pleinement
son talent. « Le soir du diable
» est de facture plus
classique et pourrait passer pour une gentille chanson à la
jolie mélodie. Mais ce serait sans écouter les paroles
pour le moins surréalistes ! « Caricatures »
débute par un long monologue déconcertant
complètement halluciné ! Du jamais entendu auparavant !
Le morceau se poursuit par une fresque musicale subtile comparable aux
expérimentations d’un King
Crimson ou d’un Genesis
avant de
finir de la même façon qu’il a débuté mais
de façon chantée cette fois. L’album prend fin avec la
reprise de « Biafra 80 ».
Rétrospectivement ce
premier essai est une belle réussite qui n’offre aucun
compromis. Un album brut, un ovni musical qui, s’il souffre de quelques
erreurs de jeunesse, reste un monument dans le microcosme du rock
français. Durant trois mois le groupe se produira un peu partout
en France, assurant même la première partie du «
Johnny Hallyday Circus » !!!!
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Il profite alors de
la scène pour rôder son prochain album « le
Cimetière des Arlequins » qui sort en 1973.
Une
tournée qui mènera le groupe jusqu’en Angleterre
où il se fera remarquer au festival de Reading aux
côtés de Genesis.
Avec « Le Cimetière des
Arlequins » le groupe semble avoir gagné en
maturité. Les titres sont plus aboutis, plus construits moins
dispersés. Première surprise, l’album débute par
une magistrale reprise de Jacques Brel,
« Ces Gens Là
». La chanson de Brel
est sublimée par la musique du
groupe et le timbre si particulier de Christian qui ne renie en rien
l’original. Au contraire. Si beaucoup d’artistes ont souvent
tenté d’interpréter Brel,
peut y sont parvenus sans
paraître de sombres clones. Ange
réalise ce tour de force
de s’approprier le titre sans l’abîmer et sans singer son
créateur. Un hommage superbe devenu un incontournable du groupe.
« Aujourd'hui c'est la
Fête chez l'Apprenti sorcier »
débute la longue série de titres qu’on pourrait qualifier
aujourd’hui de Fantasy. L’une des particularités des morceaux de
Ange est de mettre
en musique des histoires fantastiques, des contes
imaginaires. « Le
Cimetière des Arlequins » est donc
un voyage où le mysticisme est omniprésent. Sans
être un concept album, on se promène dans l’imaginaire du
groupe au travers de titres aussi différents que « Bivouac
», « L'Espionne Lesbienne
», « De Temps en
Temps » ou « La
Route aux Cyprès » où
le groupe explore les différentes voies qu’il poursuivra par la
suite, entre moments très rocks « Aujourd'hui c'est la
Fête chez l'Apprenti sorcier »,
expérimentation
sonores « Bivouac
» et douces ballades « La
Route aux
Cyprès ». Enfin le titre éponyme clôt
l’album
d’une façon incroyable. Sombre et angoissant, « le
Cimetière des Arlequins » va crescendo vers les bas
fonds
d’un monde obscur. Une pure réussite ! L’album, plusieurs fois
disque d’or marquera à tout jamais la carrière du groupe.
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Plus de 2000
spectateurs viendront applaudir le groupe le 10 janvier 74 à la
Mutualité qui propose alors son prochain album « Au-delà
du Délire », premier concept-album du
groupe. Même si le concept en question reste assez obscur, il
nous compte néanmoins l’histoire de Godevin le Vilain quelque
part dans un passé moyenâgeux. D’ailleurs le premier titre
du nom du « héros » débute par un duo
clavecin-violon qui tranche avec les albums passés même si
rapidement on en retrouve les mêmes ingrédients. Le son
moins étouffé, explose littéralement. Plus
cristallin, plus épuré, il gagne en force et
limpidité. La guitare de Brézovar y est magique, la basse
de Haas est à tomber, je jeux de batterie de Jelsch explosive,
les claviers de Francis lumineux et la voix de Christian toujours mieux
maîtrisée. « Les
longues nuits D’Isaac »
débutent par une guitare rugueuse avant de devenir
aérienne pour finir en un véritable déchirement
musical. « Si j’étais
le Messie » est un texte
irrévérencieux comme les aime Christian,
mi-chanté, mi-parlé, simplement illustré par de
petites touches de musique éparses qui se terminent en une
puissante orgie musicale. « Ballade
pour une orgie » avec
ses faux airs de légèreté est, une fois encore, un
texte très tendancieux à la manière de « Dignité
». Succulent ! Le chevaleresque « Exode
» après un premier pont musical paraît une autre
jolie balade joyeuse avant que le dernier tiers ne se
révèle un superbe moment de pure musique amené par
la guitare tonitruante de Brézovar. C’est avec un orgue de
barbarie que s’ouvre « La
Bataille du sucre ». Un titre
épique, sorte de tournant de l’album, où chacun des
membres interprète un personnage de l’histoire qui nous est
contée. Là encore le final laisse place à une
guitare déchirante. « Fils
de lumière » est
construit comme une succession d’envolées musicales
ponctuée de deux couplets assez courts. Chaque envolée
montant graduellement en intensité jusqu’au final grandiose qui
s’achève en fondu sur « Au-delà
du délire
» sorte de pièce théâtrale pour
ménestrels où s’invitent toutes une ménagerie
fantastique qui laisse place à un long délire musical
avant de revenir clore cette magnifique épopée. Ange est
alors à son apogée et s’impose logiquement comme le
meilleur groupe français. 12 000 personnes viendront assister
à cette orgie sonore au Pavillon de Paris ! 12 000 !!!!!

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C’est un humble
maréchal-ferrant de Franche-Compté qui sera à
l’origine du nouvel album d’Ange
en 1975, Emile Jacotey. Compteur
né, le vieil homme fascine Christian avec ses récit
féeriques. Il n‘en faut pas plus pour que Christian prenne se
plume pour écrire « Bêle,
Bêle Petite
Chèvre » ou « Sur la Trace des Fées
», qui ouvrent l’album. Ces titres sont tout simplement sublimes
de simplicité et de beauté. « Le Nain de Stanislas
» qui conte l’histoire de Nicolas Ferry, bouffon du roi
Stanislas, surprend un peu plus de part sa trame moins classique et
plus homérique. « Jour
après jour » est une
nouvelle balade subtile et délicate où l’on entend la
voix du vieil Emile nous dévoiler ses souvenirs avant que le
groupe ne lui fasse un hommage dans « Ode à Emile ».
« Ego et Deus »
plus enlevé que le reste de l’album,
sonne un peu froid, presque glacial. « J’irai dormir plus loin
que ton sommeil » au rythme saccadé est un grand
cri
d’amour saupoudré par la guitare de Brézovar. « Aurélia
» plus aérien est une superbe chanson
d’amour, douce, claire, sublime… Grand moment que celui « Des
Noces ». Ecrit à la façon d’un « Ces Gens
Là », c’est une peinture d’une simple scène
de
noces. Chacun a vécu ça. Tout le monde s’y retrouve. Les
images choisies par Christian sont criantes de vérité. Un
grand moment, comme un vieil album photos qu’on se remémorerait
avec émotion. « Le
marchand de planètes »
(clin d’œil au Petit Prince ?) semble un peu hors de propos et arrive
un peu comme un cheveux sur la soupe mais reste néanmoins un
titre agréable. Plus intimiste que les précédents,
plus touchant aussi par la présence de son instigateur
involontaire et par le fait qu’il puise sa substance dans l’histoire
quotidienne, « Emile
Jacotey »
est un album qui met en
avant les mots de Christian et qui met un peu de côté les
grandes fresques instrumentales dont on était habitué.
Les morceaux ne manquent cependant pas moins de musicalité, bien
au contraire. Les mélodies sont ciselées et
l’interprétation irréprochable. Elles accompagnent en
fait d’avantage les textes plutôt qu’elles ne les illustrent et
le résultat et de toute beauté. Une véritable
collection de légendes où l’on croise ça et
là la féerie de Tolkien
et où l’on entend pour la
première fois Guénolé Biger en lieu et place de
Gérard Jelsch à la batterie. L’album sera, une fois
encore, disque d’or.

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Mais Guénolé ne fera qu’un bref séjour au sein
d’Ange. Pour le nouvel album de
1976, « Par
les Fils de Mandrin
» il est remplacé par Jean-Pierre Guichard. Ce changement
de personnel n’affecte en rien la créativité du groupe,
bien au contraire. « Par les Fils de Mandrin » est une
nouvelle fois une réussite totale et sans doute l’album le plus
abouti jusqu’alors. Ecrit autours de l’histoire d’une bande de voleurs
à la recherche du bonheur dans leur roulotte à travers un
monde une nouvelle fois imaginaire et magique « Par les Fils de
Mandrin » est construit un peu comme « Au-delà du
délire », c’est à dire une face plutôt
dédiée au récit et l’autre plus musicale. Bien que
l’album débute sur un riff plutôt rock avec le titre qui
donne le nom à l’album, la suite est plus intime. « Au
café du Colibri », « Ainsi s’en ira la pluie
», « Autour du feu
», « Saltimbanques
»
se succèdent comme autant de petites chansons délicates
subtilement composées, comme un moment de fragilité avant
l’explosion finale. Celle-ci n’arrive qu’en deuxième partie avec
« Des yeux couleur d’enfants
» que vient ponctuer
l’aquatique « Atlantis
» avant le moment de grâce
qu’est « l’hymne à la
vie », l’un des meilleurs
titres du groupe. La couleur générale de l’album
s’oriente vers un rock moins médiéval que les
précédents, délaissant notamment les
sonorités d’orgue, sans les renier complètement pour
autant, privilégiant la guitare acoustique et l’emploi de
« sons » hétéroclites pour illustrer chaque
ambiance : un feu qui crépite, la pluie qui tombe, des bruits de
bistrot… Disque d’or récompensé par le prix de
l’Académie Charles Cros, « Par les Fils de Mandrin
»
présente le groupe au sommet de son art. Cet album fera, de
plus, l’objet d’une curiosité. Afin d’attaquer la marché
outre Manche, Ange enregistre
« By the
Sons of Mandrin »
mais le résultat est peu probant et prouve que la musique de Ange est
typiquement française et ne prend sa mesure qu’avec des
textes en français. Ce disque, devenu une rareté, a
récemment été réédité par le
label Muséa.

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L’énorme tournée qui
suit, 10.000 personnes le 12 mai 1977 à Lyon, le Palais des
Sports de Versailles complet, est prétexte à
l’enregistrement d’un premier double album live « Tome
VI ». C’est également l’occasion pour moi
d’ouvrir une
parenthèse concernant l’un des points forts du groupe, la scène ! Si la
musique d’Ange résonne
de bien belle manière sur disque,
en concert elle est tout simplement magnifiée. Assister à
un concert de Ange, est comme assister à une
grand-messe, une véritable communion entre le groupe et le
public. Si Christian Décamps en est le maître de
cérémonie incontesté, véritable
caméléon s’habillant des divers personnages qu’il incarne
sur scène, les autres membres n’en sont pas pour autant de
simples exécutants. La palme de la présence
scénique revenant, sans aucun doute possible, à Francis
Décamps qui apporte au show une folie incomparable. Sans sombrer
dans le grandiloquent, c’est avec trois bouts de ficelle que le groupe
transforme la scène en un théâtre musical ou chacun
tient son rôle à la perfection. Sans prétention,
sans frime ostentatoire, le groupe exprime tout son talent, faisant
jouer le public comme personne, n’hésitant pas à explorer
leurs compositions au-delà des limites du possible pour le plus
grand bonheur de tous. Ce live de 77 apporte donc son lot de titres
incontournables « Fils de
Lumière », « Les
Longues Nuits d'Isaac », « Ballade pour une Orgie »,
« Ode à Emile
», « Dignité
»,
« Sur la Trace des Fées
», « Hymne à la
Vie » ou encore le superbe « Ces Gens-Là ».
Autant de morceaux devenus des classiques
toujours joués 30 ans après ! En bonus, le seul titre
chanté par Francis Décamps, l’inédit et
génial « Le Chien, la
Poubelle et la Rose » qui
mérite à lui seul qu’on se procure ce CD. La même
année sort la compilation « Réimpression
»
à l’occasion du 100ème anniversaire de l’invention du
disque. On y retrouve « Tout
Feu Tout Flamme » et « Le Vieux de la Montagne
» jusque là uniquement
pressés en 45 tours et devenus introuvables. Ces deux
seuls titres justifiaient à
l’époque l’achat de cette compilation jamais
rééditée depuis. Parallèlement sort, contre
l’avis du groupe un autre live sobrement
intitulé « En Concert 1970-71
». Il s’agit en fait
d’enregistrements datant des premiers concerts d’Ange avec Patrick
Kachanian et Jean-Claude Rio où l’on peut découvrir des
extraits de « La Fantastique Epopée du
Général Machin
». Le son quasi
inaudible et la production inexistante de cet album font plus penser
à un bootleg, bien que nombre de bootlegs possèdent un
meilleur son, qu’à un véritable album. Mais qu’importe, celui-ci ne manque pas d’intérêt,
ne serait-ce qu’historique, et se révèle comme le
témoignage incontournable d’une époque que beaucoup de
fans n’ont jamais connue. Les titres sont tous des inédits
« Zup », « Atome
», « Opus 69 »,
« Général Machin », « Assis sur
l'Univers », « Professeur Flouze », « Messaline
», « Cauchemar » et « Prophétie ».
Ils ne seront jamais réenregistrés par la suite.
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Cependant,
malgré le succès, tout n‘est pas au beau fixe dans le
ciel angevin et son horizon commence à s’assombrir. Deux des
membres, et pas des moindres, Brezovar et Haas, influencés par
quelques mauvais conseilleurs, décident de quitter le groupe.
Nul doute que Ange aura du mal
à s’en remettre et rares sont
ceux qui auraient misé un kopeck quant à l’avenir du
groupe. Mais il en faut plus pour abattre la fratrie Décamps qui
décide, malgré l’avènement du punk et les
mauvaises langues, de poursuivre l’aventure. Arrivent alors Claude
Demet à la guitare et Mick Piellard à la basse pour
signer le nouvel album du groupe « Guet-Apens »
qui sort en
1978. Comme souvent, lorsqu’il est enfanté dans la douleur,
l’album s’affirme de suite comme un chef d’œuvre absolu ! Mieux
même, la musique du groupe, sans renier ce qu’elle a toujours
été, prend une dimension toute nouvelle, gagne en
profondeur. Autre révolution, et pas des moindres, les textes
tranchent radicalement avec les thèmes habituels. Exit les
références médiévales, les histoires du
temps jadis, « Guet-Apen
» se veut plus moderne, plus rock
et plus froid. C’est d’ailleurs l’album le plus glacial que le groupe
ait composé. « A
Colin-Maillard » ouvre le bal
avec une première phase tout en douceur engourdie avant de
s’achever sur un rythme bien plus dynamique. « Dans les Poches du
Berger », « Un
Trou dans la Case » et « Virgule » s’enchaînent
de bien belle
manière même si,
sans être des titres particulièrement marquants,
s’affirment comme de très bons moments. Le choc arrive avec la
deuxième face, en tout point magistrale, et notamment avec le
sublime et dramatique « Réveille-toi
». A lui seul,
ce titre révolutionne l’univers habituel dans lequel le groupe
évoluait jusqu’alors. Loin des comptines féeriques et
autres légendes fantastiques « Réveille-toi »
nous conte le récit d’un homme qui se rend sur la tombe de sa
femme. Cet épisode qu’on imagine fort douloureux, atteint le
paroxysme du morbide lorsque le veuf éploré en plein
délire s’adonne à un coït port mortem !!! Bien que
le sujet peut sembler particulièrement malsain, il n‘en demeure
que ce titre déchirant reste une preuve (un acte ?) d’amour
ultime fort bien écrit qui ne sombre ni dans le graveleux ni
dans l’ignoble. Un tour de force qui témoigne de la justesse de
la plume de Christian Décamps. Après ce monument
incontournable, Ange clôt
ce « Guet-Apens
», dans
lequel il ne tombe pas, par un long titre tout aussi poignant « Capitaine Cœur de Miel ».
Quatorze minutes de folie qui nous
relate le désespoir d’un capitaine qui sombre inexorablement
dans l’alcool. Lors de la sortie de l’album, Christian avoue dans le
magazine rock « Best
», que pour coller parfaitement au
personnage il s’est réellement saoulé durant
l’enregistrement de ce titre. Et la résultat n’en est que plus
bouleversant. Au fur et à mesure que le Capitaine Cœur de Miel
décline, le chant de Christian vacille jusqu’au naufrage. Quant
à la musique plus progressive que jamais grâce notamment
à la guitare de Demet qui lui apporte une dimension plus «
floydienne », elle confère à l’album un climat
envoûtant et dramatique du plus bel effet. De leur coté
Daniel Haas et Jean-Michel Brézovar enregistre chacun un album
solo.

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L’ambiance au sein
du groupe, notamment entre les deux frères Décamps n’est
pourtant plus ce qu’elle était. C’est le temps des remises en
question et me mettre Ange en
sommeil. Christian tente alors une
escapade solo en sortant en 79 sous le nom de Christian Décamps
et Fils son album « Le Mal d’Adam
». Francis, quant
à lui, sort la même année « Histoire de fou
». Forts de cette expérience, les deux frères
reprennent pourtant le chemin du studio avec deux nouveaux musiciens
Didier Viseux à la basse et Robert Defer à la guitare.
« Vu
d’un
chien » se retrouve dans las bacs courrant 1980.
Dès les premières mesures le ton est donné. Ange
entre dans les années 80 d’une manière fracassante et,
pour beaucoup, déconcertante. Si « Guet-Apens
»
présentait un nouveau visage, « Vu d’un chien
»
enfonce le clou proposant un virage radical dans la musique du groupe.
Le nouvel opus met un terme aux voyages d’antan pour nous offrir un
rock plus brut, aux limites du hard rock à travers 8 titres
courts loin des longues compositions fleuves habituelles. « Les
Temps Modernes » donne le ton avec une guitare rageuse
pour un
hommage à Chaplin et
aussi pour, peut-être, affirmer la
nouvelle direction musicale du groupe.. Suivent « Les Lorgnons
», titre plutôt enlevé mais peu convainquant,
« Foutez-moi la Paix
» plutôt réussi et
« Je travaille sans Filet
», sorte de « Capitaine
Cœur de Miel » transposé dans le milieu du cirque,
qui est
une belle surprise. « Personne
au Bout du Fil » et surtout
« La Suisse
» ne resteront pas dans las annales, plus
à cause des textes que de la musique. Manifestement, cette fois,
la magie des mots de Christian n’opère pas et on ne se sent
aucunement concerné par le propos. « Pour un rien »,
seul titre calme, marque une petite pause sympathique. Reste le
titre qui donne le nom à l’album, lequel renoue un peu avec le
passé, même si musicalement, l’heure est à
l’énergie plutôt qu’à la dentelle. Au final, les
fans auront un peu de mal à retrouver leurs marques dans ce
nouvel Ange et ce n’est
malheureusement qu’un début. Toujours
est-il que le groupe repart en tournée avec toujours la
même foi et le même plaisir.

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La même
formation se retrouve l’année suivante pour enregistrer « Moteur
» qui sort en 81. Autant le dire tout de suite cet album
n’a plus grand chose à voir avec le Ange légendaire. Il
semblerait que le groupe ait subi, à l’image des autres groupes
progressifs de l’époque comme Yes
avec son « 90125
»
ou encore Genesis avec «
Abacab
» et tant d’autres, un
lifting rock-FM pas franchement réussi. Typiquement
estampillé année 80, la production de l’album
dénature complètement l’âme initiale du groupe et
les titres s’engluent dans des compositions fades et sans relief. Sans
parler de certains textes où l’on ne retrouve plus du tout le
style de Christian et qui nous laissent bien souvent pantois. « Tant Pis l'Indien »
démarre ce « Moteur »
avec
un refrain qui frise le ridicule, autant coté musique que
coté paroles. « Saga
» , titre dédié
à John Lennon suite
à son assassinat, (mais faut le
savoir !!!!) n’arrange rien et sombre un peu plus vers la face sombre
de Ange. « Touchez pas à mon ciné
» rend
hommage au cinéma d’une bien triste façon tant le morceau
sonne comme un groupe de balôche et les paroles sentent «
l’à peu près »… On est pas loin du n’importe quoi.
Par charité chrétienne, on passera sur « Détective
privé ». Dans « Moi, pas idiot
», Ange brocarde Lavilliers sans arriver à la
cheville de
ce dernier ! « Chatte, chatte
» reste acceptable, sans
plus. « Un autre Jazz »
part d’un bon sentiment mais ne
parvient pas à convaincre. Idem pour « Mourir, souffrir » qui
malgré son rock bien
enlevé souffre d’une
écriture approximative et d’un chant qui démontre que le
registre rock-FM n’est pas du tout fait pour la voix de Christian
Décamps. Restent deux titres « Assis ! » et surtout
« Rien n'est trop beau pour
toi », deux titres plutôt
calmes, bien plus en adéquation avec les standards du groupe. Au
final l’album déçoit, même si, des années
plus tard, le recul aidant, il se laisse écouter malgré
tout car en fait le pire reste à venir ! La tournée qui
suit célébrera les 10 ans d’existence du groupe,
notamment au Palais des Sports de Paris et au Printemps de Bourges. Un
succès scénique qui ne se dément pas malgré
le piètre intérêt des albums récents.

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« A propos
de » en 1982 aurait pu être une bonne
idée.
Malheureusement le résultat est loin d’atteindre le but premier
qui était de rendre hommage à ceux qui avaient
inspiré le groupe. Entre autres, Brel, Brassens, Aznavour,
Nougaro ou Dutronc. On
se souvient de la reprise de « Ces
gens
là » aussi reprendre les classiques de ces grands
de la
chansons française ne pouvait être qu’une réussite.
Hélas, mille fois hélas, on n'est pas loin de la
catastrophe ! « Le moribond
» (titre prémonitoire ?)
sonne un peu flonflon mais ça passe encore. « Les copains
d'abord » frise le naufrage notamment avec ses accents
new-wave
à la Taxi-Girl surtout
à la fin du morceau. « Tu
te
laisses aller » est tout simplement massacré, de
même que « Il est cinq
heures Paris s'éveille
». « A jeun
» et sa version blues se laisse
écouter si on n'est pas trop exigeant. Reste « Le rouge et
le noir » qui sort du lot sans crier au génie pour
autant.
Enregistré avec de nouveaux musiciens, Serge Cuenot à la
guitare, Jean-Claude Potin à la batterie et Laurent Sigrist
à la basse, l’album ne possède en rien les
qualités de « ces gens
là » et n’offre qu’une
pâle copie de titres par ailleurs somptueux. A oublier
rapidement. Enfin presque. Car au milieu, ou plus exactement à
la fin, vu qu’il s’agit du dernier titre se cache une perle, un truc
inouï, un morceau qui écrase tous les autres, sans aucun
doute le meilleur titre que Ange
ait enregistré depuis Guet-Apens.
Un titre par ailleurs, magnifié sur scène
depuis par Tristan Décamps lors des dernières
tournés du groupe. Ce titre n’est autre que « le Bal des
Lazes » de Polnareff,
une merveille, une pépite
incontournable, un must !

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Retour à un
format classique en 83 avec « La
gare de Troyes
». Si
certains y voient un retour aux sources il faut tout de même
reconnaître qu’un monde sépare cet arrêt en gare et
le début du voyage, ne serait-ce que de part les
sonorités très synthétiques de l’ensemble.
Même la batterie semble synthétique, tant elle manque de
relief ! Enfin bon. Le titre générique qui ouvre l’album
surprend et fini par séduire avec son rythme ferroviaire. Le
funkisant « À
saute-mouton » se veut timidement
sensuel. « Questions
d'générations » et sa
batterie métronomique ne parvient pas à décoller.
« Va-t'en » n’est
guère plus mordant. « Les
moments bizarres » aurait mérité une
meilleure
écriture musicale. « Sheherazade
» relève un
peu la tête mais n’aura jamais le charme d’une « Aurelia
». « Les jardins
» sont bien jolis mais ils leur
manquent cruellement cet aspect bucolique de la « Route aux
cyprès ». « Neuf
heures » est
déjà nettement plus en concordance avec ce qu’on est en
droit d’attendre du groupe avec son climat profond et dramatique.
Enfin, et ça tombe bien vu qu’il faut toujours garder le
meilleur pour la fin, « Tout
bleu ! » remet le groupe sur
les rails de la réussite avec un titre aux succulents accents
progressifs. Un régal ! Vous l’aurez compris si « La gare
de Troyes » ne signe pas la résurrection du groupe,
il
offre néanmoins de bons moments qui laissent espérer un
futur un peu moins sombre que les récentes années
passées. A noter que « La gare de Troyes
» sera
lié sur scène à une troupe de théâtre
le Grenier de Bourgogne pour une comédie musicale qui sera
saluée par 5000 personnes. La même année
Christian Décamps enregistre un 45 tours 2 titres sous le nom de
Mr Dé « Loïa/
Le
temps d'avant les larmes ». Un objet curieux qu'on
peut redécouvrir sur « Pêle Même ».
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Le groupe semble
à présent conserver une certaine stabilité et ce
sont les mêmes membres qui proposent en 1984 l’album « Fou
! ». Cette fois encore, guère
d‘évolution
coté production même si l’ensemble paraît mieux
maîtrisé et plus cohérent, notamment au niveau du
travail de la batterie qui retrouve plus de vie. Musicalement, l’esprit
est toujours au rock-FM mais avec plus de subtilités que
précédemment et moins de clichés 80’s. Premier
titre « Les yeux d’un fou
» est plutôt percutant.
Passons sur « (Je n'suis)
Là pour personne » qui
n’apporte rien de neuf. « Piège
à cœur » est
une jolie chanson légère soutenue par un rythme solide
qui pourrait presque passer en radio ! « Harmonie » a
déjà nettement plus de tenue, comme beaucoup de titres
calmes du groupe. « (Hé
!) Cobaye » même si
dégoulinant de gimmicks eighties est curieusement assez
sympathique. Peut être qu’on s’habitue à force ! Avec
« Les fous demandent un roi »
débute une longue
suite épique, comme on en n’avait plus croisé depuis…
« Par les
fils de Mandrin » ! Attention, soyons clairs, ce
qui suit n’est pas comparable au chef d’œuvre sus-nommé mais le
groupe renoue avec le plaisir des compositions alambiquées et
retrouve le goût de nous conter des histoires extraordinaires.
S’en suit donc l’étrange composition « Guignols »
suivi de l’instrumental « Guignols
(la chasse) » de bonne
facture et bien dans l’air du temps. « Fou » est tout aussi
étrange, mélangeant une foultitude de sons
électroniques qui pour une fois sied à merveille la
musique de Ange. « Crever d’amour (prélude)
» est
comme son nom l’indique un superbe prélude à la
pièce maîtresse qui suivra plus tard. Un prélude de
toute beauté, tout en crescendo et délicatesse avant
l’ultime coït qu’est « Crever
d’amour ». Et le mot
coït n’est nullement usurpé ! Bien au contraire. Les quatre
minutes vingt de ce titre sont une lente montée du plaisir
charnel associé à la musique. Un plaisir qui se traduit
par de véritables cris de jouissance féminine comme un
sublime solo de plaisir ciselé par celui d’une guitare brandie
en phallus électrique ! Une réussite totale, un pur
bonheur qui nous prouve que les frangins Décamps ont encore de
belles surprises à nous concocter ! Sur scène, le
délire n’en est que d’avantage démesuré, le
Zénith de Paris en tremble encore !

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L’enthousiasme
retrouvé est malheureusement de courte durée. L’album de
86 baptisé « Egna
»
(Ange à l’envers) tombe
à plat et ne propose rien de bien croustillant. On flirte
même avec le pire, tant les compositions sont limite nunuches et
manquent cruellement d’inspiration. « C'est après coup que
ça fait mal » débute de la pire
façon qu’il
soit. Un rythme disco, un cri stupide, une voix féminine (quelle
horreur une fille au sein du groupe ?????), un break crétin en
milieu de chanson, une guitare à la Shadows… Sans commentaire.
« Fais pas la gueule
» commence comme « docteur
Renaud, mister Renard » et malgré son rock
très
typé FM reste écoutable. « Revoir les
sorcières de Salem » débute d’assez belle
façon mais ne tient pas la distance. La déception monte
d’un cran avec « Les dessins
animés » et ce n’est
pas « Coeur de paille coeur de
pierre » qui relève
le niveau, loin de là. Pas plus que le « Le dernier
romantique » ou « Tout
comme dans un livre ». Il n’y
a guère que « Le cul
qui jazze » qui offre une
frêle esquisse d’intérêt pour qui n’est pas trop
exigeant. Dieu qu’il est loin notre Ange,
celui qui nous faisait
rêver, celui qui nous faisait vibrer. Il n’est plus que l’ombre
de lui-même, juste sa propre… Caricature !!!!!!! Daniel,
Jean-Michel, mais où êtes vous donc ? Ange se meurt !
Revenez !!!

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Suffit de demander
voyons ! Et hop, qui revoilà en 1987 sur le nouvel album «
Tout
Feu Tout Flamme - c'est pour de rire » ? Ni plus ni moins que Jean-Michel
Brézovar et Daniel Haas ! Rien que ça ! Ceci dit ne nous
réjouissons pas trop vite, ce retour inespéré
n’est que ponctuel et on ne retrouve les anciens compagnons de route
des frères Décamps que sur un seul et unique titre, la
reprise du fameux « Tout Feu
Tout Flamme »
réenregistré pour l’occasion dans une version, disons,
modernisée par forcément du meilleur goût. Un coup
pour rien. Concernant le reste de l’album, on note l’arrivée de Francis Meyer qui remplace
Jean-Claude Potin à la batterie et la présence de Martine
Kesselburg et Eva Santi aux chœurs. Le changement de batteur se ressent
dès le premier titre « Tout
contre tout ». Le titre pulse à merveille et renoue
avec
un son plus épais moins
artificiel. Sans pour autant être un incontournable, il nous
rassure quant à la couleur de l’album. Perdu ! Le saxophone qui
ouvre « Coquille
d’œuf » semble nous
dire qu’on est en 87 et qu’il ne faut pas compter retrouver les
élans d’antan. Mais le titre est tout de même une jolie
réussite, plaisante et agréable. Les premières
mesures de « C’est pour de rire » avec
guitare acoustique et claviers aux
sonorités de
clavecin nous rappellent de vieux souvenirs
enfouis. La suite s’en éloigne quelque peu mais reste de bonne
facture. Un titre néanmoins assez touchant dédié
au père des deux frères, récemment
décédé. Belle surprise en revanche que « Sur
les grands espaces bleus ». On y retrouve avec plaisir ce
lyrisme
si particulier sur une mélodie délicate
et aérienne comme on aime en entendre. Un bien beau moment que
ce titre là. Je n’en dirai pas autant de « 3x1=Nous
» qu’il vaut mieux zapper au plus vite. Concernant « J’suis
pas d’ici » je dois avouer que je reste perplexe.
Musicalement le
titre décoiffe, rien à redire. En revanche le sujet est
assez surprenant vu qu’il aurait pu s’appeler tout simplement « Qui a tué Gregory ?
». C’est à ma connaissance la
première fois que Christian s’aventure sur un thème
d’actualité. Oh bien sûr, c’est traité avec
beaucoup de finesse et de respect, mais quelque part ça me
dérange qu’on puisse écrire une chanson sur cette
histoire. L’album prend fin avec « Il est le Soleil »
décomposé en trois parties, « Rituel »,
« Un taxi pour
l’éternité » et « Perpétuel
». Le début est assez mou, musicalement
pas très inspiré. La suite est déjà plus
enlevée sans toutefois convaincre totalement quant au final, on
ne sait même pas qu’il existe ! Bref, un album en demi-teinte,
pas franchement mauvais mais pas bouleversant non plus qui nous laisse
un goût d’inachevé. Il serait temps de se réveiller
messieurs !
Une nouvelle
compilation « Vagabondage »
voit le jour en 89 signant pour
l’occasion l’entrée de Ange
dans le monde du compact disque. Les
titres proposés font la part belle aux albums antérieurs
à « Guet-Apens
», seule « La gare de
Troyes » est sauvée du naufrage des
années 80. En prime,
on redécouvre les versions originales remasterisées de
« Tout feu tout flamme
» et surtout de « Le
soleil
est trop vert » qui pour beaucoup est une
découverte, tout
comme la version anglaise de « Par
les Fils de Mandrin ».
|
Si la ville de
Belfort n’est pas encore connue pour ses Eurockéennes
balbutiantes, elle doit néanmoins sa notoriété
à son maire, l’indomptable Jean-Pierre Chevènement. Vous
allez me dire, « quel rapport avec la musique ? ». J’y
viens. En cette année du bicentenaire de la Révolution
Française Jean-Pierre Chevènement commande un projet de
spectacle pour cet anniversaire. Christian Décamps imagine alors
une histoire qui devient un roman, lui-même transposé en
ballet par Mari-Do Haas avant de devenir tout simplement le nouvel
album d’ Ange ! Ainsi voit le
jour « Sève qui peut
»
en 19  89.
De part l’histoire qu’il nous conte, celle d’un chêne
tricentenaire témoin privilégier de cette époque
lointaine qui nous en relate les péripéties, on se
réjouit à l’idée qu’Ange retrouve son inspiration
dans les nimb es
du passé. On pense déjà à
un nouvel « Emile
Jacotey » ! Mais nous restons
méfiants. La production des dix dernières années
nous a montré que la musique du groupe avait
évolué vers d’autres horizons et réentendre des
compositions dignes du Ange
d’antan semble illusoire et pure
spéculation. C’est alors qu’à la surprise
générale et contre toute attente, un miracle se produit.
Un miracle chez les Anges ? Normal après tout ! Quoi de plus
naturel ! Oui mais là, ça frôle l’impensable, car
si on salue le retour d’ Ange,
on salue surtout le retour de
messieurs Jean-Michel Brezovar, Jean-Pierre Guichard et Daniel Haas,
c’est à dire l’âme originelle du groupe avec en bonus un
Robert Defer en prime ! Que du bonheur ! En fait « Sève
qui peut » n’est que la conclusion des retrouvailles
de 87
lesquelles ont été suivies d’une série de
concerts, mais qu’importe. Après une brève introduction
récitée par le chêne, qui viendra ponctuer chaque
intertitre, « Aimer/Haïr »
nous met de suite dans
l’ambiance. Le son Ange est de
retour ! On y retrouve les bonnes
recettes d’autrefois avec malgré tout un petit quelque chose qui
a changé dans la voix de Christian. Celle-ci est de plus en plus
grave, mieux maîtrisée, ce qui paradoxalement n’est peut
être pas la meilleure chose qu’il soit. Mais bon, on s’y fait
très vite. Musicalement, on est loin des derniers albums et
c’est avec bonheur qu’on retrouve ce style si particulier,
mélange de modernité et de référence
à leurs anciennes influences, avec quelques délicieux
instrumentaux bien enlevés. « Vivre avec le cœur »
convainc déjà un peu moins avec son rythme
chaloupé. L’ouverture « des
plaisirs faciles » bien
plus rock, se démarque surtout par le texte et le chant de
Christian qui tente différents registres. « L’or, l’argent
et la lumière », plus classique alterne phases
calmes,
envolées lyriques et musicales dans le pur esprit progressif, le
final rappelle d’ailleurs certains titres de Camel. « Briser la
glace » quant à lui sonne à la
manière de Marillion.
Un joli
titre à l’atmosphère confiné
qui offre un bon moment de guitare. « Les amours-lumière
», très aérien, est une belle chanson sans pour
autant s’affirmer un titre majeur. Avec « Non !! » qui nous
fait irrémédiablement penser par moment à « Incomunicado
» de Marillion, se
distingue principalement par les
propos assez crus. « Les
grands sentiments » sont
sympathiques mais ne parvient pas réellement à
décoller, ne serait ce la fin qui propose une mélodie
qu’on aurait aimée voir durer. Le final avec « Sève
qui peut » déçoit un peu. Les diverses
influences
déjà citées sont trop marquantes et le titre
manque de fait un peu de cohésion. Bref si cet album marque le
retour du Ange mythique il
n’en possède cependant pas toute la
sève espérée. Si la production est
irréprochable, l’ensemble fait surtout la place belle au texte
et au chant de Christian, pas toujours facile à suivre
d’ailleurs. Musicalement, on sent que le groupe cherche à
retrouver ses marques mais cherche un peu trop à vouloir suivre
le mouvement progressif renaissant outre atlantique. On en ressort un
peu déconcerté même si on perçoit par
ailleurs les prémices que le pire est désormais
derrière nous et que l’avenir risque de nous réserver de
belles surprises.
|
Malgré ce
retour inespéré, le groupe replonge en léthargie,
ce qui offre à Christian l’occasion de faire ses premiers pas
avec le théâtre du Nain Jaune. En 1990 il propose « Juste
une ligne bleue » son deuxième album solo sous le
nom de Christian Décamps et
Fils, justifié par la
présence de son fils Tristan aux claviers. Il part seul faire
découvrir son nouveau spectacle « Mes Vers Solitaires
» puis retourne au théâtre jouer dans la
pièce « La Locandiera
». Francis de son coté
enregistre durant la même période « Vie en positif »
qui sort en 1991. Il faudra attendre 1992
pour que la
même formation nous revienne avec un monument « Les
Larmes
du Dalaï-Lama ». Le titre générique
nous fait
faire un bond de 20 ans arrière ! Tout est là ! Le son,
la mélodie, la construction, Ange est de retour et frappe un
grand coup ! Un titre sublime, époustouflant, puissant, d’une
force incroyable ! Magique ! La production est magistrale, chaque
instrument claque et pulse comme jamais. « Le ballon de Billy
» déchirant à souhait s’achève en une
frénésie musicale rarement égalée. Retour
à plus de sérénité avec « Tout
oublier » qui ne manque pas de charme même s’il
n’est pas
un moment majeur de l’album. La suite est une toute autre histoire.
Après un début sombre et lancinant, « La bête
» grandie, évolue lentement vers un climat nettement moins
apaisant qui dévoile la véritable nature de la bête
en question. Magistralement effrayant ! Rien à voir avec «
Bonnet Rouge
», dédié au commandant Cousteau qui
prouve que parmi les bêtes précédemment
citées demeurent des hommes dignes de ce nom. L’arabisante
ouverture de « None Assistance
à Personne à Tanger
» ne laisse en rien prévoir la suite de ce titre tout
à fait exceptionnel. Les 3 premières minutes plantent le
décor dans un rock dynamique avant que le fin ne
décroît en une dramaturgie hallucinante où
Christian joue avec les mots de façon incomparable « Un
nuage de sauterelles sulfatées d’amertume, entourloupe de
parfums cirrhosés à l’arnaque » « Héroïne
à cheval sur un avion-seringue, qui passe le
mur du sang, et puis c’est la déveine…La sorcière des
artères entame un long ballet… ». Oui Christian,
« Il faut tuer la
bête qui fait peur à l’amour » !
« Couleurs en Colère
» dénonce le racisme
avec justesse. Un ton en dessous « Les Herbes Folles »
offre toutefois un bon moment de musique rock. Enfin « Les
Enfants du Hasard » referme la dernière page de ce
voyage
angélique. Un fabuleux voyage, riche, ciselé avec
minutie, en adéquation parfaite avec les meilleures productions
du groupe. Une tournée triomphale passant par l’Olympia saluera
comme il se doit cette « ré-union » tant attendue.
Parallèlement Christian enregistre un curieux CD « Merlin
et les Dragons » dans lequel sur une musique de Michel
Rubini il
nous raconte la légende du fameux enchanteur.

|

Pas grand chose
à signaler jusqu’en 93 au rayon musical, si ce n’est la parution
de « Décamps-Lajoie
: Epicier Marchand D'Rock » de
Francis Décamps. Le nouvel opus de Christian Décamps
& Fils « Nu
» sort quant à lui courrant 94 sur
le label messin indépendant Muséa. Un album remarquable
avec des titres de toute beauté comme « L'héritage
», « Le chauffeur
», « Ame d'homme
» ou
le fantastique « Pierrot, la
lune a soif ! » à
l’esprit très angélique qui ravira les fans. Pour avoir
des nouvelles d’Ange il faudra attendre 94 et la compilation «
Mémo » sortie chez Philips/Phonogram comme l’avait
été « Les Larmes du Dalaï-Lama ». En
plus de classiques incontournables, « Mémo »
propose
4 inédits « Les vieux
livres », « Carnaval
» enregistrés en début de carrière mais
jamais publiés, « The
night of the Devil »
(version anglaise du « Soir du
Diable » sortie on ne sait
d’où) ainsi que « Un
Jésus cloué main en
calvaire véritable » initialement composé
pour
« Guet-Apens
» mais qui par chance n’a pas
été retenu sur ce dernier tant il n’en a pas l’esprit.
.
|
Tandis
que Christian Décamps &
Fils publie chez Muséa en 95
le live « V'soul
», ADN Music sort de son coté un double live de Ange « Un
P'tit
Tour et puis s'en vont » enregistré dans sa
formation
historique à
Lille et Mulhouse les 17 et 24 mai 95. Distribué par
correspondance
l’album sera vite épuisé mais, heureusement, ressortira
sous la forme
de deux CD distincts « Rideau
! »
en 95 et « A…Dieu
! » en 96. Mais
qu’importe le titre, le constat est là. Ange tire un trait sur
25 ans
de carrière et tourne la dernière page de son histoire
mouvementée. Et
c’est au Zénith de Paris, le 6 décembre 95 après
une tournée de 50 dates que le groupe raccroche les
gants. Malgré leur
désarroi, les fans se consoleront donc avec ce live de haute
facture
qui prouve que le groupe tire sa révérence en pleine possession de ses
moyens et non au creux de la vague. Cependant, contre toute attente,
Christian Décamps crie haut et fort que si le Ange originel est
dissout, Ange existe toujours
bel et bien mais avec une nouvelle
génération de musiciens ! Si l’histoire du groupe nous a
prouvé qu’il
avait su traverser les décennies en dépit des nombreux
changement de
personnel pour la première fois un problème de taille se
pose, celui du
départ de Francis Décamps ! Comment diable, Ange pourrait
exister sans
celui qui a construit le son Ange,
sans celui qui a composé la
grande
majorité des titres depuis ses débuts ? Certes il reste
les mots de
Christian, mais la musique ? Pour répondre à cette
équation impossible
et rassurer les fans, l’association « Un Pied Dans La Marge
» voit le
jour en 96 avec pour but la promotion du Ange nouvelle
génération.
Parallèlement Christian étoffe le Christian
Décamps & Fils avec la
venu du guitariste Hassan Hajdi. Il publie également « les
Mots d’Emile
», un album réservé aux membres de l’association, composé de
nouveaux
morceaux et de versions inédites de titres déjà
connus. On y découvre
en prime toute l’interview d’Emile Jacotey faite en 1975.
|

On imagine fort bien
que trouver une maison de disque
prête à investir dans un nouvel album d’Ange, avec pour
seule garantie la présence de son chanteur charismatique, devait
en 1996 relever de l’impossible. C’est l’époque du Grunge et le
rock progressif de papa ne fait plus trop recette. Christian imagine
alors une solution géniale ! Sortir un album au couleur d’Ange
avec son propre groupe Christian
Décamps et Fils ! C’est ainsi
que sort en 97 « 3ème
étoile à gauche » qui se
révèle comme le meilleur
album d’Ange
depuis des lustres ! Accompagné de son fils Tristan aux
claviers, Hassan Hajdi à la guitare, Thierry Sidhoum à la
basse et Hervé Rouyer à la batterie, l’album est une
parfaite réussite. Une question néanmoins subsiste.
Est-ce un véritable album d’Ange
ou un album de Christian
Décamps et Fils ? Aussi dois-je chroniquer ou non ?
« A
Capella » qui ouvre le bal nous en donne une
première
indication. Manifestement cet album ne marche pas dans les plates
bandes de Christian Décamps et
Fils. Le suivant « Narcisse
» est un titre de Ange
pur jus ! Musicalement il aurait
très bien pu dater d’il y a 20 ans ! « Le vieux sous son
tilleul », plus moderne ne dément pas cette
impression.
Idem pour « Entre jeux
», superbe avec son gimmick
entêtant sublimé par les envolées d’Hassan. «
Quand un oiseau se meurt
» est quant à lui un poème
musical plutôt orienté Christian
Décamps et Fils,
tout comme le rock enlevé « des Piranhas » ou de
« Approximatif univers
». « Opéra
cosmique
» rappelle incontestablement la grande époque et s’inscrit
dans un registre purement progressif avec ses sonorités proche
de Camel. Un grand moment de
musique. Et la suite avec ce qui deviendra
un incontournable des concerts de Ange,
enfonce le clou. « Quasimodo
»
est une pure merveille sublimée sur
scène par Hassan et surtout par Tristan. Mais j’y reviendrai
plus tard. On accroche un peu moins au titre suivant « Les
nénuphars » mais on se délecte du « Quatuor
» qui le succède. « Le sexe des Anges » se
laisse écouter avec plaisir. « Que deviennent les
Héros », plus posé, est une chanson
délicate
et fragile à déguster sans modération. « Selon Socrate et Copernic
» est une explosion musicale, un
foisonnement sonore époustouflant ! Un grand titre ! « Devine
» surprend mais sait rapidement nous séduire
avec son piano à la Supertramp
et sa guitare stridente. Mention
spéciale pour « A
bientôt sur la vie » avec
son début tonitruant et son orgue encré en plein dans les
seventies. Enfin « Coda
» clôt cet album dense en
reprenant le thème musicale de « A Capella ». Au
final on peut considérer cette « 3ème
étoile
à gauche » comme un album de Ange à part
entière et sans doute comme l’un des tout meilleurs du groupe.
Peut-être Christian a-t-il voulu tester le nouveau groupe sous
l’appellation Christian
Décamps et Fils enfin de voir si il
était digne de porter le fameux nom légendaire et de
continuer l’aventure. En tout cas, les fans ne s’y tromperont pas et
malgré une très mauvaise distribution, cet album
deviendra un must incontournable.

|
 
La même
année, via le fan club, sort un CD hors commerce « Plouc
» qui propose une foule d’inédits ( « Flatulences
» par le Duo des Nonnes
est à découvrir d’urgence
!) ou de versions de travail permettant d’apprécier la
genèse d’un titre, en l’occurrence « Harmonie ».
Toujours à destination des « imbibés » (les
membres du Fan-Cub), Christian offre en cadeau en 98 « Les
Poèmes de la Noiseraie » dont je ne peux
malheureusement
pas parler, n’en ayant jamais entendu le moindre extrait. Si j’ai ben
compris, il s’agit de textes récités par Christian
où la musique n’est qu’un support sonore néanmoins
intimement lié. Deux compilations de Ange « Master
Séries 1 & Master Séries 2 » voient également le jour la
même année sans cette fois offrir le moindre
inédit.
|
Ce n’est qu’en 99
que le « Nouvel » Ange,
inaugure cette Nouvelle
Génération avec « La voiture à eau
».
On y retrouve bien évidemment l’ensemble des musiciens
présent sur « 3ème
étoile à gauche
» qui deviennent donc officiellement membres à part
entière du groupe. Dès le premier titre « Le
rêve est à rêver » le ton est
donné.
Cette « voiture » là sera rock ou ne sera pas. Et le
titre tient toutes ses promesses. Un son parfait, une guitare rageuse,
une batterie lourde, une basse sautillante et des claviers limpides,
l’harmonie est au rendez-vous. « Pshychosomagique génie
» moins exubérant demeure un titre intéressant.
L’instrumental « Eurekâ
» s’inscrit dans la grande
tradition des
instrumentaux du groupe. « Bilboquet
» surprend par son
texte curieusement écrit mais s’avère être
musicalement superbement composé. « Elle fait mes rides » est
une petit chanson calme et forte, un
petit joyaux comme
Christian en a le secret. Deuxième instrumental avec « Eurekâ in extenso
» époustouflant de bout en bout.
Petit relâchement avec « L’eau
qui dort » avant un
« Archimède
» chanté par Tristan, qui par
ailleurs poussait déjà la vocalise sur « 3ème
étoile à gauche », sur un fond d’orgue
ténébreux que vient titiller la guitare limpide de
Hassan. Un régal ! « Coma
des mortels » est
d’inspiration plus habituelle et « Quelquefois »
déçoit un peu. Rien à voir avec « Ethnies
», diablement efficace, qui explose de toutes parts. Une des
grandes réussites de cet album. Jolie petite chose que « Patisonges et mentisseries
», une chansonnette toute simple
à la guitare, comme un petit bonbon acidulé. On passera
sur les « Mémoires de
Jacob Delafon » qui n’apporte
pas grand chose. La longue suite « Les voleurs de clés
» avec ses titres « Et
Gandhi l’hindou dit tout doux
», « La serrure et la
clé » et « Jardin
secret » est nettement plus intéressante avec son
alternance de moments forts et de phases plus apaisées où
le groupe explore les divers voies qu’il aime à suivre. L’album
prend fin avec le titre générique, calme, comme un au
revoir avant le prochain voyage à bord de cette voiture qui ne
tombe nullement à l’eau. Ange
est donc bel et bien de retour de
la meilleure façon qu’il soit avec un album où l’on sent
une osmose totale entre les différents musiciens qui,
plutôt que de proposer un copier-coller des anciennes recettes,
en prend le meilleur pour y joindre leur propre
créativité. Pari gagné ! Dans la foulée,
Christian publiera un roman portant le même titre.

|
 Une nouvelle
compilation « Talents
» qui résume les 4 premiers albums du groupe voit
le jour en 1999. Celle-ci n'apporte rien de particulier et reste de ce
fait largement dispensable.
En revanche, un
luxueux coffret de 3 CD « ad libitum »
accompagnés
d’un livret largement illustré, marquera la
passage d’Ange
à l’an 2000. Bien plus qu’une compilation de plus, l’objet
propose un
nombre conséquent de versions inédites qui fera les
bonheur des imbibés
et autres collectionneurs. Pendant ce temps, le groupe parcourt la
France de long en large pour une série de concerts qui attirent
toujours un public aussi nombreux. Le double live « Rêves
Parties »
sera le témoin de ce succès immortel qui se poursuit
depuis 30 ans ! Un double qui fait la part belle à « La voiture à eau
» ainsi qu'à « 3ème
étoile
à gauche
» ce qui prouve bien que cette étoile là était réellement un
album d'Ange à par
entière.
|
Cependant une
question reste en suspend. Malgré la qualité des derniers
opus, peut-on raisonnablement imaginer que Ange, en cette année
2001, soit capable de frapper un grand coup avec un album majeur, soit
capable de nous surprendre encore, soit capable de ne pas sombrer dans
une certaine facilité ? La réponse nous est donnée
avec l’incroyable « Culinaire lingus
». Bien plus qu’un
simple album de plus, cette ode aux treize pêchés capitaux
est une véritable révolution pour le groupe. Même
si Ange nous a souvent
prouvé qu’il pouvait se remettre en
question, pas toujours avec brio, personne n’avait imaginé qu’il
serait capable d’aller aussi loin dans l’imprévu et
l’innovation. Première surprise de taille, le groupe compte un
membre de plus. Dorénavant ce sont six personnes qui composent Ange et cette
sixième personne n’est autre… qu’une chanteuse !
Comme quoi le rock progressif n’est pas qu’une histoire de mecs !
Passées les premiers doutes, on réalise bien vite que la
présence d’une femme, Caroline Crosat, n’est en aucun point
incongrue et que la dame à toute sa place. Comment diantre
Christian n’y a pas pensé avant ? Seconde surprise, la
présence à la production de Steven Wilson, le magicien du
groupe Porcupine Tree, sans
doute le plus aventureux des groupes progs
actuels, qui marque de son sceau l’angoissant ténébreux
et non moins sublime « Jusqu’où
iront-ils »
véritable déferlement de fer et de feu. Avec « Cueillir les fruits du
sérail » commence ce long voyage
initiatique au pays des délices charnels, tout doucement, petit
à petit comme une longue montée du plaisir. La coquine
« Adrénaline
» avec sa couleur folk accentuée
par le violon et la cornemuse de Gilles Pequinot explore d’avantage le
sujet. A contre courrant des titres précités « Farces & attrapes
» aux faux airs des années folles
ressemble à une curieuse récréation pleine
d’humour avant le déferlante qu’est « Culinaire Lingus
». Sur un rythme infernal, Christian s’en donne à
cœur joie avec ses jeux de mots décapants. Et il en rajoute,
encore et encore, jusqu’à l’overdose dans un foisonnement de
délires érotico-gastronomique de haut vol ! Un titre
incroyable qui sonne comme une évidence tant la gouaille de
Christian est ciselée aux petits oignons. Un must où l’on
découvre pour la première fois l’organe femelle du groupe
! Une véritable tuerie vocale en jouissance majeure superbement
illustrée par une musique parfaite en tout point ! Oufffff !
Quelle claque ! Retour au calme, mais toujours aussi subversif, avec le
délicieux et planant « Les
odeurs de cousine » et
son final de toute beauté où la batterie d’Hervé
nous transcende au milieu des claviers de Tristan digne de Vangelis. Et
Tristan nous revient en solo (ou presque) pour ce qui est à mon
sens, l’une des plus belles chansons de Ange. Un pur bijou, profond,
délicat, frisson garanti ! Cet « Intérieur nuit
» est une perle, un joyau d’émotion. Rien à voir
avec la bombe qu’est « Univers
& Nirvana »
chantée par Hassan. Un titre rock, puissant, où les
guitares écrasent tout sur leur passage. A noter que Christian
ne joue pas sur ce titre, sans doute pour mieux se préparer
à l’orgie qui va suivre. Et l’orgie en question est de taille !
Avec « Gargantua
», Christian rend hommage au plus
épicurien de nos écrivains, Rabelais ! Et c’est un
véritable régal, un mets succulent cuisiné avec
finesse à la sauce rock. Grand ! C’est avec un étonnant
rythme techno que débute une autre incroyable pièce
majeure de cet album « On sexe
» ! Aucun besoin
d’être plus explicite, le titre parle de lui-même ! Et
là, on en prend plein les oreilles ! Musicalement c’est une
explosion de guitares criardes, puissantes comme jamais… Quant au
texte, scandé par Christian et Caroline, ben c’est du 100% sexe,
écrit avec dextérité, jamais vulgaire mais ô
combien explicite ! Incontournable et superbe ! On en ressort tout
retourné ! Retour à de plus calmes rivages avec « Cadavre exquis
» qui retrouve la patte de Steven Wilson.
Christian, Caroline puis Tristan se succèdent au chant dans ce
titre qui va crescendo comme un boléro vers un feu d’artifice
entêtant. Magique et… exquis ! Dernière surprise, de
taille, l’album offre en bonus, un instrumental de 11,30 minutes
bâti « Autour d’un
cadavre exquis » où se
succèdent huit guitaristes invités pour l’occasion parmi
lesquels Claude Demet, Dan Ar Bras, Norbert Krief (le Nono de Trust), Serge Cuenot, Paul Personne, Jean-Pascal Boffo et le grand Jan Akkerman
himself ! Un seul regret, l’absence de Steven Wilson et de sa guitare.
Il aurait pu faire un effort merde !! Bref au final, un album de haut
vol, remarquable à tout point de vue, qui prouve que Ange sans
renier ses origines sait parfaitement nous surprendre et concocter des
albums lumineux bien dans son époque. A découvrir
d’urgence !

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Est-ce la nostalgie qui a
frappé, l’approche
des 60 ans de
Christian, allez savoir… Toujours est-il qu’en 2002 Ange
revient sous sa forme
originale pour un nouveau live. Ne vous y trompez pas, il ne s’agit
aucunement d’une nouvelle réunion d’anciens combattants. Ce
« Tome
87
» est en fait un concert enregistré
au Zénith de Paris le 25 octobre 87 par le Ange « canal
» historique ! Uniquement composé de titres
antérieur à « Guet-apens
», ce « Tome
87 » prouve que si en 87 Ange
souffrait d’un manque de
créativité musicale, il n‘en était pas moins un
groupe de scène de tout premier plan, puissant et
généreux ! Toujours au rayon nostalgie, 2003 salue la
réédition chez Muséa de la version anglaise de
« Par les
fils de Mandrin » et de « Par
les fils de
Mandrin – Millésimé 1977 », un live de
77
donc, qui
reprend l’intégralité de l’album mythique avec deux
titres en bonus « Exode
» et surtout pour la
première fois en live « Le Vieux De La
Montagne ».
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Il faudra attendre
2004 pour recevoir des nouvelles fraîches du patriarche avec la
sortie du nouvel album de Christian
Décamps & Fils « Murmures
» et 2005 pour découvrir le successeur de « Culinaire
lingus ». Inutile de préciser que
l’imbibé moyen attend beaucoup de cet album qui se doit
d’être sinon meilleur au moins aussi bon que son
prédécesseur. Curieusement ce nouvel opus n’a pas de
titre, ou plutôt il a le titre qu’on veut bien lui donner ! La
pochette arbore un simple point d’interrogation et en lieu et place du
titre de l’album il y a un cadre vide avec en dessous l’inscription
« n’importe
lequel de préférence » ! En plus
de cette curiosité, le groupe à encore une fois
changé de personnel avec l’arrivé à la batterie de
Benoît Cazzulini. Tout débute avec le très
électronique « Couteau
suisse » et sa musique
étrange, froid et envoûtante. Puis « Ricochet
» chanté par Tristan, vient délicieusement nous
emporter avec son atmosphère calme et planante. Retour aux
sonorités bizarres avec le début de « Histoires
d’outre rêve » qui rappelle néanmoins «
Le
cimetière des Arlequins » avant de bifurquer vers
un
rock-prog plus classique de plus de 9 minutes avec son pont musical
irréprochable et ses superbes envolés lyriques. « J’aurais aimé ne
pas t’aimer » sonne du coup un peu fade
malgré une basse au groove impressionnant. Caroline rejoint
Christian sur « Cœur à
corps » un étonnant
titre qui mélange piano jazzy, bruitages technos, refrain
survitaminé et rythme tribal ! Un véritable melting-pot
d’influences diverses et variées ! Bien plus apaisées
sont « Les eaux du Gange »
où se mêlent
sonorités ethniques (ahhh le son du didjeriddoo !) et brouillard
de claviers bien tempérés. Tout le contraire de « Naufragé du
Zoodiaque (inclus « Thème astral)
» avec Hassan à la composition et au lead vocal, qui n’est
pas sans rappeler Porcupine Tree,
toutes guitares en avant donc au
final somptueux où Benoît exprime tout son talent.
Caroline revient en formation réduite pour « Entre foutre
et foot », un texte très sexe assez bien vu,
même si
on se demande ce que ce titre vient faire là, tant il
dénote de l’ensemble. On écoute avec plaisir les « Ombres chinoises
» et on se laisse séduire « Sous
hypnose » même si ces deux derniers sont un ton en
dessous
du reste de l’album. On prend alors un « Passeport pour nulle
part (reflux d’aubes tempérées) »
à la
construction alambiquée où le groupe ose des
mélanges tout à fait étonnants comme l’apport d’un
trombone à coulisse du plus bel effet. Surprenant et hypnotique
! Tout aussi curieux est « Quand
est-ce qu’on viendra d’ailleurs
» avec son gimmick électronique que vient appuyer une
guitare acoustique avant de partir vers une base funky où se
greffent des nappes de synthé estampillées Ange des
grands jours. « Jazzouillis
» clôt cette aventure
langoureusement. Moins rentre dedans que « Culinaires Lingus
», « ? »
marie les genres les plus divers, rock, prog
et même jazz tout en gardant sa propre personnalité. Un
album moins immédiat que le précédent mais qui
dévoile toutes ses beautés et sa finesse avec le temps
comme un bon vin. Ange ne
cesse d’explorer, de nous prendre à
rebrousse poil pour mieux nous séduire. Une belle
réussite.

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La tournée
qui suit est prétexte à un double album live « Le
tour de la question » composé d’un CD et d’un
DVD.
C’est
l’occasion pour ceux qui n’ont pas eu la chance de voir le groupe de
découvrir les titres mythiques revisités par les petits
jeunes. Tout commence par « Aujourd’hui
c’est le fête chez
l’apprenti sorcier » qui retrouve une deuxième
jeunesse.
« Vu d’un chien »
subit le même sort après
« Le couteau suisse
» où Caroline s’en donne
à cœur joie et «
Histoire d’Outre rêve ».
C’est au tour de « Si
j’étais le messie »
véritable prêche impressionnant de puissance ! Les
arrangements de « Jour
après jour » surprennent puis
séduisent avant un « Entre
foutre et foot »
scandé par une Caroline bien en verve, un délice ! Seul,
Tristan dépoussière « Harmonie » de ses
accents eighties et le transcende avec classe et profondeur. « Le
cœur à corps » est prétexte à une
joute
verbale jouissive entre Christian et Caroline. Ressorti du fond de la
cave aux souvenirs, « Le Chien
, la poubelle et la Rose »
est l’occasion pour chaque musicien d’exprimer son talent et c’est un
véritable plaisir de redécouvrir ce titre uniquement
entendu sur « Tome VI »,
il y a… 30 ans ! Le lifting
orchestré par la jeune génération est de toute
beauté ! Hassan y est magistral, Tristan impeccable,
Benoît impressionnant et Thierry étourdissant. Le CD se
termine par une version a capella de « Ces Gens là »
qui rapidement s’envole vers des sommets de puissance rock
époustouflante. Le DVD nous gratifie en plus de « Caricatures
», « Ricochet
», « Le Ballon de Billy »,
« Jazzouillis »,
« Fils de Lumière
» et
surtout le démentiel « Quasimodo
» véritable
combat rock entre
Hassan et Tristan et le grand très grand « Capitaine Cœur
de Miel » qui confirme, s’il en était besoin, que Ange est
toujours Ange et qu’on peut
compter sur la nouvelle
génération
d’angelots aussi généreuse et efficace que leurs
ancêtres.
Toujours du côté DVD, le groupe nous propose un « Par
les fils de Mandrin - revisité » qui outre les
titres
de l’album historique contient de belles surprises comme « Le bal
des Laze » interprété d’une façon
exceptionnelle par Tristan ou encore une relique « Docteur man » qui n’a pas
prit une ride. Enregistré
en 2003, ce DVD
fait la part belle à « Culinaire Lingus
» mais
revisite également les années 80-90 avec « Touchez
pas à mon ciné » ou « Les grand espaces bleus ».
Grande année décidément que 2007 qui voit
également la parution du live « Zénith
An II »
et du tout dernier bébé du
groupe « Souffleur
de Vers ». Le premier est la quasi
intégralité du concert donné au Zénith de
Paris le 13 octobre 2002. Quasi-intégralité car, ce soir
là, le concert avait duré pas moins de 3h30 !
L’intérêt majeur de cet album est la présence
d’invités de marque comme Claude
Demet sur « Virgule
», Daniel Haas et Guénolé Biger pour un
retour aux
sources avec « Ode à
Emile », « Sur la
trace
des fées » et « Au-delà du délire
». Petite faute goût sur « Shéhérazade
» où l’on est surpris d’entendre… Francis Lalanne !!!!
Enfin bon tout se termine de la meilleure façon qu’il soit
« Autour d’un cadavre exquis
» prétexte à la
réunion de talentueux guitaristes comme Claude Demet, Norbert
Krief, Serge Cuenot et Jean-Pascal
Boffo qui viennent se confronter aux
cordes acérées de Hassan. Un grand moment !

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« Souffleur
de vers » est donc la toute dernière livraison
du
groupe
à ce jour. Les hostilités débutent avec « Tous les boomerangs du
monde », un rock bien carré qui
malheureusement souffre d’un son quelque peu brouillon. Un titre aux
propos très « actualité » qui manque tout de
même d’un peu de consistance au niveau du texte, dommage. Plus
poétique se veut « Les
écluses », calme et
tranquille, une jolie chanson délicate pleine de questions
existentielles. Un bruitage électro sonne les premières
mesures de « Dieu est un escroc
» qui puise son sujet
là aussi dans l’actualité. Un morceau puissant tant au
niveau du texte que de la musique où la guitare assure un train
d’enfer où la basse ronronne comme un gros diesel. Les voix de
Caroline, Christian et Tristan trouve un bel équilibre et les
musiciens s’en donnent à cœur joie sans pour autant sombrer dans
le démonstratif dans ce long titre de plus de 8 minutes. Une
fois encore Tristan fait preuve d’une maîtrise vocale insolente
sur le mélancolique et sublime « Nouvelles des
étoiles ». Petit « Interlude » poétique
pour Christian toujours bien dans l’air du temps et politiquement
incorrect ! Une question fondamentale est posée avec « Où vont les
escargots » prétexte à une
foultitude de jeux de mots sur une musique plutôt
légère. Bien plus sensuelle est la coquine et
libertine Caroline avec « La
Femme coupée en deux ».
Chaud et sublime ! Le final est des plus grandioses ! Retour au rock
avec « Les beaux restes »
où Christian et Tristan se
partagent les vocaux pour un titre fort et sombre tout en violence
contenue. Caroline revient alors pour l’avant propos de « Souffleur de vers
(synopsis) » qui plante le décor du
titre éponyme. Un long monologue explicatif sur ce qui suit,
« Souffleur de vers (le film) ».
Composé comme un
opéra en plusieurs actes «
Souffleur de vers (le film)
» est un long titre épique de plus de 16 minutes qui
alterne envolés symphoniques, moments plus calmes et petits
instants de grâce. «
Souffleur de vers (le film) »
fait bien entendu la part belle au texte qui, à mon sens, aurait
mérité d’avantage de poésie. Musicalement le titre
puise dans tous les registres et rappelle les grandes compositions du
passé tout en conservant une modernité certaine. Le jeu
d’Hassan fait toujours autant pensé à celui d’Andrew
Latimer de Camel. Les
claviers sont somptueux (Tristan a composé
la musique) quant à la batterie et la basse, elles assument avec
justesse et brio leurs parties, dévoilant la puissance de la
base rythmique du groupe. Caroline se fait même cantatrice dans
le deuxième tiers du titre poussant la vocalise avec force et
gravité. Un peu à contre courrant de ce titre fleuve, le
délicat « Journal intime » referme ce livre
d’histoire. Sans doute aurait-il mieux fallu le caser en milieu
d’album, tant il paraît arriver en bout de course. Au final
« Souffleur
de vers » n’est sans doute pas l’album le plus
facilement accessible du nouvel Ange,
il peut même
déconcerter par moment, mais propose néanmoins une belle
collection de titres pertinents où les musiciens font un
véritable travail de groupe, dans le sens où aucun ne
tire la couverture à lui. Hassan y est moins démonstratif
qu’à l’accoutumé. Les claviers de Tristan bien fondus
dans l’ensemble, la basse de Thierry toujours aussi groove voire funky
mais tout en subtilité discrète, la batterie de
Benoît distille ses toms et ses cymbales avec une assise
certaine. Restent la gouaille de Christian, impériale, et la
voix de Caroline à la fois sensuelle et puissante. Enfin
j’invite tous ceux qui auraient encore des doutes quant
l’efficacité du groupe, d’aller sans tarder, comme je l’ai fait
ce 23 novembre 2007 à « L’autre
Canal » à
Nancy, voir la tournée « Souffleur de vers ».
Le
nouveau show est toujours aussi puissant et réserve de bien
belles surprises.

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Je ne saurais clore cette histoire
du plus grand et du plus vieux groupe de rock français sans
mentionner une personne, fidèle parmi les fidèles, qui a
façonné « l’image » du groupe. Cette personne
c’est Phil Umbdenstock qui a
illustré la majorité des
pochettes du groupe depuis 75 jusqu’au riche livret de « Souffleur
de vers ». Un grand merci à ce monsieur pour la
qualité de ses dessins. Enfin, chaque année, à
l’attention des imbibés membres du fan club « Un pied dans
la marge » est proposé un CD, comme « Plouc »
, « Les
Poèmes de la Noiseraie » ou encore « les
Mots d’Emile ». Ainsi ont été publiés
« Grands
Crus » en 98, « Instantanés
»
en 2000, « Brocantes
» en 2002, « En vrac »
(2003), « Bonus
» (2004) et « Colla(n)ges
» en
2005 ou encore «
Pêle-mêle
».
Les collectors d'Un Pied
Dans La Marge
Les albums de
Christian Décamps et Fils
Christian
Décamps, Tristan Décamps, Francis Décamps,
Jean-Michel Brézovar, Daniel Hass et autres
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« Merlin et les dragons
» C.Décamps |
« Colla(n)ge »
(Collectif) (Hors
commerce) |
« Le
jouet »
T.Décamps |
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© So Sad 10/02/2008 21h57
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